Bangkok, avril 2025. Le Congrès mondial du diabète secoue l’ordre établi : la Fédération Internationale du Diabète (FID) officialise le diabète de type 5. Plus de 20 millions de personnes dans le monde, principalement en Afrique et en Asie, vivent avec cette forme méconnue. Adolescents et jeunes adultes, silhouette maigre, parcours marqués par des privations, ils subissent une épidémie silencieuse. Cet article vous aidera à comprendre cette maladie, à reconnaître ses signes et à découvrir les démarches qui peuvent protéger la santé des personnes concernées.

Physiopathologie : une origine distincte, loin des clichés habituels

Le diabète de type 5 n’est ni une question de génétique auto-immune (type 1), ni un problème de résistance à l’insuline (type 2). Il se forge dans la privation : malnutrition chronique, carence en protéines, croissance stoppée net. Le coupable ? Un développement pancréatique altéré, là où le corps manque de briques pour bâtir ses réserves d’insuline.

Les patients affichent un indice de masse corporelle (IMC) faible, souvent en dessous de la moyenne. Pas de cétose, contrairement au diabète de type 1. Plutôt une sécrétion d’insuline défaillante, sans résistance à l’action de cette hormone. L’appellation anglaise « Protein Deficient Diabetes Mellitus » (PDDM) dit tout : ici, c’est la faim et la carence protéique qui installent le désordre métabolique.

  • Survient chez des sujets jeunes, majoritairement adolescents ou adultes de moins de 30 ans
  • Aspect maigre, sans surpoids ni obésité
  • Absence de cétose à la découverte
  • Défaut de sécrétion d’insuline, mais pas d’anticorps auto-immuns
  • Antécédents de sous-nutrition, souvent depuis l’enfance
senior atteinte de diabète

Une histoire longue, faite d’oubli et de tâtonnements

Retour en 1955, Jamaïque. Hugh-Jones observe une forme étrange de diabète chez de jeunes sujets, maigres, sans trace de cétose. Il baptise ce tableau « type J ». Dix ans plus tard, en Inde, Tripathy et Kar relient la maladie à la malnutrition infantile. L’OMS la reconnaît en 1985, puis l’efface du tableau en 1999, faute de preuves formelles.

Entre-temps, les appellations changent : « diabète tropical », « diabète pancréatique tropical », « diabète modulé par la malnutrition ». Les cas s’accumulent en Inde, au Bangladesh, au Nigeria, en Éthiopie, en Ouganda. Les études chez le primate, menées par Khardori et Bajaj à New Delhi, confirment l’effet délétère d’une alimentation pauvre en protéines sur le pancréas et la sécrétion d’insuline.

2022, New York. Meredith Hawkins, endocrinologue, distingue enfin ce profil métabolique singulier : des patients à faible IMC, une faible sécrétion d’insuline, mais sans résistance marquée. La boucle se referme, la maladie trouve son nom.

Diagnostic : une frontière encore floue

Des critères diagnostiques ? En chantier. La littérature reste fragmentée, les études souvent observationnelles, les définitions variables. Un risque majeur : la confusion avec le diabète de type 1, qui conduit parfois à prescrire des doses massives d’insuline, dangereuses pour ces patients. L’American Diabetes Association (ADA) reste sur la réserve, ne reconnaît ni « type 3 », ni « type 4 », ni « type 5 ». Mais la FID avance, pilotée par le Dr Meredith Hawkins (New York) et le Dr Nihal Thomas (Inde), pour établir une grille de diagnostic universelle et des recommandations thérapeutiques adaptées.

Pourquoi le diagnostic reste difficile ?

  • Symptômes non spécifiques, souvent confondus avec le diabète de type 1
  • Absence de cétose, mais présence d’hyperglycémie sévère
  • Contexte de sous-nutrition pas toujours documenté
  • Critères biologiques et cliniques encore débattus

Prise en charge : sortir du tout-insuline, adapter au contexte

Insulinothérapie à fortes doses ? Risquée, inadaptée. Les résultats pointent plutôt vers une association de faibles doses d’insuline et d’antidiabétiques oraux. La diététique joue un rôle central : régime riche en protéines, limitation des glucides, supplémentation en micronutriments essentiels (zinc, vitamines du groupe B notamment).

L’accès à l’insuline restant aléatoire dans beaucoup de pays concernés, ces alternatives thérapeutiques représentent un espoir. Encore faut-il des études solides pour valider les protocoles, adapter les traitements, éviter les erreurs mortelles.

senior suivant un traitement pour le diabète

Impact et enjeux de santé publique

Cette reconnaissance tardive du diabète de type 5 bouleverse la carte du diabète mondial. Elle éclaire des millions de patients jusque-là invisibles, mal diagnostiqués, mal soignés. Les enjeux ne sont pas que médicaux : ils touchent à la justice sociale, à l’équité d’accès aux soins, à la nécessité d’investir dans la prévention nutritionnelle dès le plus jeune âge.

À l’heure où la médecine occidentale affine ses classifications, la réalité du Sud s’impose : la faim façonne aussi la maladie. Un message fort, porté par le président de la FID, Peter Schwarz : « La reconnaissance du diabète de type 5 marque un tournant historique dans la manière dont nous abordons le diabète au niveau mondial. Il s’agit d’une question d’équité, de science et de sauver des vies. »

Panorama des autres types de diabète : pour mieux comprendre la diversité

  • Type 1 : maladie auto-immune, touche enfants et jeunes adultes, nécessite insuline à vie.
  • Type 2 : le plus fréquent, souvent lié au surpoids, à la sédentarité, à l’âge.
  • Type 3c : conséquence d’atteintes du pancréas (pancréatite chronique, chirurgie, cancer).
  • MODY : mutation génétique, diabète précoce sans surpoids ni auto-immunité.
  • Diabète néonatal : très rare, survenue dans les premières semaines de vie.
  • Diabète gestationnel : pendant la grossesse, facteur de risque pour mère et enfant.
  • Diabète lié à la mucoviscidose : chez les adolescents et jeunes adultes atteints de cette maladie génétique.

Questions fréquentes sur le diabète de type 5

Comment différencier le diabète de type 5 des autres types ? 

Principalement par l’absence de cétose, le faible IMC, l’histoire de sous-nutrition, et un défaut de sécrétion d’insuline sans résistance majeure à l’insuline.

Quels traitements sont privilégiés ? 

Faibles doses d’insuline, antidiabétiques oraux, régime protéiné, supplémentation en micronutriments.

Quels risques en cas de mauvaise prise en charge ? 

Hypoglycémies sévères avec l’insuline, aggravation de la sous-nutrition, complications métaboliques.

Existe-t-il un dépistage systématique ? 

Pas à ce jour. Les recommandations sont en cours d’élaboration par la FID.

Combien de personnes sont concernées ? 

Entre 20 et 25 millions dans le monde, surtout dans les pays à faibles ressources.

Le diabète de type 5 incarne un défi scientifique et social : adapter la médecine aux réalités de la malnutrition, inventer des protocoles là où le tout-insuline ne peut fonctionner, et placer la prévention nutritionnelle au cœur des politiques de santé publique. L’histoire du diabète s’écrit désormais aussi dans les pays du Sud, là où la faim laisse des cicatrices métaboliques profondes. Les prochains mois apporteront, peut-être, un cadre plus précis et des solutions concrètes pour des millions de vies suspendues à la reconnaissance d’une maladie, enfin sortie de l’ombre.

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