La question du renvoi d’un résident en EHPAD[1] soulève des interrogations complexes. Entre protection des personnes âgées vulnérables et gestion d’établissements aux contraintes multiples, les situations peuvent devenir conflictuelles. Les familles s’inquiètent souvent de savoir si leur proche peut être « mis à la porte » et sous quelles conditions. Les droits des résidents en EHPAD restent souvent méconnus, y compris de leurs proches. Cet article vous aidera à mieux comprendre ces droits, les conditions strictes qui encadrent un éventuel renvoi, et vous donnera des clés pour agir et défendre la place de votre proche en toute sérénité.

Le contrat de séjour en EHPAD : un cadre juridique spécifique

Le séjour en EHPAD est encadré par un contrat spécifique qui diffère fondamentalement d’un bail locatif classique. Ce contrat de séjour définit les droits et obligations de chaque partie et constitue la base juridique de la relation entre l’établissement et le résident.

Contrairement à un logement traditionnel, un EHPAD n’est pas soumis aux règles de la trêve hivernale. Un directeur peut donc théoriquement mettre fin au contrat de séjour[2] même pendant la période hivernale, sous réserve de respecter les conditions légales strictes.

Le contrat de séjour est régi par le Code de l’action sociale et des familles qui prévoit des protections renforcées pour les personnes âgées dépendantes. Ces dispositions visent à préserver la dignité et les droits fondamentaux des résidents, tout en tenant compte des contraintes liées à la vie en collectivité et aux soins spécifiques.

senior signant un contrat de séjour en EHPAD

Les motifs légitimes permettant la résiliation du contrat par l’EHPAD

La loi encadre strictement les situations où un directeur d’EHPAD peut mettre fin au contrat de séjour d’un résident. Ces motifs sont qualifiés de « sérieux et légitimes » et doivent être dûment justifiés.

Manquements graves au règlement intérieur

Un EHPAD peut résilier le contrat en cas de non-respect caractérisé du règlement intérieur. Cela concerne principalement :

  • Les comportements violents envers le personnel ou les autres résidents
  • Les dégradations volontaires des locaux ou du matériel
  • Les troubles graves et répétés perturbant la vie collective

Toutefois, une nuance importante existe : si ces comportements sont liés à une pathologie physique ou mentale du résident, l’établissement ne peut s’en prévaloir pour justifier un renvoi. Dans ce cas, une adaptation de la prise en charge doit être envisagée plutôt qu’une résiliation.

Inadéquation entre l’état de santé et les capacités d’accueil

Lorsque l’état de santé d’un résident se dégrade au point que l’EHPAD ne peut plus lui assurer des soins adaptés, la direction peut envisager une fin de contrat. Cette situation concerne notamment :

  • L’aggravation de pathologies nécessitant des soins spécialisés non disponibles dans l’établissement
  • Des besoins en équipements médicaux que l’EHPAD ne possède pas
  • Un niveau de dépendance[3] devenu incompatible avec les ressources humaines de la structure

Dans ce cas, l’établissement a l’obligation formelle de trouver une solution alternative adaptée avant le départ effectif du résident. Il ne peut simplement « mettre à la porte » une personne sans s’assurer qu’elle sera accueillie dans une structure appropriée.

Non-paiement des frais d’hébergement

Les impayés constituent un motif fréquent de résiliation. Toutefois, avant d’en arriver à cette extrémité, l’EHPAD doit suivre une procédure précise :

  1. Tentative de règlement amiable avec le résident ou son représentant légal
  2. Recherche de solutions financières, notamment en sollicitant les obligés alimentaires
  3. Exploration des aides sociales disponibles (ASH, APA…)

Si ces démarches n’aboutissent pas, la résiliation peut être prononcée. Cependant, lorsque les impayés résultent d’une altération des facultés mentales du résident, la jurisprudence tend à protéger ce dernier et à exiger des mesures d’accompagnement plutôt qu’une expulsion.

