La question surgit parfois brutalement, entre procédures notariales et souvenirs en désordre : qu’advient-il de la succession quand un parent, placé sous curatelle, disparaît ? Les règles, souvent mal comprises, mêlent protection, droits des héritiers et contrôle du juge. Curatelle[1] simple ou renforcée, tuteur professionnel ou membre de la famille, testament établi avant ou après la mesure : chaque configuration impose ses propres précautions. Pourtant, la réponse de fond ne varie pas tant : la curatelle n’efface pas les liens du sang ni les droits successoraux. Elle encadre, elle contrôle, elle protège, mais elle ne prive pas. Dans cet article, nous vous aidons à comprendre vos droits et à y voir plus clair pour traverser cette étape délicate.
La curatelle : une assistance, pas une dépossession
Avant tout, comprendre la nature de la curatelle s’impose.
Comprendre la curatelle et ses niveaux de protection
Ce dispositif, prévu par les articles 425 et suivants du Code civil, vise à protéger un adulte dont les facultés sont altérées, sans pour autant le priver de toute capacité juridique. Le curateur, souvent un proche, parfois un professionnel, ne se substitue pas à la personne : il l’accompagne dans les actes importants, surveille, parfois co-signe.
Deux degrés principaux existent : la curatelle simple (assistance pour les actes majeurs) et la curatelle renforcée (gestion par le curateur des revenus et des dépenses courantes).

Mise en place et droits conservés de la personne protégée
La mise sous curatelle ne résulte jamais d’un simple soupçon. Un certificat médical circonstancié, une demande au juge, une audition de la personne concernée. L’objectif : garantir l’autonomie résiduelle, éviter les mesures trop contraignantes.
Dès lors, la curatelle ne transforme pas l’intéressé en incapable juridique. Ses droits civils demeurent, sauf exception. Notamment, ses droits successoraux et ceux de ses héritiers.
Décès du parent protégé : la fin de la curatelle et le début de la succession
Le décès met instantanément fin à la protection. Le curateur n’est plus gestionnaire. Il doit cependant remplir plusieurs obligations post-mortem : avertir le tribunal, clore les comptes, dresser l’inventaire du patrimoine dans un délai de trois mois, transmettre tous les documents aux héritiers ou au notaire. Rien d’anodin : la rigueur administrative protège la mémoire du défunt comme les droits des ayants droit.
Les héritiers disposent de cinq ans pour contester la gestion du curateur ou la validité d’actes accomplis pendant la période de protection. Le contrôle s’exerce ainsi à trois niveaux : judiciaire (par le juge des contentieux de la protection), familial (les héritiers), professionnel (le notaire).
Qui peut hériter d’une personne sous curatelle ?
La loi distingue clairement les fonctions de curateur et la qualité d’héritier. Être curateur familial (enfant, conjoint, frère, sœur) n’ouvre aucun droit supplémentaire sur la succession. Le curateur familial hérite en tant qu’héritier légal, ni plus ni moins. Aucun avantage, aucune part majorée, aucune rémunération posthume. Le droit commun de la dévolution successorale s’applique.
En revanche, les curateurs professionnels (mandataires judiciaires à la protection des majeurs) sont pratiquement exclus de toute gratification : impossible de recevoir donation ou legs de la personne protégée, sauf dérogation exceptionnelle prévue par l’article 909 du Code civil (notamment en cas d’absence d’héritier direct et de lien familial proche). Cette interdiction vise à prévenir les conflits d’intérêts et protéger les majeurs vulnérables contre les abus potentiels.
| Situation | Transmission possible ? | Conditions ou restrictions |
|---|---|---|
| Curateur familial (enfant, conjoint, frère, sœur) | Oui | Héritier légal, peut recevoir un legs ou une donation si absence d’abus |
| Curateur professionnel | Non (sauf exception rare) | Interdiction de recevoir donation/legs (art. 909 C.civ.) |
| Tiers non professionnel (ami, voisin) | Oui | Possible sauf démonstration d’abus de faiblesse ou incapacité de discernement |
| Bénéficiaire d’assurance vie | Oui, sous conditions | Autorisation du juge et désignation d’un subrogé tuteur nécessaires si le bénéficiaire est le curateur |
Testament, donation : vigilance accrue sous curatelle
La question de la capacité à disposer de ses biens par testament, ou de consentir une donation, soulève toujours des interrogations.
Capacité et validité des testaments sous curatelle
La loi exige que le testateur soit sain d’esprit au moment de l’acte (article 901 du Code civil). La curatelle ne prive pas automatiquement de cette capacité : elle constitue un indice de fragilité, pas une preuve d’incapacité. Toute libéralité (testament, donation) décidée après la mise sous protection requiert l’assistance du juge des contentieux de la protection. Le curateur ne peut jamais représenter ou assister la personne lors de l’acte.
Un testament rédigé avant la curatelle reste valide. Après la mesure, toute modification ou rédaction nouvelle doit être autorisée par le juge. Si la capacité de discernement fait défaut, l’acte peut être attaqué pour insanité d’esprit pendant cinq ans après le décès.

Donations au curateur et risques d’abus
Les donations consenties au profit d’un curateur professionnel sont nulles, sauf autorisation expresse du juge. Pour un curateur familial, la vigilance s’impose, mais la loi ne pose pas d’interdiction générale : tout repose sur l’absence d’abus de faiblesse ou de pression.
