La maladie d’Alzheimer bouleverse profondément la vie des personnes touchées et celle de leurs proches. Alors que les premiers stades se caractérisent par des pertes de mémoire et quelques changements comportementaux, le stade avancé représente une phase particulièrement éprouvante. Les capacités cognitives et physiques se détériorent significativement, nécessitant une adaptation constante des soins et de l’accompagnement. Face à cette réalité difficile, comprendre les manifestations du dernier stade permet aux aidants et aux professionnels de santé d’offrir un soutien plus approprié et de préserver la dignité de la personne jusqu’au bout.

Comprendre le stade terminal de la maladie d’Alzheimer

Le stade terminal constitue la phase ultime d’un processus neurodégénératif qui peut s’étendre sur plusieurs années. Cette période se caractérise par une dépendance[3] totale de la personne malade envers ses aidants.

Définition et durée du stade avancé

Le stade avancé ou terminal de la maladie d’Alzheimer correspond généralement à la phase où les lésions cérébrales ont atteint une grande partie du cerveau. Cette étape peut durer de quelques mois à plusieurs années, avec une durée moyenne de 1 à 3 ans. La progression varie considérablement d’un individu à l’autre, influencée par divers facteurs comme l’âge de survenue de la maladie, l’état de santé général et les soins reçus.

Durant cette phase, les neurones et leurs connexions continuent de se détériorer, affectant presque toutes les fonctions cérébrales. Les zones du cerveau responsables des fonctions motrices, sensorielles et végétatives sont progressivement touchées.

Distinction avec les stades précédents

Contrairement aux stades initiaux et intermédiaires où certaines capacités restent préservées, le stade terminal se distingue par :

  • Une perte quasi-totale d’autonomie
  • L’incapacité à reconnaître ses proches
  • L’impossibilité de communiquer verbalement de façon cohérente
  • Des troubles moteurs majeurs empêchant la marche et même la position assise
  • Des difficultés à avaler et à contrôler les sphincters
femme senior atteinte de la maladie d'Alzheimer ne reconnaissant plus son mari

Alors qu’aux stades précédents la personne pouvait maintenir certaines interactions sociales et accomplir quelques activités quotidiennes avec assistance, le stade terminal marque une rupture significative dans les capacités fonctionnelles.

Les manifestations cognitives du stade avancé

Le déclin cognitif atteint son paroxysme lors du stade terminal, affectant profondément la conscience de soi et la relation au monde extérieur.

Altération sévère de la mémoire et de la reconnaissance

La mémoire est désormais presque entièrement affectée. La personne malade ne reconnaît plus ses proches, y compris son conjoint ou ses enfants. Cette non-reconnaissance peut prendre différentes formes :

  • Confusion totale sur l’identité des personnes présentes
  • Impression que des proches décédés sont encore vivants
  • Attribution d’identités erronées (confondre son fils avec son père par exemple)
  • Absence de réaction face à des personnes familières

La mémoire autobiographique est également très altérée. La personne peut oublier des pans entiers de sa vie, y compris des événements majeurs comme son mariage ou la naissance de ses enfants.

Perte des capacités de communication

La communication verbale devient extrêmement limitée voire impossible :

  • Vocabulaire réduit à quelques mots ou sons
  • Discours incohérent et décousu
  • Écholalie (répétition des derniers mots entendus)
  • Mutisme complet dans les phases les plus avancées

Cependant, la communication non verbale persiste souvent jusqu’à la fin. La personne peut encore réagir à certains stimuli comme le toucher, la musique ou les intonations de voix. Ces réactions représentent des fenêtres précieuses pour maintenir un lien avec elle.

Désorientation complète

La personne atteinte perd totalement ses repères :

  • Incapacité à identifier le lieu où elle se trouve
  • Perte de la notion du temps (heure, jour, saison, année)
  • Confusion entre le jour et la nuit, perturbant le rythme de sommeil

Cette désorientation contribue souvent à l’anxiété et à l’agitation observées chez certains patients.

Les changements physiques et fonctionnels

Le stade terminal s’accompagne d’une dégradation significative des capacités physiques, rendant la personne totalement dépendante pour tous les actes de la vie quotidienne.

