La dépression chez les personnes âgées s’installe souvent sans bruit : fatigue lancinante, appétit qui s’efface, mémoire qui flanche, liens sociaux qui se distendent. La maladie avance masquée, se confond parfois avec l’usure du temps ou la solitude. Trop souvent ignorée, elle mérite une prise en charge rapide, structurée, avec une vraie coordination entre soignants et proches. Le parcours de soins tient dans un délai court : 30 jours pour enclencher une dynamique de rétablissement, sécuriser la personne, mobiliser les bonnes ressources. Voici, étape par étape, comment s’organise ce parcours, qui solliciter, dans quel ordre, et quels sont les signaux d’alerte à ne pas négliger.

Repérer la dépression : les premiers jours, rôle clé de l’entourage

L’alerte part rarement du senior lui-même. La vigilance des proches, famille, voisins, aidants professionnels, reste le plus sûr détecteur. Le quotidien réserve des indices : retrait progressif, perte d’intérêt pour les activités habituelles, plaintes somatiques répétées, troubles du sommeil, amaigrissement inexpliqué, négligence de soi. Parfois, la tristesse manque, remplacée par de l’irritabilité, de l’hostilité, un repli inhabituel. D’autres signes inquiètent : refus de s’alimenter, oubli des traitements, usage accru de somnifères ou d’alcool. Ces signaux, même diffus, suffisent à déclencher l’alerte dès qu’ils persistent plusieurs jours.

  • Modification de l’humeur ou du comportement
  • Fatigue persistante, perte d’élan
  • Isolement social, désintérêt pour les proches
  • Symptômes physiques sans explication médicale claire
  • Appels à l’aide déguisés, discours sur la mort ou le désespoir

Les facteurs de risque s’additionnent parfois : antécédents de dépression[1], deuil récent, entrée en établissement, pathologies chroniques, isolement, précarité. Face à ce faisceau d’indices, l’entourage joue le premier rôle, sans attendre que la situation s’aggrave.

En cas de pensées suicidaires, le 3114, numéro national de prévention du suicide gratuit et disponible 24h/24, peut également être contacté pour une aide immédiate.

senior présentant les signes de la dépression

LIRE AUSSI : La dépression chez les personnes âgées : ces signes qui ne sont pas « normaux avec l’âge »

Jours 1 à 7 : premier contact médical, diagnostic précoce

Dès les premiers signes, la prise de rendez-vous chez le médecin généraliste ou le gériatre s’impose. Ce professionnel reste l’entrée naturelle dans le parcours de soins. Son évaluation ne se limite pas à un entretien rapide : il interroge la personne, recueille l’avis de l’entourage, analyse l’environnement, explore les antécédents, vérifie la présence ou non de troubles cognitifs. La Geriatric Depression Scale (GDS), ou sa version abrégée, sert de grille de dépistage en quelques minutes. Le médecin cherche aussi à éliminer une cause organique ou iatrogène (effet secondaire médicamenteux, pathologie intercurrente).

En parallèle, il évalue la gravité, détecte d’éventuelles idées suicidaires, jauge la capacité du senior à se gérer seul. Si la suspicion de dépression se confirme, l’orientation vers un spécialiste se prépare, sans perdre de temps.

LIRE AUSSI : Déprime chez les seniors : quand faut-il s’inquiéter et quand la considérer comme passagère ?

Jours 7 à 14 : consultation spécialisée et plan de soins

À ce stade, le relais passe au psychiatre (ou, plus rarement, au gériatre spécialisé en psychiatrie du sujet âgé). Le délai d’accès doit rester court, quelques jours au maximum. Le spécialiste affine le diagnostic, mesure la sévérité, s’assure de l’absence d’urgence vitale. En présence d’un risque suicidaire, d’une dépression sévère, d’idées délirantes ou de troubles psychotiques, l’hospitalisation devient prioritaire, souvent en urgence.

Dans la majorité des cas, le psychiatre construit un plan de soins individualisé. Il tient compte de l’âge, des comorbidités, de la polymédication fréquente à cet âge. Il propose un équilibre entre traitements médicamenteux et non médicamenteux, adapte la surveillance, implique la famille dans la réflexion.

Jours 14 à 21 : début du traitement, mobilisation des soutiens

Le traitement médicamenteux s’initie le plus souvent à cette étape. Les antidépresseurs sont choisis en fonction du profil somatique, des risques d’interactions, de la tolérance attendue. La surveillance des effets indésirables s’avère indispensable, notamment en cas de prise simultanée de benzodiazépines ou d’autres psychotropes. Mais l’approche ne se limite pas au médicament.

  • Psychothérapie adaptée (individuelle, de groupe, parfois à domicile)
  • Recommandations sur l’alimentation, l’activité physique, l’hygiène de sommeil
  • Correction des troubles sensoriels (problèmes auditifs ou visuels non traités)
  • Restauration du lien social : activités collectives, ateliers, groupes de parole
  • Mobilisation des aides à domicile (pour la prise des traitements, l’accompagnement)
senior dépressif en consultation avec un psychologue

Le médecin traitant garde un rôle central, en lien avec le psychiatre. Le suivi s’organise, les premières adaptations de traitement sont possibles dès les premiers jours si besoin.

Jours 21 à 30 : suivi rapproché, adaptation, interventions complémentaires

Après la mise en route du traitement, la surveillance rapprochée prend toute son importance. Les consultations régulières, en présentiel ou par téléconsultation, permettent d’ajuster rapidement la stratégie. Si le senior présente des troubles cognitifs associés, une évaluation par un neuropsychologue s’ajoute parfois. Les services d’aide et de soins à domicile (SSIAD[2], SPASAD, SAAD) complètent le dispositif, surtout si l’autonomie vacille.