Cessation d’activité ou fermeture de l’établissement

La fermeture définitive ou temporaire d’un EHPAD, qu’elle soit volontaire ou imposée par les autorités sanitaires, constitue un motif légitime de résiliation des contrats. Dans cette situation, l’établissement doit néanmoins accompagner les résidents vers des solutions de relogement.

LIRE AUSSI : Changer d’Ehpad : est-ce vraiment possible et comment s’y prendre ?

La procédure de résiliation par l’EHPAD : un formalisme protecteur

La résiliation du contrat de séjour par l’EHPAD est soumise à un formalisme strict qui vise à protéger les droits du résident.

Respect des délais et formalités

L’établissement doit respecter un préavis minimal d’un mois avant la date effective de fin de contrat. Ce délai peut être allongé selon les circonstances, notamment pour permettre de trouver une solution d’hébergement alternative.

La notification de résiliation doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception. Elle doit explicitement mentionner :

  • Les motifs précis justifiant la décision
  • La date effective de fin de contrat
  • Les voies de recours possibles

Garantie des droits du résident

Tout au long de la procédure, l’EHPAD doit garantir au résident :

  • Un droit à l’information complète sur sa situation
  • La possibilité de se défendre et de contester la décision
  • Un accompagnement dans ses démarches
  • Un délai de réflexion suffisant

L’établissement a l’obligation d’assurer la continuité des soins jusqu’au départ effectif du résident et de faciliter son relogement dans une structure adaptée.

Les recours à disposition du résident menacé d’expulsion d’EHPAD

Face à une décision de résiliation contestable, le résident ou sa famille disposent de plusieurs voies de recours.

Les instances de médiation

Avant d’envisager une action judiciaire, plusieurs instances peuvent être saisies :

  • Le Conseil de Vie Sociale[4] (CVS) de l’établissement, qui représente les résidents et leurs familles
  • Une personne qualifiée[5] désignée par l’Agence Régionale de Santé (ARS) pour faire valoir les droits des usagers
  • Le médiateur de la consommation, compétent pour les litiges contractuels

Les recours judiciaires

Si la médiation échoue, le résident peut contester la décision devant le juge des contentieux de la protection. Ce magistrat, qui a remplacé le juge d’instance, est compétent pour les litiges relatifs aux contrats de séjour en EHPAD.

En cas d’urgence, notamment si l’expulsion est imminente, une procédure de référé peut être engagée pour obtenir rapidement une décision de justice suspendant provisoirement la mesure.

Le soutien des associations et organismes d’aide

Plusieurs structures peuvent accompagner les résidents et leurs familles dans leurs démarches :

  • La FNAPAEF (Fédération Nationale des Associations de Personnes Âgées Et de leurs Familles)
  • Les conseillers en gérontologie[6] des départements
  • Les CLIC[7] (Centres Locaux d’Information et de Coordination gérontologique)
  • Le Défenseur des droits, qui peut être saisi gratuitement

La résiliation à l’initiative du résident de l’EHPAD : un droit fondamental

Si un directeur d’EHPAD ne peut renvoyer un résident que dans des cas strictement encadrés, l’inverse n’est pas vrai : le résident dispose d’une liberté beaucoup plus grande pour mettre fin à son séjour.

Un droit de résiliation à tout moment

Le résident peut quitter l’établissement quand il le souhaite, sous réserve de respecter un préavis généralement fixé à un mois dans le contrat de séjour. Ce délai peut être réduit en cas d’accord mutuel ou de circonstances exceptionnelles.

Par ailleurs, la loi prévoit un délai de rétractation de 15 jours après l’admission, pendant lequel le résident peut annuler son entrée sans pénalité ni justification.

senior demandant la résialiation de son contrat de séjour en EHPAD

LIRE AUSSI : Sortir d’un Ehpad : ce que vous devez savoir sur vos droits et leurs limites

L’accompagnement vers une solution adaptée

Lorsqu’un résident décide de quitter l’EHPAD, l’établissement doit l’accompagner dans cette transition, notamment en :

  • L’aidant à rechercher un nouvel hébergement si nécessaire
  • Lui remettant l’intégralité de son dossier administratif et médical
  • Planifiant avec lui et sa famille les modalités pratiques du départ
  • L’orientant vers les services adaptés en cas de retour à domicile

Prévenir les situations à risque : alternatives à l’expulsion de l’EHPAD

Dans la majorité des cas, des solutions existent pour éviter d’en arriver à une résiliation contrainte du contrat de séjour.