Troubles moteurs et mobilité réduite

La mobilité devient extrêmement limitée :

  • Incapacité à marcher de façon autonome
  • Difficultés à maintenir la position assise sans soutien
  • Raideur musculaire et postures figées
  • Risque accru de chutes lors des derniers déplacements
  • Alitement permanent dans les phases ultimes

Ces troubles nécessitent une attention particulière pour prévenir les complications liées à l’immobilité, comme les escarres ou les pneumopathies de déglutition.

Difficultés de déglutition et troubles alimentaires

L’alimentation devient problématique en raison de plusieurs facteurs :

  • Dysphagie (troubles de la déglutition) augmentant le risque de fausses routes
  • Perte de l’appétit et désintérêt pour la nourriture
  • Incapacité à reconnaître les aliments ou à exprimer ses préférences
  • Difficulté à utiliser les couverts ou à porter les aliments à la bouche
  • Mastication inefficace ou refus d’ouvrir la bouche
femme senior atteinte d'Alzheimer et de dysphagie

Ces troubles alimentaires peuvent entraîner une dénutrition[4] et une déshydratation, compromettant davantage l’état général de la personne malade.

Incontinence et troubles sphinctériens

Le contrôle des sphincters est généralement perdu au stade terminal :

  • Incontinence urinaire complète nécessitant le port de protections
  • Incontinence[5] fécale requérant des soins d’hygiène réguliers
  • Risque accru d’infections urinaires
  • Constipation fréquente liée à l’immobilité et aux modifications alimentaires

Ces problèmes exigent une vigilance particulière pour maintenir une hygiène irréprochable et prévenir les complications cutanées.

Les manifestations comportementales et psychologiques

Même au stade terminal, des symptômes comportementaux et psychologiques peuvent persister ou apparaître, nécessitant une approche spécifique.

Évolution des troubles du comportement

Les troubles du comportement évoluent généralement avec la progression de la maladie :

  • Diminution fréquente de l’agitation et de l’agressivité présentes aux stades antérieurs
  • Apparition possible de comportements d’opposition passive lors des soins
  • Réactions de défense lors de la toilette ou des changes
  • Cris ou gémissements sans cause apparente
  • Mouvements répétitifs comme le balancement ou le frottement

Ces manifestations, souvent difficiles à interpréter, peuvent exprimer un inconfort, une douleur ou des besoins non satisfaits.

Expressions émotionnelles préservées

Malgré l’altération cognitive profonde, la dimension émotionnelle reste souvent présente :

  • Capacité à ressentir et exprimer des émotions basiques (joie, tristesse, peur)
  • Réactions aux stimulations sensorielles agréables (musique, caresses, parfums familiers)
  • Sensibilité à l’ambiance émotionnelle environnante
  • Manifestations de plaisir lors de moments de bien-être

Cette préservation partielle de la vie émotionnelle constitue une ressource précieuse pour maintenir un lien avec la personne malade.

Troubles du sommeil et du rythme circadien

Le cycle veille-sommeil est fréquemment perturbé :

  • Inversions du rythme jour-nuit
  • Somnolence diurne excessive
  • Réveils nocturnes multiples
  • Agitation vespérale (syndrome du coucher de soleil)

Ces troubles peuvent épuiser les aidants et compliquer la prise en charge, particulièrement en contexte familial.

Les complications médicales fréquentes

Le stade terminal s’accompagne de complications médicales qui peuvent compromettre la qualité de vie et accélérer le déclin.

Infections respiratoires et urinaires

Les infections représentent une complication majeure :

  • Pneumopathies d’inhalation liées aux troubles de la déglutition
  • Infections urinaires favorisées par l’incontinence et l’immobilité
  • Manifestations atypiques des infections (absence de fièvre, confusion accrue)
  • Difficulté à identifier la douleur ou l’inconfort liés à ces infections

Ces complications infectieuses constituent une cause fréquente d’hospitalisation et de décès.

Dénutrition et déshydratation

Les troubles nutritionnels s’aggravent progressivement :

  • Perte de poids significative malgré une alimentation adaptée
  • Déshydratation due à la réduction des apports hydriques
  • Carences vitaminiques et protéiques
  • Fragilité cutanée accrue par la dénutrition

Ces problèmes alimentaires soulèvent des questions éthiques complexes concernant l’alimentation artificielle en fin de vie[6].

