Une lassitude qui s’installe brutalement, un retrait du quotidien, le regard qui se perd. Autour, les proches remarquent ce changement sans toujours en saisir la portée. Pourtant, derrière cette fatigue extrême chez la personne âgée, un risque majeur se dessine : le syndrome de glissement. Ce terme, surtout utilisé en France, évoque bien plus qu’un simple coup de mou. Il signe parfois l’entrée dans une spirale où tout s’accélère : perte d’autonomie, complications sévères, issue parfois fatale. Voici comment reconnaître les signes précoces et agir rapidement pour soutenir la personne âgée et protéger sa santé.

Syndrome de glissement : une définition qui fait débat, mais une réalité clinique indéniable

Le syndrome de glissement, décrit pour la première fois en 1956 par le Dr Jean Carrié, ne fait pas l’unanimité sur le plan international. Pourtant, il s’impose dans les pratiques gériatriques françaises. Concrètement, il s’agit d’un déclin rapide et brutal de l’état général chez la personne âgée, souvent après un événement déstabilisant. 

On parle d’une véritable rupture : la personne cesse de s’alimenter, refuse de bouger, s’enferme dans le silence. Le goût de vivre semble s’effacer, laissant place à un repli sur soi, parfois jusqu’au mutisme.

Ce syndrome touche principalement les plus de 70 ans, particulièrement ceux fragilisés, multipathologiques, ou ayant déjà perdu une part de leur autonomie. Sa survenue reste rare (1 à 4 % des hospitalisés de plus de 70 ans), mais son évolution fulgurante inquiète : plus de 80 % des personnes atteintes en décèdent sans prise en charge adaptée.

homme senior ayant des maux de tête

LIRE AUSSI : Comment reconnaître et soigner la dépression chez les seniors ?

Quand s’inquiéter ? Les signes qui ne trompent pas

Face à une fatigue intense chez une personne âgée, certains signaux doivent alerter, surtout après un épisode marquant : hospitalisation, chute, deuil, entrée en maison de retraite, accident, infection. L’installation du syndrome de glissement se fait en quelques jours à quelques semaines, rarement davantage.

  • Désintérêt marqué : arrêt des activités, absence d’initiative, indifférence aux proches.
  • Refus de s’alimenter ou de boire, parfois même d’ouvrir la bouche, perte de poids rapide.
  • Clinophilie persistante : reste au lit ou dans un fauteuil, difficulté à se lever, immobilité.
  • Déshydratation, incontinence[2], infections à répétition.
  • Repli sur soi, silence, refus de communiquer ou agitation inhabituelle.
  • Perte de l’hygiène, négligence corporelle, refus des soins.
  • Manifestation d’un désir de mourir, sans mise en scène ni tentative active de suicide.
  • Anxiété, peur de la solitude, peur de tomber, peur de la maladie.
  • Altération cognitive rapide : confusion, troubles de la mémoire ou de l’attention.

À la différence d’une démence, l’évolution se fait sur quelques semaines, parfois quelques jours. La dépression[1] classique, elle, dure plus longtemps, s’accompagne souvent d’autoaccusation ou d’indignité, ce qui n’est pas le cas ici.

Des complications multiples, un pronostic sombre

Sans intervention rapide, la cascade de complications s’enclenche. Dénutrition[3], déshydratation, aggravation des maladies chroniques, infections (urinaires, pulmonaires, cutanées), escarres. Le lit devient prison. L’organisme, privé d’apports nutritionnels et de mobilisation, ne tarde pas à se dégrader : perte musculaire (sarcopénie), chutes, régression cognitive, perte d’autonomie irréversible. Dans 85 % des cas, le décès survient en moins d’un mois.

Même en cas de récupération, l’autonomie ne revient pas toujours, une dépendance[4] résiduelle s’installe. Le risque de rechute reste élevé, surtout si un nouvel événement survient.

Facteurs déclenchants du syndrome de glissement : toujours un choc, jamais anodin

Rarement spontané, le syndrome de glissement suit presque toujours un élément déclencheur : chute, fracture, hospitalisation longue, déménagement, entrée en institution, deuil, maladie aiguë, isolement. La crise sanitaire Covid-19, avec ses confinements et son isolement, a multiplié les cas. Les personnes les plus à risque ? Les seniors fragiles, isolés, porteurs de plusieurs pathologies chroniques, ou en situation de dépendance déjà avancée.