LIRE AUSSI : “Maman est sous curatelle renforcée. Comment peut-elle me faire une donation de son vivant ?”
Assurance vie : un statut particulier sous surveillance
Devenir bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie souscrit par une personne sous curatelle suppose un contrôle renforcé. Si le curateur familial est désigné comme bénéficiaire, il faut l’autorisation préalable du juge et la nomination d’un subrogé tuteur. Le but : éviter tout soupçon de captation. À l’inverse, les curateurs professionnels ne peuvent être bénéficiaires, sauf exception rarissime et encadrement judiciaire strict.
Gestion post-mortem : obligations du curateur et droits des héritiers
Dès le décès, la mission du curateur bascule. Il doit informer le juge, clôturer les comptes bancaires, inventorier les biens, transmettre tous les justificatifs au notaire et aux héritiers. Les frais d’obsèques peuvent être prélevés sur le compte du défunt, dans la limite de 5 000 euros. L’assurance obsèques, si elle existe, complète le dispositif.
Lorsque la famille fait défaut ou refuse la succession, la commune prend en charge les obsèques. Le curateur doit alors saisir la Direction nationale d’interventions domaniales (DNID) pour organiser la succession vacante. En l’absence d’héritiers, l’État récupère l’actif après paiement des dettes.
Litiges, contrôles et recours : la protection des majeurs ne s’arrête pas au décès
Tout héritier, tout membre de la famille, peut contester la gestion du curateur familial ou professionnel devant le juge dans un délai de cinq ans après le décès. Documents à l’appui, expertise comptable possible, le contrôle peut être rigoureux.
- Les actes accomplis sans l’assistance requise du curateur sont annulables.
- La suspicion d’abus de faiblesse ouvre la porte à des sanctions civiles et pénales (article 223-15-2 du Code pénal), voire à l’annulation de donations ou testaments litigieux.
Les héritiers s’appuient souvent sur un avocat pour défendre leurs intérêts, surtout en cas de gestion contestée ou de patrimoine conséquent. La conservation des justificatifs par le curateur pendant cinq ans permet de répondre à toute demande.
En pratique : héritage et curatelle, mode d’emploi
- La curatelle ne retire pas les droits des héritiers, qu’ils soient enfants, conjoints, frères ou sœurs.
- Seul le curateur professionnel se voit interdire de recevoir un legs ou une donation de la personne protégée.
- La validité d’un testament ou d’une donation dépend toujours de la capacité de discernement du testateur.
- En cas de succession complexe, faire appel à un notaire, voire à un avocat, limite les risques de contestation ultérieure.
- La transparence et la conservation des documents de gestion pendant cinq ans protègent les droits de tous les héritiers.
Questions fréquentes
Un curateur familial peut-il être désigné bénéficiaire d’une assurance vie ?
Oui, sous réserve d’une autorisation préalable du juge et de la nomination d’un subrogé tuteur.
Comment contester la gestion du curateur après le décès ?
Il faut saisir le juge des tutelles[2] dans un délai de cinq ans, en apportant les preuves de la mauvaise gestion ou des manquements.
Un testament rédigé sous curatelle est-il valable ?
Oui, si la personne était capable de discernement et que l’acte a été autorisé par le juge. En cas de doute sur la capacité, une contestation reste possible.
Quelles sont les obligations du curateur à la mort de la personne protégée ?
Informer le tribunal, clore les comptes, établir l’inventaire, transmettre les documents au notaire ou aux héritiers, conserver les justificatifs cinq ans.
Quels sont les recours en cas d’abus de faiblesse ?
Saisine du juge, poursuites pénales, annulation des actes suspects, dommages-intérêts éventuels.
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[1] Curatelle
La curatelle est une mesure qui aide une personne vulnérable à gérer ses affaires, tout en lui permettant de garder une certaine indépendance.
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Le juge des tutelles est un magistrat dont les décisions ont pour but pour protéger et aider les personnes qui ne peuvent pas gérer seules leurs affaires ou leurs finances.
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Je suis sur le testament authentique établi 4ans avant la mise sous tutelle du personne dont je ne fait pas partie de sa famille comment ça fonctionne
Bonjour
Je vous remercie pour votre commentaire.
Le testament existe, mais rien ne permet de prévoir exactement ce qu’il impliquera.
Bonne journée.
Amandine
Bonjour,
Le tuteur familial, hérité t’il de la personne sous tutelle ?
Bonjour
Je vous remercie pour votre commentaire.
Contrairement aux idées reçues, exercer une tutelle familiale ne confère aucun droit automatique à l’héritage. Le statut de tuteur et celui d’héritier relèvent de logiques juridiques distinctes, même si ces deux qualités peuvent parfois se cumuler chez une même personne.
Bonne journée.
Amandine
J’ai la curatelle renforcée de ma sœur (que j’appellerai A).
À son décès, ses 3 sœurs hériteraient (donc B, C et D) (dont moi-même D).
Ma question est : l’une de mes soeurs (la B) nous a totalement rayé de sa vie (A, C et D), comment peut-on le prouver pour qu’elle ne perçoive rien de notre sœur sous curatelle ?
Et si c’est B qui décède en 1er, au décès de A…. les enfants de B auraient l’héritage de leur mère ?
Bonjour
Je vous remercie pour votre commentaire.
En droit, la succession se fait selon la loi ou le testament, quelle que soit la relation personnelle entre les héritiers.
Bonne journée.
Amandine