Vous pensiez qu’après 60 ans, les couples filaient vers une retraite paisible à deux ? La réalité est tout autre. Le « divorce gris » explose : en trente ans, la part des séparations après 50 ans a plus que doublé, passant de 14 % à près de 34 % des divorces. Chez les sexagénaires, la tendance est encore plus marquée, leur proportion ayant triplé depuis les années 1990 (INED, 2021).

Derrière ces chiffres, des milliers d’histoires bouleversées chaque année : après des décennies de vie commune, certains choisissent de recommencer ailleurs. Quête de liberté, solitude inattendue, recomposition familiale… Le divorce tardif n’est plus une exception, mais une nouvelle réalité du grand âge.

Pourquoi ce choix après toute une vie commune ?

La retraite agit souvent comme un catalyseur. Les couples se retrouvent face à face, soudain privés de la routine du travail, confrontés à la nécessité de redéfinir leurs liens. Certains découvrent alors des incompatibilités, jusque-là masquées par le tourbillon du quotidien.

  • L’espérance de vie augmente : à 60 ans, l’horizon s’ouvre sur deux décennies, parfois davantage. Beaucoup refusent de subir une vie conjugale insatisfaisante jusqu’à la fin.
  • Épanouissement personnel : la société valorise aujourd’hui le bien-être individuel. Quitter un couple devenu étouffant, ce n’est plus une honte.
  • Indépendance économique : le poids des contraintes financières recule. Les femmes, en particulier, sont souvent à l’initiative : 70 % des divorces après 50 ans sont lancés par elles.
  • Départ des enfants : le « syndrome du nid vide » force à regarder la relation sous un jour neuf. Pour certains, le lien parental ne suffit plus à maintenir l’unité.
  • Moindre pression sociale : la stigmatisation s’estompe, l’entourage comprend mieux qu’on veuille recommencer ailleurs, même tardivement.
femme senior en dépression

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Des enjeux financiers lourds, souvent sous-estimés

Si la liberté retrouvée séduit, le choc financier du divorce gris peut s’avérer brutal. Séparer des patrimoines construits sur plusieurs décennies, répartir rentes et avoirs de prévoyance : rien n’est simple. 

En France, le partage des régimes de retraite et des avoirs accumulés au fil des années peut réduire le niveau de vie de chacun après le divorce, surtout pour celui ou celle qui a moins cotisé ou dont la carrière a été interrompue.

Le logement familial, souvent payé à crédit sur vingt ou trente ans, cristallise les tensions. Qui garde la maison ? Faut-il vendre, au risque de perdre ses repères ? La pension alimentaire, elle, n’est pas systématique. Elle dépend des ressources de chacun, de l’équilibre entre autonomie et dépendance[2] économique.

Avant divorceAprès divorce 
PatrimoineMutualiséDivisé, parfois inégalement
Rente / retraiteSouvent partagée au sein du coupleRépartie, parfois réduite pour l’un ou l’autre
LogementPropriété commune, sécuritéVente fréquente, nécessité de relogement

Trouver un nouvel emploi à 65 ans, en cas de besoin, relève de l’exception. La précarité guette, surtout si la santé vacille. Et la couverture santé doit être renégociée, parfois à des tarifs bien différents.

Il est conseillé de consulter un avocat spécialisé, de réaliser un bilan patrimonial et de ne pas prendre de décisions hâtives.

En savoir plus sur les conséquences financières du divorce des seniors

La prestation compensatoire : un enjeu central du divorce après 60 ans

Lors d’un divorce, la prestation compensatoire vise à rétablir l’équilibre financier entre les ex-époux lorsque la séparation crée une forte disparité de niveau de vie.

Elle est fréquemment accordée dans les divorces tardifs, où l’un des conjoints – souvent la femme – a connu une carrière interrompue ou des revenus modestes en raison du temps consacré au foyer.

Principe de la prestation compensatoire

  • Prévue par les articles 270 à 281 du Code civil, la prestation compensatoire peut être versée en capital (somme d’argent, attribution d’un bien, part de logement, etc.) ou, plus rarement, sous forme de rente viagère.
  • Elle est fixée par le juge aux affaires familiales selon plusieurs critères : durée du mariage, âge et santé des époux, patrimoine, situation professionnelle et retraite.

Particularités de la prestation compensatoire chez les seniors

  • Après 60 ans, le versement d’un capital unique est privilégié : les pensions de retraite étant déjà fixées, le juge évite d’alourdir la charge financière d’une rente à vie.
  • Le calcul tient compte des droits à la retraite, souvent très inégaux : un écart de pension peut justifier une compensation.
  • Dans certains cas, la prestation peut être remplacée par un droit d’usage sur le logement, permettant au conjoint le plus fragile d’y rester.

À retenir

La prestation compensatoire n’est ni automatique ni symbolique : elle peut représenter plusieurs dizaines de milliers d’euros.

Bien conseillés, les seniors ont intérêt à anticiper cette question dès la séparation, avec l’aide d’un avocat ou d’un notaire, avant toute signature d’accord amiable.

Bon à savoir : pension alimentaire vs prestation compensatoire

Lorsque les conjoints sont séparés de fait ou de corps, l’époux le plus aisé peut être tenu de verser une pension alimentaire à l’autre conjoint. Elle vise à subvenir aux besoins essentiels (logement, alimentation, santé…) de ce dernier. Elle est proportionnelle aux ressources de l’époux qui la verse et aux besoins de celui qui la reçoit.

