Passé le cap des 70 ans, la transmission du patrimoine prend une tournure délicate. Beaucoup abandonnent l’idée de donner de leur vivant, persuadés que l’État raflera la mise, laissant parfois des années d’économies partir en taxes. Cette crainte génère stress et frustration : comment transmettre ce que l’on a durement acquis sans tout perdre ? Erreur courante. Les règles fiscales changent, certes, mais des leviers efficaces subsistent. Avec un peu de méthode, il reste possible de transmettre en limitant drastiquement la part prélevée par le fisc.
Comprendre le piège fiscal des donations tardives
Un principe à retenir : les abattements sur les donations (100 000 € parent-enfant en 2025) s’appliquent toujours, quel que soit l’âge du donateur. Mais ces abattements ne se “rechargent” que tous les 15 ans. Si le donateur décède avant l’expiration du délai de 15 ans, la donation est prise en compte pour le calcul des droits de succession.
Exemple : une mère de 72 ans donne 100 000 € à son fils. Si elle décède après l’écoulement des 15 ans, ce don n’est plus rappelé fiscalement et l’avantage de l’abattement initial est pleinement conservé.

L’astuce méconnue : le don familial d’argent, jusqu’à 80 ans
Un dispositif souvent sous-exploité permet de transmettre des liquidités avec une exonération fiscale spécifique : le don familial de sommes d’argent, dit “don Sarkozy”. Jusqu’à 80 ans, chaque parent ou grand-parent peut donner jusqu’à 31 865 € par bénéficiaire. Enfant, petit-enfant, neveu, nièce majeur : tous sont éligibles.
Cette exonération s’ajoute à l’abattement classique de 100 000 € par parent et par enfant, permettant de transmettre jusqu’à 131 865 € par bénéficiaire tous les 15 ans sans droits de donation. Le don doit être correctement déclaré pour éviter tout problème fiscal.
- Virement, chèque, mandat ou espèces : tous les modes de transmission sont admis, pourvu que le transfert soit traçable.
- Le bénéficiaire doit être majeur, le donateur avoir moins de 80 ans au jour du don.
- La somme peut être donnée en une seule fois ou fractionnée, à condition que le plafond de 31 865 € par bénéficiaire et par donateur soit respecté, en plus de l’abattement classique lorsque celui-ci s’applique.
Cet abattement se renouvelle lui aussi tous les 15 ans. Une famille organisée peut ainsi transmettre des sommes importantes, exonérées de droits, en anticipant et en échelonnant les dons.
Bon à savoir — Pas de rappel fiscal au décès
Contrairement à une donation classique, le don familial d’argent n’est jamais réintégré dans la succession, même si le donateur décède avant l’expiration du délai de 15 ans.
Autrement dit, l’exonération reste acquise : les bénéficiaires ne paient aucun droit supplémentaire au moment du décès.
Nouvelle exonération : aider un proche à acheter ou rénover sa résidence principale (2025-2026)
Depuis 2025, un dispositif exceptionnel permet de transmettre une somme d’argent totalement exonérée de droits de donation, à condition qu’elle serve à un projet immobilier précis. Le but : favoriser l’accès à la propriété et la rénovation énergétique.
Qui peut en bénéficier ?
Les bénéficiaires sont les mêmes que pour le don familial d’argent « Sarkozy » :
- enfant,
- petit-enfant,
- arrière-petit-enfant,
- neveu ou nièce majeur (à défaut de descendance).
À quelles conditions ?
Le don est exonéré si la somme est utilisée pour :
- acheter un logement neuf ou en l’état futur d’achèvement (VEFA) ;
- ou réaliser des travaux de rénovation énergétique dans la résidence principale du bénéficiaire, à condition que ces travaux soient éligibles à MaPrimeRénov’.
L’exonération ne s’applique que sur la part non financée par MaPrimeRénov’ ou par un crédit d’impôt[1].
Montants et durée du dispositif
Ce régime s’applique aux dons effectués entre le 15 février 2025 et le 31 décembre 2026.
Les plafonds sont fixés à :
- 100 000 € par donateur et par bénéficiaire ;
- 300 000 € maximum par bénéficiaire, s’il reçoit de plusieurs donateurs.
Conditions de conservation du logement
- Le bien doit rester résidence principale pendant au moins 5 ans.
- Il peut être loué durant cette période, sauf s’il s’agit d’une rénovation énergétique : dans ce cas, le bénéficiaire doit l’occuper lui-même.
- La location à un membre du même foyer fiscal est interdite.
Un moyen concret d’aider ses enfants ou petits-enfants à devenir propriétaires ou à isoler leur logement, tout en réduisant la facture fiscale.
Donation en nue-propriété : transmettre sans tout céder
Autre levier puissant : la donation en nue-propriété. Elle consiste à transmettre la propriété d’un bien – souvent immobilier – tout en conservant l’usufruit (le droit d’y habiter ou d’en percevoir les loyers).
