Une entrée en EHPAD[1] bouleverse les équilibres familiaux, surtout quand vient la question du paiement. La facture affiche souvent entre 1 800 et 3 700 euros par mois, selon la région et l’établissement. Pour de nombreux enfants, la réalité s’impose brutalement : la répartition des frais n’obéit pas à une simple règle d’égalité entre frères et sœurs. Derrière le mot « obligation alimentaire », le droit s’invite dans l’intimité familiale, parfois source d’incompréhensions ou de tensions. Comment s’organise la prise en charge ? Qui doit payer quoi ? Et pourquoi certains héritent d’une part plus lourde que d’autres ? Voici les règles concrètes qui s’appliquent.
Le coût d’un EHPAD : décryptage du reste à charge
Le budget mensuel d’un EHPAD se divise en plusieurs postes :
- L’hébergement regroupe pension complète, entretien, animations.
- Les soins médicaux sont intégralement couverts par l’Assurance maladie.
- La dépendance[3] est partiellement financée par l’APA (allocation personnalisée d’autonomie) pour les personnes les plus fragiles.
Seule une partie des frais, le fameux « reste à charge », demeure à la charge du résident, de sa famille, ou du département via l’aide sociale[4] à l’hébergement (ASH).
Tous les revenus du parent sont examinés : retraites, pensions, loyers, allocations diverses. En revanche, le patrimoine immobilier n’est pas liquidé de force, ni l’assurance-vie. Si les ressources suffisent, la question familiale ne se pose pas. Mais en cas d’insuffisance, la solidarité familiale prend le relais.

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Obligation alimentaire : qui est concerné, comment ça fonctionne ?
La loi ne laisse pas la famille indifférente face à la perte d’autonomie d’un parent. L’obligation alimentaire[2], prévue aux articles 205 à 211 du Code civil, impose aux enfants (et parfois aux conjoints par alliance) de subvenir aux besoins de leurs parents si ceux-ci ne peuvent plus s’assumer. Ce devoir s’étend, dans certains cas, aux petits-enfants, mais avec des exceptions importantes depuis 2024.
- Le conjoint marié : premier obligé, il doit assurer un minimum vital à son époux, même si ce dernier entre en établissement. Le devoir de secours prime sur l’aide des enfants, sauf incapacité du conjoint.
- Les enfants : chaque enfant est tenu d’aider selon ses propres moyens, indépendamment de ses frères et sœurs.
- Gendres et belles-filles : l’obligation existe tant que le lien par l’enfant subsiste.
- Petits-enfants : rarement sollicités, la loi récente les protège lors d’une demande d’ASH.
- Frères, sœurs, concubins, PACS : aucune obligation alimentaire.
Des dispenses existent : placement judiciaire de l’enfant, manquements graves du parent, condamnation pénale. Le juge peut aussi exonérer totalement ou partiellement un obligé alimentaire si les preuves sont apportées.
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Répartition du paiement : pas de partage égal, mais une contribution proportionnelle
Beaucoup imaginent une division arithmétique des frais entre frères et sœurs. La réalité est plus nuancée. La contribution de chaque enfant dépend de sa capacité financière : revenus, charges, situation familiale, santé. Le département évalue au cas par cas, parfois avec l’aide de barèmes internes.
Un enfant disposant de revenus confortables pourra se retrouver à assumer une part nettement supérieure à celle d’un frère en difficulté ou ayant une famille nombreuse. Aucune règle d’égalité stricte. La loi privilégie la justice contributive. Si le dialogue familial échoue, le conseil départemental — ou à défaut le juge aux affaires familiales — tranche, après examen des justificatifs.
| Critère pris en compte | Impact sur la répartition |
|---|---|
| Revenus professionnels | Plus ils sont élevés, plus la part peut augmenter |
| Charges de famille (enfants à charge, pension alimentaire…) | Réduisent la capacité contributive |
| Loyer, crédits, dépenses courantes | Diminuent la part possible |
| Situation de santé ou de handicap | Peut justifier une exonération ou une réduction |
Les économies ne sont pas mobilisées, seuls les revenus générés sont retenus. En cas de double charge (deux parents en EHPAD), cette situation est prise en compte. Les pensions alimentaires versées sans décision de justice restent déductibles si elles répondent à une obligation légale.
Aide sociale à l’hébergement (ASH) : un filet de sécurité, mais récupérable
Quand ni le résident ni la famille ne parviennent à régler la totalité des frais, l’ASH intervient. Attribuée par le conseil départemental, elle complète le financement après examen minutieux des ressources et de la participation des obligés alimentaires.
L’APL (aide personnalisée au logement) et l’ALS (allocation de logement sociale) peuvent aussi s’ajouter, mais servent intégralement à payer la facture.
Attention, l’ASH n’est pas un don. Après le décès du résident, le département peut récupérer les sommes avancées sur la succession, au-delà de 46 000 euros d’actif net, ainsi que sur certains dons ou donations effectués dans les 10 ans précédant la demande.

Refus de paiement, litiges et sanctions
Un désaccord familial, un enfant qui refuse de payer sa part ? La solidarité nationale prend le relais, mais le département se retourne ensuite contre le mauvais payeur. Saisie sur compte, poursuites judiciaires, voire sanctions pénales (jusqu’à deux ans de prison et 15 000 euros d’amende pour abandon de famille) menacent en cas de refus injustifié. Néanmoins, les motifs légitimes d’exonération (ressources insuffisantes, manquements graves du parent) sont appréciés par le juge.
Avant tout contentieux, la médiation familiale est encouragée pour tenter une solution apaisée.
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Réajustements possibles et alternatives pour limiter les coûts
Une baisse de ressources, un changement familial ? La révision de la participation est possible auprès du conseil départemental.
Côté alternatives, choisir un EHPAD public ou associatif, privilégier un établissement conventionné, envisager l’accueil familial ou la colocation entre seniors, tout cela permet de réduire sensiblement le reste à charge.
Questions pratiques sur l’obligation alimentaire en EHPAD
Peut-on faire un don à ses enfants en entrant en EHPAD ?
C’est possible, mais risqué. Les donations récentes peuvent être récupérées par le département si elles ont été faites pour échapper à l’ASH ou si elles ont contribué à un appauvrissement volontaire.
Quelles démarches pour contester une répartition ?
Recours gracieux auprès du conseil départemental, puis saisine du juge aux affaires familiales si nécessaire. Les délais sont courts : 2 mois après la décision administrative.
Les sommes versées sont-elles déductibles des impôts ?
Oui, la participation au titre de l’obligation alimentaire est déductible des revenus imposables, sous conditions. Le bénéficiaire doit les déclarer dans sa propre déclaration.
Un enfant peut-il être exonéré totalement ?
Oui, en cas de défaillance grave du parent, de placement judiciaire, ou de ressources insuffisantes, le juge peut décider d’une exonération totale ou partielle.
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[1] EHPAD
Les EHPAD sont des établissements médicalisés qui accueillent des personnes âgées qui ont besoin de soins médicaux réguliers et d’une aide dans leur vie quotidienne.
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L’obligation alimentaire désigne l’obligation légale pour les membres d’une famille de soutenir financièrement les proches en difficulté.
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[3] Dépendance
La dépendance de la personne âgée désigne le besoin d’aide pour réaliser les tâches de la vie quotidienne en raison de problèmes physiques ou mentaux.
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[4] Aide Sociale
L’aide sociale est une assistance financière fournie par l’État pour aider les personnes en difficulté à couvrir des besoins essentiels, comme le logement ou les soins en établissement.
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