Elle découle du devoir de secours entre époux prévu par le Code civil et s’applique tant que le mariage n’est pas dissous.

Une fois le divorce prononcé, elle cesse automatiquement et peut, le cas échéant, être remplacée par une prestation compensatoire.

Choc psychologique, solitude et reconstruction : l’envers du décor

Le divorce à l’aube de la vieillesse, c’est d’abord une secousse intime. Perdre son compagnon de route, affronter le vide, repartir de zéro. Les études sont claires : près d’un tiers des seniors divorcés présentent des signes de détresse modérée à sévère, soit deux fois plus que ceux restés en couple (Santé Publique France). La solitude s’invite, le risque de dépression grimpe, les accidents domestiques aussi.

La famille élargie n’est pas épargnée. Les enfants adultes s’inquiètent, parfois se déchirent sur la question de l’héritage ou du soutien à apporter à chacun. Les amitiés, tissées en couple, se délitent. Reconstruire un cercle social demande du temps, de l’énergie. Certains seniors y voient une libération, saisissent l’occasion de se réinventer, de (re)découvrir leur identité. D’autres vivent l’épreuve comme un deuil impossible. 

couple de seniors de 60 ans en phase de divorce

Une étape juridique : pas plus complexe, mais plus risquée

Sur le plan légal, la procédure ne diffère pas fondamentalement de celle des divorces plus précoces. Divorce par consentement mutuel : rapide, sans audience lourde. Divorce unilatéral : long, coûteux, parfois conflictuel. Ce qui change, ce sont les enjeux. Le partage des biens, des rentes, l’anticipation fiscale, la question de la dépendance future : chaque détail compte. Solliciter un avocat spécialisé permet de mieux défendre ses intérêts, d’éviter les mauvaises surprises.

Éléments pratiques : s’entourer pour mieux rebondir

  • Psychologue : un soutien, parfois indispensable pour traverser la tempête émotionnelle.
  • Coach de vie : pour redéfinir ses projets, se fixer de nouveaux caps.
  • Comparateur de mutuelles : adapter sa couverture santé, indispensable avec l’âge.
  • Accompagnateur à domicile : pour maintenir l’autonomie, rompre l’isolement.
  • Groupes de parole : partager ses doutes, ses espoirs, avec d’autres seniors concernés.

Pour limiter l’onde de choc, le dialogue reste la meilleure arme. Favoriser le consentement mutuel, impliquer les enfants sans les placer en arbitres, accepter que la vie de famille se redessine. Certains choisissent de refaire leur vie : plateformes de rencontres pour seniors, sorties, voyages, activités nouvelles. La question de reformer un couple n’est plus taboue, même si les envies diffèrent selon l’âge et le genre.

Refaire sa vie après 50 ans : un phénomène de plus en plus courant

À 50 ans, un quart des Français nés dans les années 1960 ont déjà connu au moins deux unions, contre 4 % seulement chez ceux nés dans les années 1930.
Avec l’âge, l’écart entre les sexes se creuse : les hommes reforment bien plus souvent un couple, tandis que les femmes restent plus fréquemment seules.

👉 À 73 ans, les hommes ont trois fois plus de chances qu’elles de retrouver un partenaire, et quatre fois plus à 86 ans.
Ce déséquilibre tient autant à la rareté des hommes âgés (trois femmes seules pour un homme à 75 ans, cinq pour un à 90 ans) qu’à leur tendance à choisir des conjointes plus jeunes.

💭 Côté intentions, la dynamique est claire :

  • 29 % des 50-59 ans seuls souhaitent reformer une union,
  • contre 8 % des 60-69 ans et seulement 3 % des 70-79 ans.
    Les hommes restent les plus enclins : 37 % entre 50 et 59 ans contre 24 % des femmes.

FAQ : réponses rapides aux questions fréquentes

Le divorce gris est-il une mode ?

Non. Il s’agit d’une tendance lourde, portée par des changements démographiques et sociaux profonds.

Comment protéger sa situation financière ?

Anticiper, consulter un avocat, faire un bilan patrimonial, ne rien signer dans la précipitation.

Peut-on garder son logement ?

Parfois, mais cela dépend de l’accord entre conjoints et de la capacité à en assumer seul les charges.

Quels risques sur la santé ?

Solitude, dénutrition[3], dépression[1], surmédication, accidents domestiques : vigilance accrue nécessaire.

Est-il possible de refaire sa vie après 60 ans ?

Oui, mais cela demande du temps et une vraie volonté de s’ouvrir à de nouveaux liens.

Le divorce gris ne se résume pas à une crise de la soixantaine, ni à un caprice tardif. Il bouscule tout : repères familiaux, sécurité matérielle, regard sur l’avenir. S’il ouvre de nouveaux possibles, il exige lucidité et accompagnement. Vivre cette étape avec dignité, préserver l’équilibre de chacun, c’est le pari de milliers de seniors aujourd’hui. Ils inventent, parfois dans la douleur, la nouvelle carte du couple et de la vieillesse.

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Commentaires (20)

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  1. Ketty

    Qu’est-ce que la séparation de corps ?
    Chacun chez soi sans pour autant divorcer ?
    Risque, avantages, in convénients

    Répondre
    1. Amandine

      Bonjour

      Je vous remercie pour votre commentaire.
      La séparation de corps permet de vivre séparément sans divorcer, avec des effets variables sur le patrimoine, la pension et les obligations, à évaluer avec un notaire ou avocat.
      Bonne journée.
      Amandine

      Répondre
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