En cas d’amélioration, le maintien du suivi reste essentiel. Si la situation stagne ou se dégrade, l’équipe réévalue : hospitalisation, accueil en centre de répit, renforcement du soutien psychologique. L’objectif : éviter l’isolement, prévenir le risque suicidaire, soutenir la reprise d’une vie sociale et familiale.

LIRE AUSSI : L’impact des maisons de repos sur le traitement de la dépression chez les personnes âgées 

En cas d’urgence : réagir sans délai

Certains signes imposent d’accélérer le parcours. Discours suicidaire explicite, automutilation, hallucinations, incapacité totale à se gérer : l’entourage doit contacter sans attendre les urgences psychiatriques ou le SAMU. L’hospitalisation s’organise parfois en moins de 24 heures.

Lors de l’admission, une équipe pluridisciplinaire prend le relais : psychiatre, gériatre, infirmiers, psychologues, assistants sociaux. Des ateliers thérapeutiques, une surveillance médicale continue, un accompagnement personnalisé structurent le séjour. L’objectif : stabiliser, traiter, préparer le retour à domicile avec un plan de soins clair.

Professionnels impliqués et ressources à mobiliser

  • Médecin traitant : pivot du parcours, coordination, suivi de la santé globale
  • Psycho-gériatre ou psychiatre : diagnostic spécialisé, plan de soins, décision d’hospitalisation
  • Psychologue : soutien individuel ou de groupe, intervention à domicile, travail avec les proches
  • Infirmiers, aides-soignants : surveillance, aide à la prise de traitement, présence au quotidien
  • Neuropsychologue : bilan en cas de troubles cognitifs associés
  • Services d’aide à domicile[3] : soutien à l’autonomie, organisation de la vie quotidienne

Des aides sociales (APA, aides au logement, soutien des caisses de retraite) peuvent être sollicitées pour alléger la charge financière, permettre des adaptations à domicile, financer des heures d’accompagnement.

Tableau récapitulatif du parcours en 30 jours

ÉtapeJoursActeurs clésActions principales 
Repérage/alerte1-3EntourageObservation, repérage des signes, prise de contact médical
Évaluation médicale3-7Médecin généraliste/gériatreDiagnostic, dépistage, orientation si besoin
Consultation spécialisée7-14PsychiatreConfirmation du diagnostic, plan de soins, gestion de l’urgence si nécessaire
Mise en place traitement14-21Médecin, psychiatre, psychologue, équipe domicileDémarrage traitement, psychothérapie, aides à domicile
Suivi & adaptation21-30Médecin, psychiatre, aide à domicileConsultations de suivi, ajustements, prévention rechute

Ce tableau illustre un parcours idéal sur 30 jours, mais dans la réalité, l’accès aux psychiatres et aux structures spécialisées dépend fortement des ressources et de l’organisation locale des services de santé mentale.

Points clés à retenir

  • Détection précoce, rôle capital des proches
  • Diagnostic médical rapide, coordination médecin-psychiatre
  • Traitement global : médicaments, psychothérapie, aide à domicile
  • Suivi rapproché, adaptation permanente du plan de soins
  • Mobilisation de toutes les ressources sociales et médicales

La dépression chez les personnes âgées n’a rien d’inéluctable. Un repérage sans délai, un parcours de soins gradué, l’implication des proches changent la donne. L’enjeu : redonner souffle, dignité et perspectives à des vies que la maladie voudrait éteindre. Le temps, ici, compte plus que jamais.

FAQ pratique : questions fréquentes

Quels sont les signes qui doivent inquiéter ?

Fatigue durable, tristesse persistante, perte d’appétit, discours sur la mort, repli, perte de soin corporel. Des signes physiques inexpliqués ou des changements brusques de comportement doivent aussi alerter.

À quelle vitesse faut-il agir ?

Le délai de 30 jours n’est pas anodin. Plus la prise en charge débute tôt, plus les chances de rétablissement rapide augmentent. En cas d’idées suicidaires ou de dégradation rapide, il faut agir dans la journée.

Que faire si le médecin traitant n’est pas disponible ?

Joindre un centre de santé, demander conseil à la pharmacie, solliciter les urgences en cas de gravité. Les plateformes régionales d’écoute (numéros d’urgence, plateformes d’aide aux aidants) peuvent orienter.

Comment impliquer la famille ?

La présence des proches rassure, sécurise, facilite la prise des traitements et la réintégration sociale. Désigner un référent familial pour centraliser la communication avec l’équipe médicale améliore la coordination.

Quelles aides mobiliser à domicile ?

Aides à la personne, auxiliaires de vie, portage des repas, téléassistance, soutien psychologique à domicile. Les services d’aide et de soins à domicile coordonnent souvent ces interventions.

Article relu par l’équipe éditoriale avec le concours d’un contributeur expert médico-social chez Cap Retraite. Son expérience de terrain et sa connaissance des dispositifs d’aide et d’accompagnement permettant d’apporter un regard fiable et pertinent aux lecteurs.

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Commentaires (2)

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  1. Leyens denise

    J.ai 86 ans je déprime difficile d.avoir des amies sincères je suis trop sensible à cette situation
    Je suis dans une maison de.repos

    Répondre
    1. Amandine

      Bonjour

      Je vous remercie pour votre commentaire.
      Même si la situation est très difficile à vivre, je vous souhaite de trouver un peu de réconfort en vous ouvrant aux douces surprises ou aux moments agréables.
      Bonne journée.
      Amandine

      Répondre

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