Passer le cap des 60 ans, parfois, une lassitude s’installe. Chez certains, une impression de vide, une absence d’élan, un désintérêt pour tout ce qui, hier encore, donnait du goût à la vie. La tentation de banaliser ces changements, de les attribuer seulement à l’âge, aux douleurs, aux pertes, peut être grande. Pourtant, derrière cette apathie, des signaux précis doivent alerter. Ils ne relèvent ni d’une fatalité, ni d’un simple « passage à vide ». Le médecin généraliste, le gériatre, le psychologue, l’entourage : tous ont un rôle clé pour éviter que la situation ne se dégrade. Car la dépression[1], les maladies neurodégénératives, ou encore le syndrome de glissement chez la personne âgée, se manifestent souvent, d’abord, par cette perte d’envie.

Dans cet article, nous vous présentons 7 signaux d’alerte précis, pour vous aider à les reconnaître à temps et savoir quand consulter, afin de préserver votre bien-être.

Une réalité fréquente, un risque sous-estimé

La dépression touche près de 20 % des plus de 65 ans en France. Elle reste pourtant largement sous-diagnostiquée, souvent masquée par des plaintes physiques, des troubles du sommeil, voire un ralentissement général. Perte de proches, maladies chroniques, entrée en institution, isolement : le contexte du vieillissement multiplie les facteurs de vulnérabilité. 

Et quand les signaux passent inaperçus, les conséquences s’alourdissent : perte d’autonomie, aggravation des maladies, risque suicidaire élevé (la tranche des plus de 65 ans concentre un tiers des suicides). Aucun âge n’immunise contre la souffrance psychique.

home senior souffrant de troubles du sommeil

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Sept signaux d’alerte à ne jamais sous-estimer

Chez les seniors, certains changements doivent toujours susciter l’attention. Ils ne sont ni anecdotiques, ni « normaux » avec l’âge. Voici les 7 signaux principaux qui, isolés ou associés, doivent faire consulter sans attendre.

Signal d’alerteDescription
Fatigue persistante, perte d’énergieLassitude dès le matin, manque d’envie de sortir ou de reprendre une activité, même légère. La fatigue ne disparaît pas avec le repos.
Troubles de la mémoire, confusionOublis inhabituels, difficultés à suivre une conversation, à retrouver ses mots, à s’orienter dans le temps ou l’espace. La personne ou ses proches constatent une mémoire défaillante.
Isolement social, retraitDiminution progressive des contacts avec l’entourage, appels plus rares, refus d’invitations, perte d’intérêt pour les discussions, échanges superficiels ou absents.
Douleurs physiques, plaintes multiplesMaux de tête, douleurs diffuses, troubles digestifs, plaintes qui s’accumulent sans cause médicale évidente. Le mal-être psychique peut s’exprimer par le corps.
Refus de s’alimenter ou de prendre ses médicamentsPerte d’appétit, amaigrissement, oubli répété des médicaments : traduit souvent une perte d’intérêt pour soi ou un état de désespoir.
Modification du comportement ou de la personnalitéIrritabilité nouvelle, hostilité, méfiance, repli sur soi, baisse de l’empathie, indifférence, anxiété inhabituelle. La personne peut sembler transformée pour l’entourage.
Signes physiques associés et négligence de soiTroubles du sommeil, variation de poids inexpliquée, hygiène négligée, chute fréquente, manque de suivi médical. Ces signes cumulés sont préoccupants.

Pourquoi agir vite ? Les risques d’un non-recours

Une dépression qui traîne, sans diagnostic ni prise en charge, ne disparaît pas d’elle-même. Chez la personne âgée, elle peut évoluer vers des formes dites « masquées », avec peu de tristesse exprimée, beaucoup de plaintes somatiques, un risque de syndrome de glissement : l’état général se dégrade brutalement, la personne perd pied. 

Des troubles cognitifs (démence, maladie d’Alzheimer) peuvent aussi débuter de façon insidieuse, sur le mode d’une perte d’élan vital. S’ajoutent, parfois, des idées noires, un danger réel de passage à l’acte suicidaire. 

D’où l’importance d’une vigilance constante, et d’une consultation médicale dès les premiers doutes.

Facteurs de risque et contextes aggravants

Tous les seniors ne sont pas exposés aux mêmes risques. Certaines situations rendent plus vulnérable : antécédents de dépression, maladies chroniques (cardiaques, neurologiques, diabète), douleurs persistantes, isolement, deuil récent, précarité, changement de lieu de vie (entrée en EHPAD[2]), consommation d’alcool ou de benzodiazépines. 

