À 62 ans, un chiffre qui marque un carrefour pour des milliers de bénéficiaires de l’Allocation aux adultes handicapés (AAH). D’un jour à l’autre, un dossier s’ouvre chez la caisse de retraite, une lettre de la CAF arrive, la question tombe : que va-t-il advenir de mon allocation ?

Pension de base, complémentaire, cumul possible ou non, plafond à respecter, démarches à anticiper… Le passage de l’AAH à la retraite ne ressemble à aucun autre. À chaque situation, des règles précises, parfois méconnues, souvent redoutées. Mais derrière la complexité administrative, une logique se dessine. Voici ce qu’il faut absolument comprendre pour ne rien perdre au moment où tout change.

AAH et retraite : des objectifs différents, des règles qui se croisent

L’AAH, versée par la CAF ou la MSA, garantit un minimum de ressources à toute personne dont le handicap entrave l’accès à l’emploi. 

Les conditions d’attribution de l’AAH : incapacité, ressources et résidence

L’AAH s’adresse principalement aux adultes en âge de travailler, mais son versement n’a rien d’automatique. Il dépend d’un taux d’incapacité reconnu par la CDAPH, d’un plafond de ressources, d’une résidence stable en France. En 2025, son montant maximal atteint 1 033,32 € par mois

Pour bénéficier de l’AAH, il faut, en règle générale, avoir au moins 20 ans, un taux d’incapacité d’au moins 80 % (ou entre 50 et 79 % si l’impossibilité de travailler est attestée), et ne pas dépasser les plafonds de revenus, qui varient selon la composition du foyer.

Retraite : une logique différente basée sur les droits acquis

Quand l’heure de la retraite approche, la logique change. L’AAH, allocation de solidarité, cède en principe la place aux pensions de vieillesse, calculées sur la base des droits acquis au fil de la carrière. Mais tout le monde n’a pas eu la possibilité de cotiser longtemps ni d’obtenir une pension suffisante. D’où la nécessité d’un mécanisme de compensation, parfois vital.

senior bénéficiaire de l'AAH

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À quel âge tout bascule ? Les vrais seuils à connaître

Jusqu’à fin 2023, l’âge du basculement correspondait à l’âge légal de la retraite, fixé à 62 ans. Depuis la réforme des retraites, l’âge légal recule à 64 ans pour une grande partie de la population, mais une exception subsiste : les bénéficiaires de l’AAH, en cas d’inaptitude reconnue, peuvent liquider leur retraite dès 62 ans et percevoir une pension à taux plein, quelle que soit la durée de cotisation. Ce point reste fondamental pour éviter toute décote injustifiée.

Mais attention, l’année de naissance entre en jeu : nés après 1968, ce sera 64 ans pour la retraite du régime général, mais le droit à la retraite anticipée pour inaptitude à 62 ans demeure pour l’AAH. Un détail qui change tout au moment de préparer ses démarches.

Le cumul AAH et retraite complémentaire : possible, mais sous conditions

Un mythe persiste : à la retraite, l’AAH disparaît forcément. Faux – mais la réalité dépend du taux d’incapacité. Deux cas de figure principaux coexistent :

  • Taux d’incapacité d’au moins 80 % : la loi autorise le cumul de l’AAH avec la pension de retraite, base et complémentaire comprises, lorsque le total des pensions reste inférieur au plafond de l’AAH (1 033,32 €/mois en 2025). L’AAH joue alors le rôle de complément différentiel. Exemple : une pension globale de 700 € permet de percevoir 333,32 € d’AAH pour garantir le seuil plancher.
  • Taux d’incapacité entre 50 % et 79 % : la règle est radicalement différente. Le versement de l’AAH cesse à l’âge du passage à la retraite. À la place, l’ASPA (Allocation de solidarité aux personnes âgées) peut prendre le relais, mais elle est récupérable sur la succession, contrairement à l’AAH. Et le montant maximal de l’ASPA peut parfois être inférieur à l’AAH, avec des conditions de résidence et de ressources tout aussi strictes.

À noter : pour bénéficier de ce cumul au-delà de 62 ans, il faut déjà percevoir l’AAH avant la retraite. Impossible de demander l’AAH une fois retraité. C’est la continuité des droits, pas un nouveau droit ouvert.

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Montant garanti, pension de base et complémentaire : le calcul concret

La mécanique s’avère simple sur le papier, plus technique dans la pratique. Le montant de l’AAH versé après la retraite est égal à la différence entre le plafond AAH (1 033,32 €) et la somme des pensions vieillesse (base + complémentaire). Si la pension de base est faible, la complémentaire aussi, l’AAH complète jusqu’au plafond. Si la totalité des pensions dépasse ce seuil, l’AAH s’arrête.