Le terrain psychologique compte tout autant. La perte de repères, la fin d’un rôle social, l’éloignement familial, la répétition de petits traumatismes (maladie d’Alzheimer, démences) favorisent l’effondrement.

femme senior atteinte du syndrome de glissement depuis son entrée en EHPAD

Diagnostic du syndrome de glissement : attention à ne pas banaliser

Face à ces signes, attendre n’est pas une option. Le diagnostic repose sur l’observation clinique : modification brutale du comportement, exclusion d’une cause organique aiguë (infection, AVC[5]), entretiens avec la famille et les soignants. Un bilan biologique s’impose pour rechercher une carence, une infection, ou une pathologie aiguë sous-jacente.

La confusion avec une dépression, une démence ou un délire aigu n’est pas rare. L’évolution explosive, la succession rapide des symptômes, la passivité extrême ou l’opposition aux soins orientent vers le syndrome de glissement.

Prise en charge du syndrome de glissement : la réactivité, clé de la survie

Dès la suspicion, le réflexe doit être l’appel au médecin traitant, voire aux urgences. L’hospitalisation devient souvent incontournable : réalimentation, réhydratation, correction des carences, traitement des infections, prévention des escarres, rééducation à l’effort. Une approche multidisciplinaire s’impose : gériatre, infirmier, psychologue, kinésithérapeute[6], ergothérapeute. Le soutien psychologique, la réassurance, le maintien d’un lien social sont déterminants.

À domicile, organiser des aides (toilette, repas, visites, animations) devient vital. Les médicaments sont réévalués pour éliminer tout effet indésirable. Parfois, une supplémentation nutritionnelle ou une perfusion d’hydratation sont nécessaires.

Impliquer la famille, les aidants, l’entourage : présence, écoute, respect du rythme. Jamais d’infantilisation. La personne âgée garde sa dignité, ses choix doivent être entendus, y compris en cas de refus d’acharnement thérapeutique. La loi Leonetti encadre ces situations de fin de vie[7].

Prévention : vigilance et accompagnement, les seuls remparts

Impossible d’anticiper tous les syndromes de glissement. Mais certains gestes aident à limiter le risque après un choc :

  • Surveiller tout changement de comportement, même discret, après une hospitalisation ou un événement marquant.
  • Préparer les transitions : visite de la future maison de retraite, séjour temporaire, choix du lieu avec la personne concernée.
  • Encourager les activités, même passives : écouter de la musique, regarder des photos, sentir des parfums, dialoguer.
  • Maintenir une alimentation variée, privilégier le plaisir de manger.
  • Organiser des visites régulières, mobiliser l’entourage, multiplier les appels, les attentions personnalisées.
  • Adapter l’environnement pour réduire les risques de chute, faciliter l’autonomie (domotique, aides techniques).
  • Proposer des soins de confort, de beauté, des petites responsabilités adaptées.
  • Solliciter l’aide de professionnels : psychologues, ergothérapeutes, associations spécialisées.

La stimulation sensorielle, la valorisation des capacités restantes, même minimes, jouent un rôle central pour redonner confiance.

FAQ : les questions que tout le monde se pose

Le syndrome de glissement peut-il être inversé ?

Oui, mais seulement si la prise en charge médicale et psychosociale intervient très tôt. Plus le traitement est précoce, plus le rétablissement est probable.

Combien de temps avant que la situation ne devienne critique ?

Quelques jours à trois semaines suffisent pour voir l’état général se dégrader de façon dramatique. La mort peut survenir en moins d’un mois.

Quels professionnels solliciter ?

Médecin traitant en premier lieu, puis gériatre, psychologue, kinésithérapeute, équipe soignante en établissement ou à domicile.

Quels sont les facteurs de risque principaux ?

Choc émotionnel, hospitalisation, déménagement, deuil, isolement, polypathologies, fragilité, perte d’autonomie préalable.

Y a-t-il des aides pour les familles ?

Oui : aide à domicile[8], portage des repas, soutien psychologique, associations d’écoute, aide-ménagère, APA, groupes de parole pour aidants.

Article relu par l’équipe éditoriale avec le concours d’un contributeur expert médico-social chez Cap Retraite. Son expérience de terrain et sa connaissance des dispositifs d’aide et d’accompagnement permettant d’apporter un regard fiable et pertinent aux lecteurs.

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