L’argent ne tombe pas du ciel, surtout à la retraite. Pourtant, près d’un million de seniors français se privent involontairement de sommes qui leur reviennent de droit, phénomène connu sous le nom de non-recours aux droits. Négligences administratives, manque d’information ou idées reçues… Les raisons sont multiples, mais les conséquences toujours les mêmes : un manque à gagner qui pèse lourd sur des budgets souvent déjà contraints.
Près d’un million de retraités ne perçoivent pas l’intégralité de leurs droits
Le chiffre est alarmant et pourtant bien réel : environ 940 000 personnes âgées entre 70 et 90 ans ne touchent pas la totalité de leur pension du régime général, selon les données de l’Assurance retraite rapportées par Le Journal des Femmes. Ces seniors ont correctement cotisé tout au long de leur carrière, mais n’ont jamais effectué les démarches nécessaires pour percevoir l’intégralité de leurs droits.
Cette situation paradoxale s’explique principalement par une idée fausse mais tenace : celle que la retraite serait versée automatiquement. Or, contrairement à d’autres prestations sociales, la retraite ne se déclenche qu’après une démarche active du bénéficiaire. Sans cette initiative personnelle, les pensions restent en attente, parfois durant des années.

Les principales erreurs qui font perdre de l’argent aux seniors
Plusieurs erreurs ou un manque d’information entraînent une perte financière pour certains seniors.
Ne pas demander sa retraite à temps
C’est l’erreur la plus courante et la plus coûteuse. Beaucoup de Français ignorent qu’ils doivent déposer une demande formelle pour percevoir leur pension, idéalement 6 mois avant la date prévue de départ. Sans cette démarche, aucun versement n’est effectué, que ce soit pour la retraite de base ou les complémentaires.
La perte financière peut atteindre plusieurs centaines d’euros mensuels. Plus grave encore, la rétroactivité n’est possible que sur une période limitée, généralement de 6 mois. Au-delà, les sommes non réclamées sont définitivement perdues pour le retraité.
LIRE AUSSI : Vous approchez de la retraite ? Voici les conditions pour partir à la retraite au bon moment
Oublier certains régimes de retraite
Au cours d’une carrière, il n’est pas rare d’avoir cotisé à plusieurs régimes de retraite différents. Salariat, périodes d’intérim, auto-entrepreneuriat, fonction publique… Chaque statut correspond à une caisse spécifique qui nécessite une démarche distincte.
De nombreux seniors oublient certaines périodes de leur parcours professionnel, particulièrement celles de courte durée ou très anciennes. Résultat : ils ne perçoivent qu’une partie des pensions auxquelles ils ont droit. Pour éviter ce piège, il est recommandé de demander son relevé de carrière complet plusieurs années avant la retraite.
Négliger les dispositifs complémentaires
Au-delà de la pension principale, de nombreux dispositifs d’aide existent pour les retraités, particulièrement ceux aux revenus modestes :
- L’ASPA (Allocation de Solidarité aux Personnes Âgées)
- Les aides au logement spécifiques
- Les complémentaires santé subventionnées
- Les exonérations fiscales liées à l’âge
Ces prestations ne sont jamais attribuées automatiquement et nécessitent des démarches spécifiques. Selon la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse, plus de 50% des personnes éligibles à l’ASPA ne la demandent pas, se privant ainsi d’un complément pouvant atteindre 1 034,28 euros par mois pour une personne seule en 2025.
Méconnaître ses droits à la retraite pour inaptitude
Les seniors souffrant de problèmes de santé peuvent bénéficier d’un départ anticipé à taux plein pour inaptitude au travail. Cette disposition permet de partir sans décote, même si tous les trimestres requis n’ont pas été cotisés. Pourtant, de nombreuses personnes âgées en mauvaise santé continuent de travailler ou acceptent une retraite minorée, faute d’information.
Pour être reconnu inapte, il suffit généralement d’un taux d’incapacité permanente de 50% attesté par le médecin conseil de la Sécurité sociale. Une démarche simple qui peut faire une différence considérable sur le montant de la pension.
Ce droit s’ouvre dès 62 ans (âge maintenu pour l’inaptitude, malgré la réforme qui relève l’âge légal jusqu’à 64 ans selon l’année de naissance).
Si vous percevez déjà une pension d’invalidité, elle est en principe remplacée à 62 ans par une retraite pour inaptitude. Si vous travaillez encore ou souhaitez différer, la pension d’invalidité peut être maintenue jusqu’à 67 ans. Vous demanderez la liquidation plus tard.
Oublier de demander la pension de réversion
La pension de réversion correspond à une partie de la retraite qu’un conjoint décédé percevait ou aurait pu percevoir. Elle permet à son époux ou épouse survivant(e), sous conditions de ressources, de toucher entre 50 et 60 % de la pension du défunt.
