Le vieillissement, parfois la maladie, amènent certaines familles à découvrir la réalité des mesures de protection judiciaire. Curatelle[1] simple, curatelle renforcée, tutelle[2]… Derrière ces termes juridiques, des enjeux concrets : protéger une personne vulnérable, encadrer ses décisions, parfois limiter sa liberté. Quand une mère se retrouve placée sous curatelle renforcée, la question de la transmission patrimoniale s’invite vite à la table. Peut-elle encore gratifier ses enfants de son vivant ? Donation, don manuel, précautions, rôle du curateur, feu vert du juge… Ici, chaque étape compte, chaque faux pas peut remettre l’opération en cause.
Curatelle renforcée : comprendre le cadre exact
La curatelle renforcée n’équivaut pas à une incapacité totale. La personne reste titulaire de ses droits civils, mais ses actes sont encadrés, surtout sur le plan financier. Le curateur gère les comptes, règle les dépenses courantes, autorise ou refuse certains engagements. Pour les actes graves (vente d’un bien immobilier, donation, emprunt), la vigilance redouble : impossible d’agir seule, la mère doit passer par une procédure stricte.
- La personne protégée : elle conserve le droit d’exprimer ses volontés.
- Le curateur : il accompagne, vérifie, co-signe ou agit au nom de la mère.
- Le juge des contentieux de la protection (ex-juge des tutelles[3]) : il contrôle les décisions majeures.
La loi (articles 467 et suivants du Code civil) prévoit que la personne sous curatelle renforcée doit être assistée, jamais remplacée totalement. À la différence de la tutelle, où le tuteur décide, ici, le consentement de la mère reste indispensable.

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Donation : un acte grave, strictement encadré
La donation, par nature, appauvrit la personne protégée. Elle engage le patrimoine pour l’avenir, parfois de façon irréversible. Pour cette raison, le législateur a voulu éviter les abus, protéger la mère contre les influences, les conflits familiaux, les manipulations. La procédure exige donc plusieurs validations.
L’accord préalable du juge : passage obligé
Impossible de faire une donation sous curatelle renforcée sans l’aval du juge. Cette autorisation n’est pas une formalité. Le magistrat examine la situation financière, le projet de donation, la capacité de la mère à comprendre ce qu’elle fait. Il peut demander un avis médical, convoquer la famille, refuser si la mesure lui paraît risquée ou inappropriée.
- Dossier à présenter : lettre de demande, justificatifs patrimoniaux, projet de donation précis, avis du curateur.
- Entretien éventuel : la mère peut être reçue pour s’exprimer.
- Décision : le juge donne, ou non, son autorisation écrite.
Sans cette autorisation, la donation serait nulle. Le notaire refusera d’aller plus loin. Le curateur ne peut pas se substituer à la mère, ni signer seul.
Le rôle du curateur dans la donation
Le curateur ne décide pas à la place de la mère. Il l’assiste : présence obligatoire devant le notaire, co-signature de l’acte, aide à la constitution du dossier. Il doit vérifier l’intérêt de l’opération, refuser s’il estime la donation contraire à la protection de la mère. Son avis compte, mais seul le juge tranche in fine.
Don manuel, précautions et fausses idées
Le don manuel (argent, bijoux, objets de valeur) échappe-t-il à la procédure ? Beaucoup le pensent, à tort. La loi ne distingue pas entre donation notariée et don de la main à la main : toute transmission significative de patrimoine, même en liquide, nécessite l’assistance du curateur et l’accord du juge.
Lorsque les règles ne sont pas suivies, les conséquences peuvent être lourdes. Un héritier évincé peut demander l’annulation de la donation. Le fisc peut requalifier l’opération, appliquer des pénalités. Même l’enfant gratifié s’expose à des complications juridiques, parfois à devoir restituer les sommes reçues.

Procédure concrète pour une donation sous curatelle renforcée
- La mère exprime sa volonté de donner, en toute lucidité.
- Le curateur prépare le dossier, vérifie la faisabilité.
- Demande d’autorisation au juge, dossier complet à l’appui.
- Convocation éventuelle devant le juge pour entendre la mère.
- Décision du juge (acceptation ou refus, parfois sous conditions).
- Rendez-vous chez le notaire : la mère assiste, le curateur co-signe.
- Enregistrement de la donation, respect des formalités fiscales.
À chaque étape, la vigilance reste de mise. Le juge peut assortir son autorisation de conditions (limitation du montant, contrôle de l’usage des fonds, information d’autres héritiers). Le notaire joue un rôle clé : il vérifie la régularité, alerte si un doute subsiste.
Les points à ne pas négliger
- Transparence totale avec tous les héritiers pour éviter les tensions futures.
- Justification claire de l’utilité de la donation pour la mère (soutien, équité, projet familial).
- Accompagnement par des professionnels : notaire, avocat, associations spécialisées.
- Respect strict des étapes : aucun raccourci n’est possible.
Transmettre de son vivant, même sous curatelle renforcée, n’est pas interdit. Mais chaque étape, chaque signature, chaque feu vert judiciaire protège la mère avant tout. La loi pense d’abord à elle, pas à son patrimoine. Anticiper, dialoguer, respecter le cadre légal : voilà la meilleure garantie d’une transmission sereine, et d’un passage de relais réussi.
FAQ : questions fréquentes sur la donation sous curatelle renforcée
Peut-on faire une donation-partage dans ce contexte ?
Oui, mais la procédure reste identique : autorisation judiciaire impérative, curateur présent, notaire obligatoire. La donation-partage permet d’anticiper la succession, éviter certains conflits entre enfants, mais ne simplifie pas le formalisme.
Peut-on donner uniquement une somme modeste (ex. : 1 000 €) ?
Le montant n’exonère pas de la procédure. Même une somme dite « raisonnable » doit passer par l’accord du curateur et du juge, car la vulnérabilité de la personne prime sur le quantum.
Le curateur peut-il refuser d’accompagner la démarche ?
Oui, s’il estime que la donation met en danger la mère ou contrevient à ses intérêts. Dans ce cas, la mère ou la famille peut saisir directement le juge pour arbitrer.
La mère peut-elle revenir sur sa décision après autorisation ?
Tant que l’acte n’est pas signé chez le notaire, la volonté de donner reste révocable. Après signature, le retour en arrière devient très difficile, sauf vice du consentement avéré.
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[1] Curatelle
La curatelle est une mesure qui aide une personne vulnérable à gérer ses affaires, tout en lui permettant de garder une certaine indépendance.
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[2] Tutelle
La tutelle est un mesure de protection judiciaire où une personne est désignée pour prendre soin des affaires personnelles et financières d’une personne qui ne peut plus le faire elle-même…
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Le juge des tutelles est un magistrat dont les décisions ont pour but pour protéger et aider les personnes qui ne peuvent pas gérer seules leurs affaires ou leurs finances.
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Un de mes frère est sous curatelle renforcée.Et se trouve en hôpital psychiatrique jusqu’à la fin de ses jours.
Nous avons une vieille maison familiale en commun Il aimerait faire une donation de sa parts à ma soeur et moi.Comment faut t’il procéder.
En vous remerciant par avance,Mme,MR pour votre réponse.
Salutations respectueuses.
Bonjour
Je vous remercie pour votre commentaire.
Pour envisager une donation d’une personne sous curatelle renforcée, il est généralement nécessaire de saisir le juge des contentieux de la protection pour obtenir une autorisation, le juge évaluant si l’acte est compatible avec l’intérêt de la personne ; un notaire est ensuite habituellement consulté pour la rédaction de l’acte si l’autorisation est accordée.
Bonne journée.
Amandine