Quand un parent entre en EHPAD, sa maison reste souvent inoccupée. Vous envisagez d’y habiter ? Cette solution apparemment simple soulève en réalité de nombreuses questions juridiques et fiscales. Sans précautions, vous risquez des conflits familiaux et des surprises financières désagréables. Voici un guide complet des aspects légaux à considérer avant de vous installer dans la maison d’un parent résidant désormais en établissement spécialisé.
Pourquoi faut-il être vigilant avant d’occuper la maison d’un parent en EHPAD ?
L’entrée d’un parent en EHPAD[1] représente une transition majeure pour toute la famille. Sa maison, souvent chargée de souvenirs, devient vacante. L’idée d’y habiter peut sembler une solution pratique, mais cette décision comporte des implications juridiques significatives.
Sans cadre légal approprié, l’occupation du logement peut créer des tensions familiales, notamment avec les autres héritiers. De plus, cette situation peut avoir des conséquences fiscales et successorales importantes. Une approche réfléchie et documentée est donc indispensable.

Les 6 précautions juridiques essentielles à prendre
1. Établir un cadre juridique clair pour l’occupation
Avant de vous installer dans la maison de votre parent, il est crucial de définir un cadre juridique précis. Plusieurs options s’offrent à vous :
- Le prêt à usage (ou commodat) : un contrat écrit autorisant l’occupation gratuite, mais impliquant certaines responsabilités
- La location : établissement d’un bail avec paiement d’un loyer
- L’usufruit temporaire : attribution formelle du droit d’usage pour une période définie
L’absence d’accord formel pourrait être interprétée comme une donation déguisée, avec des conséquences fiscales et successorales importantes. Un document écrit, idéalement notarié, protège toutes les parties.
Solution | Avantages | Risques ou limites |
|---|---|---|
Prêt à usage |
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Bail locatif |
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Usufruit temporaire |
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Démembrement |
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2. Anticiper les changements de statut fiscal du bien
L’entrée en EHPAD de votre parent modifie le statut fiscal de sa maison. Ce qui était sa résidence principale devient une résidence secondaire, avec plusieurs implications :
- Fin de l’exonération de taxe d’habitation liée à la résidence principale
- Possible impact sur l’Impôt[2] sur la Fortune Immobilière (IFI) si le patrimoine dépasse les seuils d’imposition
- Modification des règles d’abattement en cas de plus-value lors d’une vente future
Si vous occupez le logement, à titre de résidence principale, vous ne paierez pas de taxe d’habitation, celle-ci ayant été supprimée pour les résidences principales. En revanche, la taxe foncière reste généralement à la charge du propriétaire, sauf accord contraire.
📝 Logement d’un parent : penser à la déclaration fiscale de l’occupant
Quand une maison change d’occupant, l’administration fiscale doit en être informée. C’est le cas, par exemple, lorsqu’un enfant s’installe dans le logement de son parent parti en EHPAD.
➡️ Depuis une réforme récente, les propriétaires doivent déclarer via leur espace en ligne qui vit dans chacun de leurs biens. Cette démarche se fait sur le site impots.gouv.fr, dans la rubrique “Biens immobiliers”.
S’il s’agit d’un hébergement gratuit, le parent devra renseigner :
- le statut du bien (non occupé par lui-même) ;
- l’identité de l’occupant (enfant ou proche) ;
- la nature de l’occupation (à titre gratuit) ;
- la date de début d’occupation.
💡 Pourquoi c’est important ?
Cette déclaration permet à l’administration de savoir qui est redevable de la taxe d’habitation dans les rares cas où elle s’applique encore (résidences secondaires, logements vacants), et d’éviter tout risque de taxation erronée. Elle sert aussi de base pour d’autres contrôles fiscaux (impôt sur la fortune immobilière, exonérations seniors…).
📌 En cas d’oubli ou d’erreur, une amende de 150 € par bien peut être appliquée.
✅ À retenir :
Si un changement survient (départ, location, vente), une nouvelle déclaration doit être effectuée dans les meilleurs délais.
3. Vérifier la nécessité d’autorisations spécifiques
Selon la situation juridique de votre parent, différentes autorisations peuvent être nécessaires :
Si votre parent est sous tutelle[3] ou curatelle[4], l’autorisation du juge des tutelles[5] sera indispensable pour toute décision concernant son logement. Sans cette validation, l’occupation pourrait être contestée.
Même si votre parent conserve sa pleine capacité juridique, son consentement explicite doit être documenté. Un certificat médical attestant de sa lucidité au moment de la décision peut s’avérer précieux en cas de contestation ultérieure.
4. Considérer l’option du démembrement de propriété
Le démembrement de propriété constitue une solution juridique souvent adaptée à cette situation. Il consiste à séparer :
- L’usufruit : le droit d’utiliser le bien et d’en percevoir les revenus
- La nue-propriété : la propriété du bien sans le droit d’usage
Votre parent peut conserver l’usufruit ou vous le céder, tandis que la nue-propriété peut être conservée ou transmise. Cette solution présente plusieurs avantages :
- Clarification des droits de chacun
- Optimisation fiscale potentielle
- Anticipation de la transmission patrimoniale
Un notaire pourra vous conseiller sur la formule la plus adaptée à votre situation familiale et patrimoniale.