Pourtant, une étude de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) estime que 8 % à 10 % des conjoints survivants potentiellement éligibles ne perçoivent pas cette pension, faute d’en avoir fait la demande.
Les raisons ? Méconnaissance du dispositif, complexité des conditions, difficultés administratives ou raisons de santé ou psychologiques face au deuil.
À noter : la pension de réversion n’est jamais attribuée automatiquement. Elle doit être demandée auprès de la caisse concernée.
Comment récupérer ses droits non perçus
Plusieurs dispositifs permettent aux retraités de faire valoir leurs droits manquants.
Vérifier sa situation personnelle
Pour savoir si vous faites partie des seniors qui ne touchent pas tous leurs droits, plusieurs vérifications s’imposent :
- Demander votre relevé de carrière complet auprès de l’Assurance retraite
- Comparer les régimes mentionnés avec votre parcours professionnel réel
- Vérifier si vous percevez bien une pension pour chaque période travaillée
- Consulter un conseiller retraite en cas de doute
Ces démarches peuvent être effectuées en ligne sur le site de l’Assurance retraite, par téléphone ou lors d’un rendez-vous physique dans une agence. L’idéal est de les réaliser au moins une fois par an pour s’assurer qu’aucun droit n’est oublié.
Entamer les démarches de récupération
Si vous constatez que certains droits ne vous sont pas versés, plusieurs options s’offrent à vous :
- Pour la retraite de base : contacter la CNAV ou la MSA selon votre régime
- Pour les retraites complémentaires : s’adresser à l’Agirc-Arrco, la CIPAV ou la caisse concernée
- Pour les produits d’épargne retraite : contacter directement l’établissement financier gestionnaire
Dans la plupart des cas, la récupération des droits peut se faire jusqu’à 5 ans en arrière pour les organismes publics. Au-delà, les sommes sont généralement perdues. Pour les contrats privés, les délais de prescription peuvent varier et atteindre parfois 30 ans.

Pourquoi tant de seniors passent à côté de leurs droits ?
Plusieurs raisons expliquent le non-recours aux droits chez les retraités.
La complexité du système français
Avec ses 42 régimes de retraite différents, le système français figure parmi les plus complexes au monde. Cette multiplicité rend difficile la compréhension des droits, même pour les personnes les plus informées. La réforme des retraites entamée en 2023 vise en partie à simplifier ce système, mais les effets ne seront pas immédiats.
À cette complexité s’ajoute la fracture numérique qui touche particulièrement les seniors. Alors que de plus en plus de démarches se dématérialisent, une partie importante des retraités se trouve démunie face aux procédures en ligne. Selon l’INSEE, plus de 30% des plus de 75 ans n’ont jamais utilisé internet.
Le manque d’information ciblée
Malgré les campagnes de communication des caisses de retraite, l’information peine à atteindre ceux qui en ont le plus besoin. Les personnes isolées, en situation de précarité ou souffrant de problèmes de santé sont particulièrement vulnérables à ce déficit d’information.
Les organismes sociaux privilégient souvent les canaux numériques pour diffuser l’information, laissant de côté une partie des seniors. Les courriers postaux se font plus rares, et les permanences physiques dans les territoires ruraux ont tendance à diminuer.
Pourquoi la moitié des seniors éligibles renonce à l’ASPA ?
Selon la Cnav, les raisons du non-recours à l’Allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) sont multiples :
- Manque d’information : 52 % des personnes concernées n’ont jamais entendu parler de l’ASPA ou n’en ont qu’une idée floue.
- Peur du recours sur succession : beaucoup refusent de la demander, craignant que l’État récupère la somme sur leur héritage.
- Démarches jugées trop complexes : découragement, oublis ou abandon des dossiers après un premier contact.
- Autocensure : certains pensent ne pas remplir les conditions de ressources ou craignent de perdre d’autres aides (comme la complémentaire santé).
En résumé : l’ASPA reste méconnue, parfois redoutée, alors qu’elle peut représenter plus de 1 000 € par mois pour une personne seule à faibles revenus.
Des solutions pour améliorer l’accès aux droits des seniors
Différentes pistes permettent d’aider les seniors à bénéficier pleinement de leurs droits.
Le rôle essentiel des aidants et de l’entourage
Face à ces difficultés, l’entourage des personnes âgées joue un rôle crucial. Enfants, petits-enfants, voisins ou amis peuvent apporter une aide précieuse dans les démarches administratives. Vérifier régulièrement que tous les droits sont perçus devrait faire partie des attentions portées aux seniors.
Dans les EHPAD[1] et résidences pour personnes âgées, les travailleurs sociaux peuvent également accompagner les résidents dans la récupération de leurs droits. Certains établissements proposent même des bilans sociaux systématiques à l’entrée pour identifier les prestations manquantes.