Les femmes, un peu plus souvent que les hommes, sont concernées. 

Enfin, l’épuisement des aidants familiaux, le manque de soutien social, aggravent la spirale.

aidant familial épuisé après la prise en charge d'un parent dépressif

Le rôle capital de l’entourage et des soignants

Repérer un changement d’attitude, un repli progressif, une tristesse qui ne s’exprime pas toujours en mots : les proches sont souvent les premiers témoins. Les aidants, les voisins, les professionnels à domicile peuvent alerter le médecin traitant, proposer une évaluation gériatrique ou psychologique. 

Il existe aujourd’hui des outils de dépistage validés (mini-GDS, GDS 15 ou 30 items, HAD) qui facilitent le repérage rapide d’une dépression ou d’un trouble apparenté.

LIRE AUSSI : Comment reconnaître et soigner la dépression chez les seniors ?

Diagnostic : étapes et outils

L’évaluation commence par un entretien clinique attentif. Le médecin évalue l’humeur, le sommeil, l’appétit, le niveau d’intérêt pour les activités, la présence d’idées de dévalorisation, de pensées morbides. 

Un bilan somatique recherche une cause médicale (carence, infection, maladie chronique déséquilibrée). Les échelles de dépression gériatrique (GDS) ou l’HAD (anxiété-dépression) apportent des repères chiffrés. 

Une suspicion sérieuse, ou des signes de gravité (idées suicidaires, syndrome de glissement), justifient une orientation vers un psychiatre ou un gériatre spécialisé.

Prise en charge : ce qui marche vraiment

Le traitement est toujours personnalisé. Médicaments (antidépresseurs, anxiolytiques si besoin, adaptés à l’âge et surveillés de près), soutien psychologique, psychothérapies individuelles ou en groupe, activités de stimulation cognitive, réadaptation fonctionnelle, ateliers mémoire : la palette est large. 

Le maintien d’une activité physique, même modérée, joue un rôle clé sur le moral et les facultés cognitives. Le lien social, la participation à des groupes, la poursuite d’activités adaptées (lecture, jardinage, peinture, ateliers collectifs) contribuent à l’amélioration.

Un accompagnement de l’entourage, via des groupes de parole, des informations sur la maladie et ses conséquences, un appui aux aidants, permet de prévenir l’épuisement familial et d’éviter la rupture.

Prévention : des gestes simples pour limiter le risque

  • Entretenir le lien social : favoriser les sorties, les visites, les appels, même courts, multiplie les occasions de contact.
  • Stimuler la curiosité et l’activité physique : marche, gymnastique douce, ateliers mémoire, participation à des associations locales.
  • Surveiller l’audition et la vue : corriger une perte auditive ou visuelle prévient l’isolement et les troubles cognitifs.
  • Éviter l’automédication et l’abus d’alcool ou de tranquillisants, souvent facteurs aggravants.
  • Solliciter une évaluation médicale régulière, y compris sur le plan psychologique, chez le médecin traitant ou le gériatre.

FAQ pratique : questions fréquentes sur la perte d’envie après 60 ans

À partir de quand s’inquiéter d’une perte d’intérêt ?

Quand l’absence d’envie s’installe sur plusieurs semaines, qu’elle s’accompagne d’une fatigue inhabituelle, d’un repli social, de modifications du comportement ou de l’apparition de troubles physiques sans cause évidente, il est temps de consulter.

La dépression chez la personne âgée se manifeste-t-elle toujours par de la tristesse ?

Non, bien souvent, elle prend la forme d’une apathie, de plaintes physiques, d’un ralentissement général. La tristesse n’est pas toujours exprimée. D’autres signes, comme la perte d’élan vital, les troubles du sommeil ou l’isolement, dominent.

Que faire quand la personne refuse d’aller chez le médecin ?

L’écoute, la bienveillance, l’absence de jugement sont essentielles. Proposer un accompagnement, expliquer que le médecin peut aider à retrouver de l’énergie ou à mieux vivre certains symptômes physiques, peut lever des résistances. En cas de danger grave (idées suicidaires), solliciter l’aide d’un professionnel sans délai.

Des solutions non médicamenteuses existent-elles ?

Oui. Soutien psychologique, activités collectives, ateliers mémoire, groupes de parole, marche, sophrologie, relaxation. L’important reste de personnaliser l’accompagnement et de maintenir le lien social.

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