Complications liées à l’immobilité

L’alitement prolongé entraîne diverses complications :

  • Escarres (plaies de pression) aux points d’appui
  • Thromboses veineuses profondes
  • Raideurs articulaires et rétractions musculaires
  • Complications respiratoires par encombrement bronchique

La prévention de ces complications constitue un aspect fondamental des soins au stade terminal.

L’accompagnement adapté au stade terminal

Face aux multiples défis du stade avancé, l’accompagnement doit être global et centré sur le confort et la dignité de la personne.

Principes des soins palliatifs appliqués à l’Alzheimer

L’approche palliative devient essentielle :

  • Priorité au confort et à la qualité de vie plutôt qu’à la prolongation de l’existence
  • Traitement approprié de la douleur, souvent sous-évaluée
  • Limitation des examens et traitements invasifs non indispensables
  • Attention particulière aux symptômes d’inconfort (douleur, dyspnée, anxiété)
  • Respect des directives anticipées et des souhaits exprimés antérieurement

Cette démarche palliative implique une réflexion éthique permanente sur le bénéfice des interventions médicales envisagées.

Maintien de la communication et du lien social

Malgré les difficultés de communication, plusieurs approches permettent de maintenir un lien :

  • Communication non verbale (toucher, regard, présence calme)
  • Stimulation sensorielle adaptée (musique familière, arômes appréciés)
  • Utilisation de phrases simples et d’un ton apaisant
  • Attention aux expressions faciales et corporelles de la personne
  • Présence régulière des proches, même si elle n’est pas verbalement reconnue

Ces interactions, même limitées, préservent la dimension humaine et relationnelle des soins.

Adaptation de l’environnement et des soins quotidiens

L’organisation pratique des soins nécessite des ajustements constants :

  • Aménagement d’un espace calme et sécurisant
  • Adaptation des textures alimentaires pour faciliter la déglutition
  • Positionnement et mobilisation réguliers pour prévenir les complications
  • Soins d’hygiène respectueux et attentifs aux réactions de la personne
  • Maintien d’un rythme et de rituels quotidiens rassurants

Ces adaptations visent à maximiser le confort tout en préservant la dignité de la personne malade.

Le soutien aux aidants face au stade terminal

L’accompagnement d’un proche au stade terminal représente une épreuve particulièrement difficile pour les aidants familiaux.

Impact émotionnel et physique sur les proches

Les aidants sont confrontés à de multiples défis :

  • Épuisement physique lié aux soins constants
  • Détresse émotionnelle face à la transformation de leur proche
  • Sentiment de perte anticipée (« deuil blanc »)
  • Culpabilité, notamment lors des décisions difficiles comme l’institutionnalisation
  • Isolement social progressif

La reconnaissance de ces difficultés est essentielle pour prévenir l’épuisement des aidants.

Ressources et dispositifs d’aide disponibles

Plusieurs formes de soutien peuvent être mobilisées :

  • Services d’aide à domicile[8] renforcés
  • Équipes mobiles de soins palliatifs[7] intervenant à domicile ou en EHPAD[2]
  • Hospitalisation à domicile pour les situations complexes
  • Accueil temporaire en établissement pour permettre le répit des aidants
  • Groupes de parole et soutien psychologique spécifiques

L’anticipation des besoins et la coordination des intervenants facilitent le parcours de soins.

Préparation à la fin de vie et au deuil

L’accompagnement en fin de vie nécessite une préparation spécifique :

  • Information sur l’évolution prévisible de la maladie
  • Discussion anticipée sur les souhaits concernant la fin de vie
  • Accompagnement dans les démarches administratives et funéraires
  • Soutien psychologique prolongé après le décès
  • Reconnaissance du deuil complexe lié à la longue évolution de la maladie

Ce soutien au deuil est d’autant plus important que les aidants ont souvent consacré plusieurs années à l’accompagnement de leur proche malade.

Face au stade terminal de la maladie d’Alzheimer[1], la connaissance précise des manifestations et des besoins spécifiques permet d’améliorer significativement la qualité de l’accompagnement. Si cette phase représente indéniablement une période éprouvante, elle peut aussi constituer un temps précieux où la présence, l’attention et les soins adaptés préservent jusqu’au bout la dignité de la personne malade. Pour les professionnels comme pour les familles, l’enjeu est de maintenir une approche humaniste et bienveillante, centrée sur le confort et le respect de la personne, tout en accordant une attention particulière au soutien des aidants.

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