Les initiatives locales et associatives
De nombreuses associations et collectivités locales développent des actions pour lutter contre le non-recours aux droits. Permanences dans les mairies, visites à domicile, lignes téléphoniques dédiées… Ces initiatives permettent d’aller vers les seniors les plus isolés.
Les Centres Communaux d’Action Sociale (CCAS[2]) constituent souvent le premier point de contact pour les retraités en difficulté. Leur connaissance fine du territoire et des habitants en fait des acteurs privilégiés pour détecter les situations de non-recours.
Les Centres locaux d’information et de coordination gérontologique (CLIC) centralisent l’information sur les droits, les services à domicile, l’entrée en établissement et les aides financières disponibles. Cela permet de faciliter les démarches et d’éviter les ruptures de parcours.
Vers une automatisation partielle des droits
Face à l’ampleur du phénomène, l’idée d’une automatisation de certains droits fait son chemin. Si la liquidation complète de la retraite reste soumise à une demande formelle, certaines prestations complémentaires pourraient être attribuées automatiquement aux personnes éligibles.
Cette évolution nécessite une meilleure coordination entre les différents organismes sociaux et un partage sécurisé des données. Des expérimentations sont en cours dans plusieurs départements français, avec des résultats encourageants sur le taux de recours aux aides.
Ne laissez pas vos droits s’évaporer par méconnaissance ou négligence. Un simple coup de fil peut parfois suffire à récupérer des sommes importantes qui vous sont dues. Dans un contexte où le pouvoir d’achat des retraités est sous pression, aucune ressource ne devrait être négligée.
Les erreurs les plus fréquentes qui privent les seniors d’une partie de leurs droits – Récapitulatif
| Erreur fréquente | Conséquence principale | Pourquoi cela arrive-t-il ? | Comment l’éviter ? |
|---|---|---|---|
| Ne pas demander sa retraite à temps | Retard ou perte de versements | Beaucoup pensent que la retraite est versée automatiquement | Faire la demande 6 mois avant la date prévue de départ |
| Oublier un régime de retraite | Une partie des droits n’est jamais versée | Carrières mixtes (salariat, indépendance, fonction publique…) mal recensées | Vérifier son relevé de carrière complet longtemps avant le départ |
| Négliger les aides complémentaires (ASPA, aides logement, exonérations fiscales) | Perte de prestations sociales | Manque d’information, peur du recours sur succession, démarches jugées complexes | Se renseigner auprès du CCAS ou de la Caisse de retraite avant la liquidation |
| Ignorer ses droits à la retraite pour inaptitude | Retraite minorée alors qu’un taux plein serait possible | Méconnaissance du dispositif ou absence de reconnaissance médicale | Consulter son médecin conseil pour évaluer l’éligibilité à l’inaptitude |
| Ne pas demander la pension de réversion | Absence de pension au décès du conjoint | La réversion n’est pas automatique, et les démarches peuvent décourager | Déposer une demande auprès de la caisse du défunt |
| Ne pas actualiser ses coordonnées ou sa situation | Retards de paiement, suspension temporaire | Déménagements non signalés, changement de compte bancaire | Mettre à jour ses informations depuis son espace personnel retraite |
Questions fréquentes
Je suis éligible à l’ASPA mais je ne l’ai pas demandée : est-ce que c’est trop tard ?
Non. Vous pouvez demander l’ASPA à tout moment, dès que vous remplissez les conditions d’âge et de ressources.
En revanche, le versement n’est rétroactif qu’à compter de la date de la demande. Il est donc préférable de la déposer dès que possible auprès de votre caisse de retraite.
Je peux encore corriger mon relevé de carrière après mon départ à la retraite ?
Oui, mais il faut le faire le plus tôt possible. Chaque régime a ses propres règles de délai : contactez rapidement votre caisse de retraite pour éviter toute perte de droits.
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[1] EHPAD
Les EHPAD sont des établissements médicalisés qui accueillent des personnes âgées qui ont besoin de soins médicaux réguliers et d’une aide dans leur vie quotidienne.
-
[2] CCAS
Le CCAS est un organisme local qui aide les habitants en difficulté, notamment les personnes âgées, en leur offrant des services sociaux et des aides financières.
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Quel est le plafond de ressources pour demander l’ASPA
Bonjour
Je vous remercie pour votre commentaire.
Il est conseillé de vérifier auprès de la Caisse des retraites.
Bonne fin de journée.
Amandine
Mon mari était assimilé fonctionnaire il est décédé a 53 ans nous avions le même âge et j ai fais la demande de reversion a 55 ans et la on m a dit que comme j était moi en invalidité je pouvais la percevoir dès son décès. Personne m a informé ?? Merci
Bonjour, je doute que l’ASPA fasse partie de l’automaticité de l’attribution envisagée, car nombre de retraités y auraient droit mais ne la demandent pas pour ne pas pénaliser leurs héritiers. C’est un choix à respecter.