🏘️ Maison en indivision : une installation qui demande l’accord de tous
Il arrive souvent qu’un bien immobilier appartienne à plusieurs personnes, notamment après un décès. C’est ce qu’on appelle l’indivision. Chaque héritier possède une quote-part du logement, mais aucun ne peut l’occuper ou l’utiliser seul sans l’accord des autres.
Ainsi, si vous envisagez de vivre dans la maison de votre parent désormais en EHPAD, mais que celle-ci est en indivision avec vos frères et sœurs, vous ne pouvez pas vous y installer de manière unilatérale. Une occupation non concertée pourrait être contestée et donner lieu à une demande d’indemnité d’occupation, équivalente à un loyer au profit des autres cohéritiers.
👉 Ce qu’il faut retenir :
- L’unanimité est requise pour l’usage exclusif d’un bien indivis.
- Même si vous êtes héritier, vous n’avez pas un droit de jouissance exclusif sans accord écrit.
🛠️ Comment procéder dans les règles ?
- Informez les autres co-indivisaires de votre projet d’emménagement.
- Mettez en place une autorisation écrite, mentionnant les modalités (gratuité, durée, partage des charges).
- Si possible, faites rédiger une convention d’occupation par un notaire pour éviter toute ambiguïté.
En anticipant, vous évitez les malentendus et préservez l’équilibre familial, notamment lors du règlement de la succession.
5. Évaluer les impacts sur la succession future
L’occupation de la maison d’un parent en EHPAD peut avoir des conséquences significatives sur le règlement futur de sa succession :
- Une occupation gratuite prolongée pourrait être requalifiée en avantage successoral ou en donation indirecte
- Les autres héritiers pourraient demander une compensation lors du partage
- La valeur du bien au moment de la succession pourrait être affectée par votre occupation
Pour éviter tout conflit, il est recommandé de formaliser un accord familial, idéalement en présence d’un notaire. Cet accord devrait préciser les conditions d’occupation et leurs implications sur le partage futur.
6. Clarifier la prise en charge des frais et travaux
L’occupation d’un logement implique nécessairement des frais courants et parfois des travaux. Une répartition claire des responsabilités est essentielle :
- Charges courantes : eau, électricité, chauffage, assurance habitation
- Entretien régulier : petites réparations, jardinage
- Travaux importants : rénovation, mise aux normes, agrandissement
En cas de démembrement, la loi prévoit que l’usufruitier assume les charges courantes et l’entretien, tandis que les grosses réparations incombent au nu-propriétaire. Toutefois, un accord spécifique peut modifier cette répartition.
Si vous réalisez des travaux d’amélioration, documentez-les soigneusement. Ils pourraient être pris en compte lors du règlement de la succession, notamment si vous n’êtes pas le seul héritier.
Les alternatives à l’occupation personnelle
L’occupation directe n’est pas toujours la meilleure solution. D’autres options méritent d’être considérées :
La mise en location du logement
Louer la maison de votre parent présente plusieurs avantages :
- Génération de revenus pouvant contribuer au financement de l’EHPAD
- Entretien régulier du bien par son occupation
- Équité entre les héritiers potentiels
Cette solution nécessite toutefois une gestion active et peut impliquer des obligations fiscales supplémentaires. Les revenus locatifs sont imposables et doivent être déclarés par votre parent.

La vente du bien immobilier
Dans certaines situations, la vente peut constituer l’option la plus pragmatique :
- Financement direct des frais d’EHPAD, souvent conséquents
- Simplification de la gestion patrimoniale
- Anticipation du partage successoral
Cette décision importante doit être prise en considérant l’attachement affectif au bien, les besoins financiers actuels et les perspectives d’évolution du marché immobilier.
L’importance d’un accompagnement professionnel
Face à la complexité de ces questions, un accompagnement par des professionnels spécialisés est fortement recommandé :
Le rôle central du notaire
Le notaire est l’interlocuteur privilégié pour :
- Formaliser les accords familiaux
- Mettre en place un démembrement de propriété
- Conseiller sur les implications successorales
- Anticiper les questions fiscales
Sa connaissance approfondie du droit patrimonial et son devoir d’impartialité en font un guide précieux dans ces situations familiales sensibles.
L’apport d’un conseiller en gestion de patrimoine
Pour une approche plus globale intégrant les aspects financiers, un conseiller en gestion de patrimoine peut vous aider à :
- Évaluer l’impact de différents scénarios sur le patrimoine global
- Optimiser la fiscalité
- Planifier le financement de l’EHPAD sur le long terme
Son expertise complémentaire à celle du notaire permet d’aborder la situation sous tous ses angles.
Logement et aide sociale à l’hébergement (ASH) : attention au risque de requalification
Lorsqu’un parent âgé bénéficie de l’ASH pour financer son séjour en EHPAD, la gestion de ses biens, notamment immobiliers, est scrutée de près par le département. En effet, cette aide est accordée à titre subsidiaire, c’est-à-dire uniquement si les ressources disponibles ne permettent pas de couvrir les frais.