Exemples parlants :

  • Pension totale (base + complémentaire) de 400 € → AAH versée : 633,32 €
  • Pension totale de 950 € → AAH versée : 83,32 €
  • Pension totale supérieure à 1 033,32 € → l’AAH n’est plus versée

Le calcul, parfois automatique, peut être vérifié en ligne ou auprès de la CAF. D’autres revenus (pension alimentaire, revenus d’activité) s’ajoutent pour le calcul du plafond. Les enfants à charge font grimper ce plafond : +50 % du montant AAH par enfant (508,03 € de plus par enfant en 2024).

calcul de la retraite complémentaire en 2026

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Nouveauté 2024 : maintien de l’AAH pour les actifs après l’âge légal

La réforme de décembre 2024 vient bouleverser l’équation. Désormais, une personne avec un taux d’incapacité d’au moins 80 % peut poursuivre son activité professionnelle après l’âge légal de la retraite, continuer à percevoir l’AAH jusqu’à 67 ans, sous réserve de respecter les plafonds de ressources. Ce maintien permet d’augmenter ses droits à la retraite (plus de trimestres, pension améliorée), surtout utile si des enfants sont à charge. L’AAH est alors ajustée en fonction des revenus d’activité.

Ce changement concerne les personnes nées à partir de novembre 1962. Pour elles, un vrai levier pour éviter la précarité et préparer une retraite moins fragile.

Démarches et vigilance : comment préparer la transition

Pas de place à l’improvisation. Au moins six mois avant l’âge pivot, il faut contacter les caisses de retraite, déposer une demande, vérifier les droits. Sans demande de retraite, l’AAH peut être suspendue, et les mois perdus ne sont pas récupérables. Le basculement vers le régime vieillesse (et le calcul de l’AAH différentielle) est en principe automatique si toutes les démarches sont faites. Une attention particulière pour les personnes en situation de polyhandicap ou accueillies en structure, où le montant de l’AAH peut être réduit mais reste cumulable avec de petites pensions.

N’oubliez pas : la CAF ne prend plus en compte les revenus du conjoint depuis octobre 2023, sauf si l’ancien mode de calcul était plus avantageux. Un changement qui permet, dans certains cas, de retrouver des droits à l’AAH.

Tableau de synthèse : plafonds AAH 2025 selon la composition familiale

Nombre d’enfants à chargePlafond annuel (personne seule)Plafond annuel (couple)
012 400 €22 444 €
118 600 €28 644 €
224 800 €34 844 €
331 000 €41 043 €
437 200 €47 243 €

FAQ pratique : questions fréquentes sur AAH et retraite complémentaire

Peut-on demander l’AAH après la retraite ?

Non. L’AAH est réservée aux personnes en âge de travailler et doit être attribuée avant la liquidation des droits à la retraite. Impossible de réclamer l’AAH une fois retraité, même avec un taux d’incapacité élevé.

L’ASPA est-elle une solution équivalente ?

Pas tout à fait. Si elle garantit un minimum de ressources (1 034,28 € en 2025), elle est récupérable sur la succession au-delà d’un certain seuil, ce qui n’est pas le cas de l’AAH. Les conditions d’attribution diffèrent, notamment sur la résidence et les ressources prises en compte.

Que se passe-t-il si je reprends une activité après l’âge légal ?

Depuis le 1er décembre 2024, le cumul AAH, pension de retraite et revenus d’activité est possible jusqu’à 67 ans pour les personnes avec un taux d’incapacité d’au moins 80 %. L’AAH est alors ajustée, mais la poursuite d’activité permet d’augmenter les droits à la retraite future.

Quels revenus sont pris en compte pour le calcul de l’AAH ?

Toutes les pensions perçues (base, complémentaire, réversion), les revenus d’activité, les pensions alimentaires, les prestations familiales, mais plus les revenus du conjoint depuis la déconjugalisation. Les plafonds augmentent pour chaque enfant à charge.

La MVA (majoration pour la vie autonome) est-elle maintenue à la retraite ?

Elle peut être maintenue si les ressources restent inférieures au plafond et si aucune pension de retraite n’a été liquidée. Sa suspension ou son rétablissement dépendent de la situation au moment du passage à la retraite.

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Commentaires (2)

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  1. Valerie Huchet

    Bonjour,ayant un taux d’incapacité à 80%, touchant l’aah et n ayant jamais travaillé,que vas t-il se passer pour moi à l’ âge de 62 ans? Je ne pense pas avoir le droit à la retraite. Merci de votre réponse.

    Répondre
    1. Amandine

      Bonjour

      Je vous remercie pour votre commentaire.
      Je comprends votre inquiétude : à 62 ans, les organismes sociaux réévalueront votre situation pour maintenir l’AAH ou la convertir en retraite minimale pour inaptitude, mais les détails exacts et non-garantis dépendent strictement des règles administratives futures.
      Bonne fin de journée.
      Amandine

      Répondre

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