Fiscalement, la base imposable est réduite : elle dépend de l’âge du donateur. Entre 71 et 80 ans, seule 70 % de la valeur du bien est soumise aux droits de donation. Plus le donateur est jeune, plus la valeur fiscale de la nue-propriété est faible — et donc la base imposable réduite. Le barème de l’article 669 du Code général des impôts permet de calculer la part du bien soumise aux droits de donation. Au décès, la pleine propriété revient aux héritiers sans frais supplémentaires.
| Âge du donateur lors de la donation | Part de la valeur en usufruit | Part de la valeur en nue-propriété (base taxable) |
|---|---|---|
| Moins de 21 ans révolus | 90 % | 10 % |
| 21 à 30 ans | 80 % | 20 % |
| 31 à 40 ans | 70 % | 30 % |
| 41 à 50 ans | 60 % | 40 % |
| 51 à 60 ans | 50 % | 50 % |
| 61 à 70 ans | 40 % | 60 % |
| 71 à 80 ans | 30 % | 70 % |
| 81 à 90 ans | 20 % | 80 % |
| Plus de 90 ans | 10 % | 90 % |
Un exemple : à 75 ans, une personne donne la nue-propriété d’un appartement de 140 000 € à sa fille. La valeur taxable tombe à 98 000 € (70 %). Avec l’abattement de 100 000 €, aucun droit à payer. Le donateur garde l’usage du bien, la transmission est optimisée.
Il est recommandé de consulter un notaire ou un conseiller fiscal pour s’assurer de la conformité de l’acte de donation et de l’application correcte des avantages fiscaux.

Assurance-vie : des avantages préservés après 70 ans, mais différents
L’assurance-vie reste un outil de transmission, mais son intérêt fiscal évolue avec l’âge. Avant 70 ans, chaque bénéficiaire pouvait recevoir jusqu’à 152 500 € exonérés de droits (hors prélèvements sociaux). Passé 70 ans, les versements ultérieurs profitent d’un abattement global de 30 500 €, à répartir entre tous les bénéficiaires. Plus restrictif, mais pas inutile. Fait notable : seules les sommes versées après 70 ans sont taxées au-delà du plafond. Les plus-values générées sur ces versements restent entièrement exonérées de droits de succession, quel que soit leur montant.
Tableau des abattements applicables en 2025 :
| Lien de parenté | Abattement donation | Abattement don familial d’argent | Abattement assurance-vie après 70 ans |
|---|---|---|---|
| Parent – enfant | 100 000 € | 31 865 € (jusqu’à 80 ans) | 30 500 € (tous bénéficiaires confondus) |
| Frère – sœur | 15 932 € | Non | 30 500 € |
| Neveu – nièce | 7 967 € | 31 865 € (jusqu’à 80 ans) | 30 500 € |
Note : Ces abattements sont à répartir entre les bénéficiaires en cas de pluralité.
Mieux vaut verser sur l’assurance-vie avant 70 ans pour profiter de l’abattement maximal par bénéficiaire. Mais après 70 ans, l’enveloppe conserve son intérêt : désignation libre des bénéficiaires, exonération des plus-values, capital disponible en cas de besoin.
Les erreurs qui coûtent cher : calendrier et oubli des outils
Donner trop tard, c’est courir le risque de voir l’abattement fiscal s’envoler si le délai de 15 ans n’est pas respecté. Attendre la dernière minute pour utiliser le don familial d’argent ? Après 80 ans, il disparaît. Ne pas exploiter la donation en nue-propriété, c’est parfois se priver d’une transmission presque sans fiscalité. Oublier d’adapter l’assurance-vie, c’est exposer ses héritiers à une taxation inutile. Le tout sur fond de législation mouvante et de situations familiales parfois complexes.
FAQ pratique : points clés pour transmettre après 70 ans
Peut-on encore donner sans droits après 70 ans ?
Oui, via le don familial d’argent (jusqu’à 80 ans) et l’abattement de 100 000 € parent-enfant (tous les 15 ans), à condition d’anticiper.
La nue-propriété intéresse-t-elle toujours après 70 ans ?
Oui, la base taxable reste réduite par rapport à une donation en pleine propriété, même si la décote est moindre qu’à 60 ans.
L’assurance-vie vaut-elle le coup après 70 ans ?
Oui, pour les plus-values exonérées et la souplesse de gestion, mais il faut limiter les versements pour ne pas dépasser le plafond global de 30 500 €.
Une donation doit-elle être déclarée ?
Oui, via le formulaire 2735 sur impots.gouv.fr. Les biens immobiliers nécessitent un acte notarié.
Faut-il consulter un professionnel ?
Idéalement. Notaire ou conseiller en gestion de patrimoine : leur expertise permet d’éviter les pièges et d’optimiser la transmission, surtout en cas de famille recomposée ou de patrimoine diversifié.
Transmission après 70 ans : l’enjeu, c’est l’anticipation
Parler d’héritage n’est jamais simple. Mais attendre, c’est souvent laisser filer l’opportunité de transmettre aux siens ce qui a été construit, en limitant l’intervention du fisc. Les outils existent : don familial d’argent pour les liquidités, donation en nue-propriété pour l’immobilier, assurance-vie adaptée. L’essentiel : ne pas croire que tout est perdu après 70 ans. Un conseil avisé, un geste anticipé, et la transmission retrouve sa force : celle de partager, au bon moment, ce qui compte vraiment.
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[1] Impôt
L’impôt est une somme d’argent que les citoyens et les entreprises paient régulièrement au gouvernement. Cet argent est utilisé pour financer des services publics comme les écoles, les routes, et…
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Lorsque l on a qu un seul bien, y a il des risques de faire une donation ?
Bonjour
Je vous remercie pour votre commentaire.
Il peut y avoir des conséquences selon votre situation, il vaut mieux se renseigner auprès d’un notaire ou d’un conseiller juridique.
Bonne fin de journée.
Amandine
Peut-on donner directement aux petits enfants après 80 ans? Avec quel abattement et quelles obligations à respecter? Merci pour votre réponse.
Bonjour
Je vous remercie pour votre commentaire.
Cela dépend de la situation et du montant transmis ; il est préférable de se renseigner auprès d’un notaire ou du service des impôts.
Bonne journée.
Amandine