Fatigue qui s’installe. Moral en berne. Appétit qui s’effrite. La déprime fait irruption chez de nombreux seniors, parfois sans prévenir, souvent sur fond de solitude ou de maladie chronique. En France, plus de 3 millions de personnes âgées vivent avec une dépression[1], mais deux tiers d’entre elles ne reçoivent ni diagnostic ni prise en charge adaptée. Pourtant, au-delà d’un simple « coup de blues », la déprime peut masquer des troubles graves, avec des conséquences majeures sur la santé et l’autonomie.
Comprendre la dépression chez la personne âgée : spécificités et enjeux
Après 65 ans, les pertes s’accumulent. Décès d’un proche, changement de logement, déclin physique, éloignement des enfants… Autant d’événements qui fragilisent. Mais la tristesse n’est pas une fatalité du grand âge. La dépression chez le senior se distingue par sa fréquence, sa gravité et la difficulté de son repérage. Les symptômes se cachent derrière des plaintes somatiques, un repli silencieux, une lenteur inhabituelle ou une fatigue injustifiée.
Confusion, troubles de la mémoire, douleurs diffuses : autant de signaux qui peuvent faire passer la dépression pour une autre pathologie, ou pour le « simple poids des années ». Les risques dépassent le mal-être psychique : perte d’autonomie, aggravation des maladies existantes, risque de suicide multiplié. Un tiers des suicides concerne les plus de 65 ans.

Déprime ou dépression : les critères qui changent tout
Distinguer une déprime réactionnelle d’une dépression authentique, c’est observer, questionner, recouper. Chez la personne âgée, tout commence souvent par des signes discrets, banalisés. Mais certains critères doivent alerter :
- Durée : tristesse et perte d’intérêt qui s’installent sur au moins deux semaines, sans amélioration spontanée.
- Retrait social : désengagement progressif, refus d’activités autrefois appréciées, isolement même face à la famille.
- Symptômes physiques : perte ou prise de poids inexpliquée, troubles du sommeil persistants, douleurs multiples sans cause médicale claire.
- Négligence de soi : hygiène négligée, refus de soins, oublis médicamenteux, désintérêt pour l’apparence.
- Idées noires ou discours sur la mort : propos pessimistes, allusions récurrentes à la mort, sentiment d’inutilité.
- Aggravation du déclin cognitif : troubles de la mémoire ou de l’attention qui s’accentuent, confusion nouvelle.
Une tristesse passagère, liée à un événement identifié (anniversaire difficile, maladie aiguë, perte récente), qui s’atténue en quelques jours ou semaines, sans altérer durablement les habitudes et le lien social, évoque plutôt une déprime passagère.
En savoir plus sur le syndrôme de glissement chez la personne âgée
Facteurs de risque et contextes aggravants
La dépression du grand âge ne naît pas du hasard. Plusieurs facteurs s’additionnent, parfois dès la retraite :
- Isolement social : solitude, éloignement familial, rupture du cercle amical.
- Antécédents psychiques : dépressions anciennes, anxiété chronique, traumatismes non résolus.
- Sexe féminin : les femmes sont plus touchées dès la soixantaine.
- Polymédication, maladies chroniques : pathologies cardiovasculaires, neurologiques, douleurs chroniques, cancers.
- Deuils successifs : perte du conjoint, d’amis proches, d’un statut social.
- Difficultés financières : précarité, perte de repères économiques.
- Baisse sensorielle : troubles auditifs, visuels, difficultés de communication.
Le cumul de ces facteurs augmente le risque, tout comme la prise régulière de benzodiazépines ou d’alcool.
LIRE AUSSI : Mieux comprendre les causes de l’isolement des personnes âgées
Repérer les signes de déprime : vigilance et outils pratiques
La vigilance repose sur l’observation fine de l’entourage et des professionnels. Les signes d’alerte dépassent la simple tristesse :
- Fatigue intense, démotivation persistante
- Changements d’appétit, amaigrissement ou prise de poids rapide
- Ralentissement, gestes lents, difficulté à se lever
- Régression, comportements infantiles, hostilité inhabituelle
- Plaintes incessantes concernant la mémoire, sentiment d’être perdu
- Refus de participer à la vie familiale ou associative
- Multiplication de plaintes somatiques, sans explication médicale

Des outils existent pour aider au dépistage. La Geriatric Depression Scale (GDS) propose 30, 15 ou 4 questions simples. La version courte (mini-GDS) interroge sur la tristesse, le sentiment de vide, le désespoir ou le sentiment de bonheur. Un score positif sur une ou plusieurs questions nécessite un entretien approfondi, idéalement avec un psychiatre.
Quand faut-il s’inquiéter ? Les situations d’alerte
Certaines évolutions imposent une réaction rapide. Au-delà de deux semaines de symptômes marqués, surtout si l’autonomie s’effondre, l’appétit disparaît, les nuits sont blanches, le senior se replie complètement ou tient des propos sur la mort, l’intervention médicale s’impose sans attendre. Le refus de s’alimenter ou de prendre ses médicaments, l’apparition de conduites à risque, le déni massif ou la confusion aiguë sont autant de signaux d’urgence.
L’entourage doit rester attentif à tout changement de comportement durable et inexpliqué. Un retrait social marqué, une négligence de soi soudaine, un désintérêt total pour le quotidien ou des idées suicidaires sont des motifs de consultation immédiate.
Quand la déprime reste passagère : les repères
Un moral vacillant, une tristesse survenant après un événement difficile ou une maladie aiguë, sans impact durable, relève souvent d’un passage à vide. Si la personne retrouve, spontanément et en quelques jours, ses habitudes, son appétit, son goût pour les activités et les contacts, la vigilance reste de mise mais l’alerte n’est pas maximale.