Face aux difficultés financières

Pour prévenir ou résoudre les situations d’impayés, plusieurs aides peuvent être mobilisées :

  • L’Aide Sociale[8] à l’Hébergement (ASH), qui peut prendre en charge une partie des frais d’hébergement
  • L’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA), qui contribue au financement de la dépendance
  • Les aides au logement (APL ou ALS) versées par la CAF
  • La contribution des obligés alimentaires (enfants, petits-enfants) selon leur capacité financière

Une anticipation financière est recommandée, notamment par la constitution d’une épargne de précaution avant l’entrée en EHPAD.

Face aux troubles du comportement

Lorsque des troubles du comportement menacent le maintien en EHPAD, plusieurs approches peuvent être envisagées :

  • Une réévaluation médicale pour adapter le traitement
  • La mise en place d’activités thérapeutiques adaptées
  • Le recours à des unités spécialisées au sein de l’établissement (unités Alzheimer[9], PASA…)
  • La médiation entre le résident, sa famille et l’équipe soignante

Questions fréquentes sur le renvoi d’un résident d’EHPAD

Un EHPAD peut-il expulser un résident pendant la période hivernale ?

Contrairement aux logements classiques, les EHPAD ne sont pas soumis à la trêve hivernale. Un établissement peut donc théoriquement mettre fin au contrat de séjour même en hiver, sous réserve de respecter les conditions légales et de garantir une solution de relogement adaptée.

Quelles sont les aides financières pour éviter une expulsion pour impayés ?

Plusieurs dispositifs peuvent être mobilisés : l’Aide Sociale à l’Hébergement (ASH), l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA), les aides au logement (APL, ALS), ainsi que la contribution des obligés alimentaires. Le service social du département peut accompagner les familles dans ces démarches.

Où trouver la Charte des droits du résident en EHPAD ?

La Charte[10] des droits et libertés de la personne accueillie doit être annexée au livret d’accueil[11] remis à l’admission. Elle est affichée dans l’établissement et disponible sur le site du ministère des Solidarités et de la Santé.

Qui contacter en cas de litige avec un EHPAD ?

En cas de désaccord, il est recommandé de contacter d’abord le Conseil de Vie Sociale de l’établissement, puis une personne qualifiée désignée par l’ARS. Si le conflit persiste, le Défenseur des droits ou les associations spécialisées comme la FNAPAEF peuvent être saisis avant d’envisager un recours judiciaire.

Le renvoi d’un résident d’EHPAD reste une mesure exceptionnelle, strictement encadrée par la loi. Si les directeurs disposent bien de ce pouvoir dans certaines circonstances précises, les protections juridiques dont bénéficient les personnes âgées limitent considérablement cette possibilité. L’équilibre entre les droits des résidents et les contraintes de gestion des établissements continue d’évoluer, avec une tendance constante au renforcement de la protection des plus vulnérables.

Article relu par l’équipe éditoriale avec le concours d’un contributeur expert médico-social chez Cap Retraite. Son expérience de terrain et sa connaissance des dispositifs d’aide et d’accompagnement permettant d’apporter un regard fiable et pertinent aux lecteurs.

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Commentaires (2)

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  1. SINQUIN sylvie

    Bonjour ! Je voulais savoir si un Ehpad a le droit de résilier le contrat d’un résident sous prétexte de l’aggravation de son état de santé

    Répondre
    1. Amandine

      Bonjour

      Je vous remercie pour votre commentaire.
      Cela dépend des conditions du contrat et de la réglementation en vigueur.
      Bonne journée.
      Amandine

      Répondre

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