En France, plus de 11 millions de personnes soutiennent un proche en situation de handicap, de maladie ou de perte d’autonomie. Derrière ce chiffre, des vies chamboulées. Fatigue qui s’installe, pression qui monte, équilibre entre vie pro et vie perso qui vacille. Les aidants familiaux jonglent chaque jour avec l’imprévu. Impossible de tout anticiper, rarement possible de tout faire. Pourtant, il existe des leviers immédiats, accessibles dès maintenant, pour résister à l’épuisement et garder le cap côté travail.

Aidant et salarié : une équation complexe

D’un côté, les exigences du bureau. De l’autre, celles du domicile. Pour beaucoup, ces deux mondes se percutent. L’aidant endosse un rôle hors norme[2], souvent choisi par devoir, rarement par véritable envie. L’accompagnement peut être ponctuel ou continu, léger ou très lourd. Et la frontière entre vie professionnelle et engagement personnel devient poreuse. L’absentéisme grimpe – en moyenne 16 jours d’arrêt de travail en plus par an chez les aidants. L’isolement menace. La reconnaissance, elle, tarde à venir, au travail comme à la maison.

aidante se faisant aider au travail pour prévenir le burn out

LIRE AUSSI : Que faire si mon employeur refuse de prendre en compte mon rôle d’aidant ?

Aidants : 7 actions immédiates pour ne pas s’épuiser

1. Assumer son statut et poser ses limites

Beaucoup d’aidants avancent sans oser se nommer ainsi. Pourtant, reconnaître ce rôle change tout : cela ouvre l’accès à des droits, des aides concrètes et à de l’écoute. Accepter son rôle, c’est aussi accepter de ne pas tout faire ni d’être parfait. Il est essentiel de réfléchir à ce que l’on peut ou souhaite réellement assumer et de tracer une frontière claire entre l’aide apportée et ce qui relève d’un professionnel ou d’un autre membre de la famille. 

Prendre le temps de réévaluer régulièrement son implication selon l’évolution du proche ou de la maladie est important. Un rôle se redéfinit et s’ajuste au fil du temps, et il n’y a aucune honte à le faire.

2. Dialoguer avec son employeur et demander des aménagements

Cacher sa situation au travail peut conduire à l’épuisement. Au contraire, un dialogue honnête avec le manager ou les ressources humaines change la donne. De plus en plus d’entreprises signent des chartes en faveur des aidants, offrant des solutions comme le télétravail partiel, des horaires flexibles, des jours d’absence adaptés, la possibilité de fractionner la journée ou encore le congé proche aidant

La loi évolue et les mentalités également. Plus le sujet est abordé ouvertement, plus ces aménagements deviennent naturels.

3. Prendre du recul et déléguer

Vouloir tout contrôler et tout porter est un réflexe courant chez les aidants. Pourtant, déléguer ne signifie pas abandonner : c’est préserver sa santé et parfois celle du proche. Déléguer, c’est reconnaître que d’autres peuvent aider, que ce soit un voisin pour les courses, une aide à domicile[1] pour la toilette ou un membre de la famille pour les démarches administratives. 

Les associations, les professionnels de santé et les services municipaux constituent autant de relais à solliciter, même ponctuellement et même si ce n’est pas parfait.

4. Mobiliser les dispositifs de répit et les aides financières

Le droit au répit n’est pas un luxe, c’est une nécessité pour durer. Il existe plusieurs dispositifs : accueil de jour, baluchonnage (relais à domicile), hébergement temporaire ou séjours aidant-aidé. Les plateformes de répit (PFR) se multiplient. 

Sur le plan financier, différentes aides sont disponibles selon les conditions d’éligibilité : Allocation Journalière du Proche Aidant (AJPA), APA, PCH, AEEH. Certaines entreprises et mutuelles proposent également des aides exceptionnelles. Prendre le temps de faire le point avec une assistante sociale ou via les plateformes numériques est un geste qui soulage sur la durée.

LIRE AUSSI : Aidants familiaux : vous pouvez toucher jusqu’à 1 477 € sans condition de revenus (et peu de gens le savent)

5. Rester connecté, ne pas s’isoler

L’isolement est le piège numéro un : il ronge, fatigue et décourage. Rejoindre un groupe de parole, participer à des rencontres organisées par des associations d’aidants ou s’inscrire sur un forum en ligne permet de briser la solitude. Parler avec d’autres aidants, partager ses doutes, ses astuces et ses moments de découragement peut vraiment aider à tenir le coup. 

La Journée nationale des aidants, la Semaine bleue, les plateformes de répit et les communautés 360 offrent autant d’occasions de sortir la tête de l’eau.

6. Prendre soin de soi, sans culpabilité

L’aidant oublie souvent de s’occuper de lui-même. Pourtant, tout commence par là. Il est important de prendre le temps d’un café avec un ami, d’une sortie, d’une séance de sport ou d’un rendez-vous médical. S’autoriser des micro-pauses et des moments de respiration est essentiel. Quand la fatigue gagne, il devient urgent de se préserver. 