L’observation de l’amélioration, sans intervention médicale, confirme le caractère transitoire du malaise. Parfois, une écoute attentive, une présence renforcée de l’entourage, le retour à des activités sociales ou un changement de contexte suffisent à restaurer l’équilibre.
Prise en charge : traitements, prévention et accompagnement
Dès que la dépression est suspectée, la consultation médicale s’impose. Le traitement repose souvent sur une combinaison :
- Antidépresseurs adaptés, choisis en tenant compte des maladies associées et des interactions médicamenteuses
- Approches psychothérapeutiques : thérapie cognitive, groupes de parole, soutien psychologique individuel
- Activité physique régulière : marche, gymnastique douce, jardinage, ateliers mémoire
- Correction des troubles sensoriels : appareillages auditifs, lunettes actualisées
- Stimulation sociale : clubs, sorties, ateliers créatifs, activités intergénérationnelles
- Hygiène de vie : alimentation équilibrée, sommeil régulier, exposition à la lumière naturelle
Le suivi du médecin traitant, la coordination avec les gériatres, psychiatres, infirmiers et assistants sociaux permettent d’ajuster les soins, d’éviter l’isolement et de prévenir les rechutes.
LIRE AUSSI : Comment reconnaître et soigner la dépression chez les seniors ?
Entourage, aidants et mots à éviter
Le rôle de l’entourage ne se limite pas à la surveillance. Soutenir, écouter sans juger, respecter le rythme du senior, c’est déjà soigner. Éviter les phrases toutes faites (« secoue-toi », « tu as tout pour être heureux »), ne pas interrompre un traitement sans avis médical, refuser de banaliser la souffrance morale : autant de réflexes essentiels.
Les aidants familiaux, souvent premier maillon, doivent aussi penser à se préserver. Fatigue, culpabilité, sentiment d’impuissance peuvent majorer le stress du proche fragilisé. S’appuyer sur des dispositifs de soutien, solliciter les structures locales (CCAS, plateformes de répit, associations spécialisées), c’est garantir un accompagnement équilibré.
Ressources utiles et dispositifs d’accompagnement
- Services de soins et d’aide à domicile[2], pour une présence régulière et une surveillance fine
- Maisons de retraite, EHPAD[3], résidences autonomie pour les situations de perte d’autonomie majeure
- Centres médico-psychologiques (CMP), associations d’usagers, groupes de parole pour rompre l’isolement
- Numéros d’urgence et plateformes d’écoute (Unafam, France Alzheimer[4], SOS Suicide) en cas de crise
- Suivi long terme, pour prévenir rechutes et maintien de l’autonomie
Foire aux questions – Pratique pour l’entourage
Quels premiers signes doivent alerter chez un senior ?
Fatigue persistante, tristesse durable, perte d’intérêt, repli social, plaintes physiques inexpliquées, troubles du sommeil, négligence de soi, idées sombres.
Combien de temps attendre avant de consulter ?
Si les symptômes durent plus de deux semaines et impactent la vie quotidienne, il faut consulter un professionnel de santé, sans tarder en cas d’idées suicidaires.
Comment différencier une simple déprime d’une dépression ?
La déprime passagère s’améliore avec le temps et le soutien, sans altérer durablement la vie du senior. La dépression provoque une rupture nette avec l’état antérieur, s’installe dans la durée, et nécessite une prise en charge médicale.
Quels traitements sont efficaces ?
Antidépresseurs adaptés, psychothérapies validées, stimulation sociale et physique, correction des troubles sensoriels, suivi médical régulier, activités de groupe.
Qui contacter en cas d’urgence ?
Le médecin traitant, les urgences psychiatriques, les plateformes d’écoute spécialisées, ou le 15 si le risque vital est engagé.
✅ Article relu par l’équipe éditoriale avec le concours d’un contributeur expert médico-social chez Cap Retraite. Son expérience de terrain et sa connaissance des dispositifs d’aide et d’accompagnement permettant d’apporter un regard fiable et pertinent aux lecteurs.
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[1] Dépression
La dépression est un état de tristesse profonde et prolongée, où une personne perd l’intérêt pour les activités et se sent épuisée, qui est très fréquent chez les seniors.
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[2] Aide à domicile
L’aide à domicile est un service qui accompagne les personnes chez elles en leur apportant une assistance pour les tâches de la vie courante, comme le ménage, les courses, ou…
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[3] EHPAD
Les EHPAD sont des établissements médicalisés qui accueillent des personnes âgées qui ont besoin de soins médicaux réguliers et d’une aide dans leur vie quotidienne.
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[4] Alzheimer
La maladie d’Alzheimer est une maladie qui affecte le cerveau, entraînant des pertes de mémoire et des difficultés à penser clairement, rendant progressivement les tâches quotidiennes plus difficiles.
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TB tout cela. Mais moi je cherche une VRAIE maison de repos . Pas sous couvert HEPHAD !! Ni psychiatrique.
Me reposer physiquement et moralement pas avec du sport ! Mais avec activités culturelles.
C est introuvable !!??
Bonjour
Je vous remercie pour votre commentaire.
Certaines résidences seniors proposent à la fois restauration et activités culturelles ou de loisirs, ce qui peut vous permettre de vous reposer physiquement et moralement tout en profitant d’un cadre convivial et sécurisé.
Pour obtenir des informations sur ce type de résidences, je vous invite à nous contacter au 01 86 65 82 00.
Bonne journée.
Amandine