➡️ Si la maison du parent est occupée gratuitement par un proche, au lieu d’être mise en location ou vendue, le département peut en tenir compte dans l’évaluation des ressources mobilisables. Certains conseils départementaux estiment qu’il aurait été possible de générer un revenu locatif pour participer au financement de l’EHPAD.
Dans ce cas, deux conséquences sont possibles :
- le refus ou la réduction de l’ASH si l’occupation gratuite est jugée incompatible avec l’aide ;
- une demande de participation financière de l’occupant à titre de compensation/obligation alimentaire[6].
🔍 En pratique :
Il est recommandé de prévenir le conseil départemental si le logement n’est pas vacant ni loué, mais occupé par un enfant. Selon les départements, une convention d’occupation avec indemnité symbolique ou une justification motivée (entretien du bien, situation sociale de l’occupant) peut éviter un blocage ou une requalification.
Témoignages et situations concrètes
Les situations familiales sont toutes uniques, mais certains schémas reviennent fréquemment :
« Après l’entrée de ma mère en EHPAD, j’ai emménagé dans sa maison sans formalité particulière. Trois ans plus tard, lors de son décès, mes frères ont considéré que j’avais bénéficié d’un avantage et ont demandé une compensation. Un accord écrit nous aurait évité ce conflit douloureux. » – Marie, 58 ans
« Nous avons opté pour un démembrement : mon père a conservé l’usufruit de sa maison tout en étant en EHPAD, et j’en suis devenu nu-propriétaire. Cette solution a clarifié la situation et offert des avantages fiscaux significatifs. » – Thomas, 62 ans
Anticiper pour préserver l’harmonie familiale
L’entrée d’un parent en EHPAD constitue déjà une épreuve émotionnelle pour toute la famille. La question de sa maison ne doit pas devenir une source supplémentaire de tensions. Une approche transparente et documentée permet de préserver les relations familiales tout en protégeant les intérêts de chacun.
La communication entre tous les membres de la famille est essentielle. Même si la décision finale appartient au parent propriétaire, impliquer les autres héritiers potentiels dans la réflexion permet d’éviter les malentendus et les sentiments d’injustice.
Face aux défis du vieillissement et de la dépendance[7], la solidarité familiale reste précieuse. Un cadre juridique clair ne la diminue pas – au contraire, il la sécurise en prévenant les conflits futurs.
Habiter la maison d’un parent en EHPAD représente bien plus qu’une simple question de logement. Cette décision s’inscrit dans un ensemble complexe de considérations juridiques, fiscales et familiales. En prenant les précautions nécessaires et en vous entourant des conseils appropriés, vous transformerez ce qui pourrait être une source de complications en une solution bénéfique pour tous.
Questions fréquentes
Quelle est la différence entre droit d’usage, droit d’habitation et usufruit ?
L’usufruit permet d’occuper un bien et de le louer. Le droit d’usage autorise uniquement l’usage personnel (pas de location). Le droit d’habitation est encore plus restrictif : il donne le droit de vivre dans le bien sans pouvoir le transmettre, même temporairement.
Quel est le barème fiscal du démembrement selon l’âge ?
Lors d’un démembrement, la valeur de l’usufruit diminue avec l’âge du donateur. Un barème figure à l’article 669 du Code général des impôts :
- 51 à 60 ans — usufruit : 50 %, nue-propriété : 50 %,
- 61 à 70 ans — usufruit : 40 %, nue-propriété : 60 %,
- 71 à 80 ans, l’usufruit vaut 30 % et la nue-propriété 70 %…
Peut-on toucher les APL si l’on habite chez un parent ?
Non. Les APL ne sont pas versées lorsqu’un locataire est hébergé chez un ascendant ou descendant, même avec un bail. Cette règle vise à éviter les situations d’entraide familiale déguisée en location.
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[1] EHPAD
Les EHPAD sont des établissements médicalisés qui accueillent des personnes âgées qui ont besoin de soins médicaux réguliers et d’une aide dans leur vie quotidienne.
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[2] Impôt
L’impôt est une somme d’argent que les citoyens et les entreprises paient régulièrement au gouvernement. Cet argent est utilisé pour financer des services publics comme les écoles, les routes, et…
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[3] Tutelle
La tutelle est un mesure de protection judiciaire où une personne est désignée pour prendre soin des affaires personnelles et financières d’une personne qui ne peut plus le faire elle-même…
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[4] Curatelle
La curatelle est une mesure qui aide une personne vulnérable à gérer ses affaires, tout en lui permettant de garder une certaine indépendance.
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Le juge des tutelles est un magistrat dont les décisions ont pour but pour protéger et aider les personnes qui ne peuvent pas gérer seules leurs affaires ou leurs finances.
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L’obligation alimentaire désigne l’obligation légale pour les membres d’une famille de soutenir financièrement les proches en difficulté.
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[7] Dépendance
La dépendance de la personne âgée désigne le besoin d’aide pour réaliser les tâches de la vie quotidienne en raison de problèmes physiques ou mentaux.
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