Le soutien psychologique, le suivi médical et les activités plaisir ne sont pas de l’égoïsme, mais des mesures de survie : sans santé, l’accompagnement s’effondre et les proches en pâtissent également.

7. Se former, s’informer, s’outiller

Mieux s’outiller permet de gagner en efficacité et en sérénité. Il existe des formations gratuites sur les gestes techniques, la communication ou la gestion des conflits. Des guides pratiques aident à comprendre les droits et les démarches. 

Des applications permettent de suivre les soins, d’organiser le planning et de gérer les rappels de médicaments. 

Des plateformes en ligne comme Mon Parcours Handicap, Ma Boussole Aidants ou solidarites.gouv.fr centralisent les informations utiles. Plus on en sait, moins on subit.

formation pour aidants au travail

Garder l’équilibre : entre accompagnement, autonomie et travail

Aider, ce n’est pas tout faire. Préserver l’autonomie du proche, valoriser ses efforts, le laisser décider, même sur de petits choix. Accompagner, c’est marcher à côté, pas devant. Adapter l’environnement (barres d’appui, téléphone à grosses touches, domotique), encourager sans infantiliser, accepter l’imperfection sont autant de gestes qui comptent. 

L’équilibre se construit dans la nuance, dans l’ajustement constant, dans la capacité à dire stop quand il le faut.

Points de vigilance et signaux d’alerte

  • Épuisement chronique, troubles du sommeil, irritabilité : des signes à prendre au sérieux.
  • Sentiment de solitude qui s’installe, perte de motivation, boule au ventre en pensant au travail.
  • Difficulté à demander de l’aide, à prendre du temps pour soi, à déléguer.
  • Proche qui refuse les services extérieurs : ne pas rester seul face à ce blocage, en parler avec un professionnel.
  • Manque de reconnaissance de l’entourage ou du supérieur hiérarchique : chercher du soutien à l’extérieur.

LIRE AUSSI : Burn-out de l’aidant : 5 clés psychologiques pour s’en protéger

Ressources utiles pour les aidants

RessourceType d’aideContact / Accès
Numéro national d’orientationÉcoute, orientation, conseils0 800 360 360
Mon Parcours HandicapPlateforme d’informationmonparcourshandicap.gouv.fr
Ma Boussole AidantsCartographie des aides localesmaboussoleaidants.fr
France Alzheimer[3], APF France Handicap…Associations spécialisées, groupes de soutienAdresses locales sur internet

Pratique : 5 questions à se poser régulièrement

  • Suis-je vraiment le seul à pouvoir aider mon proche ?
  • Quelles tâches pourrais-je déléguer ou partager aujourd’hui ?
  • Ai-je pris du temps pour moi cette semaine ?
  • Mon employeur connaît-il ma situation d’aidant ?
  • À qui puis-je parler de mes difficultés sans jugement ?

Pour aller plus loin

  • Préparer un plan d’urgence (hospitalisation de l’aidant, aggravation soudaine de la situation du proche).
  • Se tenir informé des dispositifs nouveaux (stratégie nationale, nouveaux droits, plateformes numériques).
  • Ne pas hésiter à solliciter une assistante sociale pour faire le point sur les aides existantes.
  • Rejoindre une formation dédiée ou s’abonner à une newsletter spécialisée.

Tenir la distance, ce n’est pas qu’une affaire de volonté. C’est une stratégie, une vigilance, une habitude à prendre. Savoir s’arrêter. Savoir dire non. Savoir demander. Savoir s’accorder du répit. Les aidants forment un maillon indispensable du lien social, mais leur engagement ne doit pas les broyer. Les outils existent. Les réseaux se tissent. L’information circule. S’en saisir, c’est déjà résister à l’usure. Et permettre, sur la durée, de rester présent pour son proche… et pour soi-même.

Article relu par l’équipe éditoriale avec le concours d’un contributeur expert médico-social chez Cap Retraite. Son expérience de terrain et sa connaissance des dispositifs d’aide et d’accompagnement permettant d’apporter un regard fiable et pertinent aux lecteurs.

Note de l’article (1 votes)

Cet article vous a-t-il été utile ?

Notez cet article afin de nous permettre d’améliorer nos contenus.

Commentaires (0)

Réagissez, posez une question…

Les derniers articles

Articles les plus recherchés

Nos dossiers sur ce thème

La santé du Grand-âge

L'accroissement de la longévité s'accompagne de la multiplication de pathologies propres aux personnes âgées. Nous abordons dans ce dossier intitulé "la santé au grand âge"…

En savoir plus

Face à la maladie d'Alzheimer

Nous avons consacré un dossier spécifique à la maladie d’Alzheimer, pour appréhender à sa mesure ce véritable fléau, qui touche en France 800 000 personnes,…

En savoir plus

Face à la maladie de Parkinson

Affection dégénérative du cerveau la plus courante après Alzheimer, la maladie de Parkinson touche plus de 2 % de la population française de plus de…

En savoir plus