Annoncée pour cette année, la réforme de la prise en charge du grand âge et de l’autonomie nécessite un financement de plusieurs milliards d’euros. Un rapport présenté lundi avance plusieurs propositions pour réunir ces fonds et permettre la mise en place du cinquième risque lancé en juillet dernier. La mission de l’inspecteur des finances, Laurent Vachey, évoque notamment d’économiser sur des prestations comme l’APA ou encore de réduire divers avantages fiscaux. Ces idées ne font pas l’unanimité et le gouvernement devra trancher dans les mois à venir.

La mise en œuvre de la réforme « Grand âge et Autonomie » se précise

Gros chantier du quinquennat d’Emmanuel Macron, la réforme « Grand âge et Autonomie » est en bonne voie de voir le jour. Après la validation par le Parlement de la création d’un cinquième risque de protection sociale, il s’agit de trouver les moyens de financer cette branche Autonomie, dédiée à la prise en charge de la dépendance.

Laurent Vachey, ancien directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), a remis lundi un rapport sur les différentes possibilités de financement de la loi tant attendue au regard du vieillissement de la population.

Le rapport de la mission Vachey mandatée en juin dernier évoque une quinzaine de propositions pour réunir un milliard d’euros dès 2021 et de 3 à 5 milliards supplémentaires d’ici 2024.

Ces fonds permettront de financer les mesures qui seront retenues sur celles préconisées par le rapport de l’ancien directeur de la Sécurité sociale, Dominique Libault.

Les pistes privilégiées de financement de la branche Autonomie

Laurent Vachey, propose d’une part de réorienter les fonds déjà consacrés à la prise en charge des personnes âgées et handicapées, pour mieux répondre aux besoins des plus dépendantes. D’autre part, l’inspecteur des finances évoque de nouveaux impôts et des économies sur plusieurs niches fiscales.

Des économies sur les aides financières pour mieux les réorienter

Aujourd’hui plusieurs aides financières et avantages fiscaux facilitent le maintien à domicile et l’accueil en établissement des personnes âgées et handicapées. L’inspecteur des finances souhaite réorienter les fonds concernés pour répondre plus spécifiquement aux besoins des personnes en perte d’autonomie.

Il s’agirait notamment de se servir sur les ressources suivantes :

  • le Fonds de réserve pour les retraites – 420 millions d’euros par an,
  • le budget d’Action Logement – 300 millions d’euros,

D’après le quotidien Le Monde, le rapport préconise aussi de faire des économies sur certaines aides financières aux personnes âgées et handicapées :

  • l’allocation aux adultes handicapés (AAH),
  • l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).

Certains avantages fiscaux accordés aux personnes âgées, mais pas seulement, pourraient également être impactés :

  • le crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile (portage des repas, entretien de la maison…) concernant tous les particuliers employeurs – le plafond annuel des dépenses, aujourd’hui fixé à 12 000 € pourrait être réduit de moitié – pour une économie de 400 à 600 millions d’euros ;
  • l’exonération des charges sociales lors de l’emploi d’une aide à domicile – accordée à toutes les personnes âgées de 70 ans et plus, quel que soit leur niveau d’autonomie, elle pourrait être réservée aux seniors en situation de dépendance – pour une économie estimée à 180 millions ;
  • la réduction d’impôt accordée aux résidents en maison de retraite supportant des frais liés à la dépendance.  

Plus d’impôts pour augmenter les ressources

Au-delà des économies, le rapport remis au ministre de la Santé (Olivier Véran) évoque de nouveaux prélèvements possibles ou l’augmentation de ceux existants.

Les retraités seraient à nouveau les premiers visés… Après une hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG) pour les retraités gagnant plus de 2 000 euros (de 6,6 % à 8,3 %), la CSG est à nouveau dans le collimateur du gouvernement.

Les propositions touchant les retraités sont les suivantes :

  • un alignement du taux de la CSG pour les retraités aisés sur celui des actifs (9,2 %) pourun gain d’environ 780 millions d’euros,
  • une réduction de moitié du plafond de l’abattement de 10 % sur les pensions de retraite – un gain d’environ 1,5 milliard d’euros.

Les personnes actives ne sont pas oubliées par le rapport qui évoque :

  • une réduction des abattements de cotisations pour les salaires élevés.

Enfin, les droits de succession pourraient être augmentés, la mission Vachey proposant :

  • une hausse du « barème de taxation de 20 % à 25 % sur les héritages dont la part taxable se situe entre 284 128 euros et 552 324 euros » un gain estimé à 2,5 milliards d’euros par an.

Le rapport propose également de rechercher des « solutions innovantes », comme la création « d’un prêt immobilier dépendance qui évoluerait en fonction de la perte d’autonomie ».

Des mesures évoquées, mais écartées

Certaines pistes sont avancées, mais ne semblent pas satisfaire l’inspecteur des finances. C’est le cas notamment des deux mesures suivantes pourtant souvent évoquées :

  • l’ajout d’une deuxième journée de solidarité – la première « journée de solidarité envers les personnes âgées », créée après la canicule de 2003, rapporte déjà plus de 2 milliards d’euros par an ;
  • l’obligation de souscrire à une assurance complémentaire généralisée.

Des pistes proposées par les Français eux-mêmes

Les Français ont leur propre idée de la manière de financer la nouvelle branche de la Sécurité sociale. Pour eux, les particuliers ne devraient pas être outre mesure mis à contribution. Il s’agirait plutôt de se tourner vers les plus aisés et les entreprises… C’est ce qui ressort d’une étude publiée mardi par le think tank Vulnérabilités et société, en partenariat avec Odoxa.

Les pistes rejetées par les Français sont :

  • la retenue d’une partie des dépenses de santé remboursées,
  • la création d’une nouvelle journée de solidarité,
  • le recul de l’âge de la retraite…

Les propositions privilégiées par les personnes interrogées seraient :

  • la création d’une taxe longévité sur le chiffre d’affaires des entreprises,
  • des taxes pour les personnes aisées, les entreprises polluantes et les fumeurs,
  • la souscription obligatoire d’un contrat de prévoyance individuelle,
  • l’adhésion volontaire à un contrat d’assurance dépendance,
  • un remboursement dégressif des soins liés à la perte d’autonomie, en fonction des revenus,
  • la création de services de « classe économique » dans les établissements d’hébergement pour les personnes âgées (taille des chambre, alimentation, etc.)

Des propositions qui soulèvent déjà des oppositions

Antoine Grézaud, directeur général de la Fédération des services aux particuliers (Fesp), a exprimé son désaccord avec la proposition de rogner certaines niches sociales, tels les avantages fiscaux accordés sur l’emploi d’une aide à domicile.

Pour le directeur de la Fesp, réduire le crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile ouvrirait la porte au travail au noir et donc au risque de manque de professionnalisme des intervenants auprès des personnes âgées. M. Grézaud préconise au contraire de mettre en place un crédit d’impôt instantané pour faciliter les démarches effectuées par les usagers.

Il faudra encore plusieurs mois pour voir la nouvelle loi Grand âge et Autonomie, ainsi que son financement, se préciser. En attendant, les concertations se poursuivent.

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Avatar auteur, Yaël A.
Yaël A.,Rédactrice chez Cap Retraite

1 Commentaire

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  1. Berry Lucien

    +le cinquième risque devrait être mis en fonctionnement dans un délai très bref

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