Les chutes des personnes âgées sont la deuxième cause de décès par traumatisme involontaire dans le monde, d’après l’OMS. Parmi les responsables : les antidépresseurs qui multiplient le danger par 1,5 à 2. En France, près de 30 % des plus de 65 ans en consomment, causant environ 12 000 fractures du col du fémur chaque année. Pour soigner la dépression[1] des seniors, le médecin prescrit, sans le vouloir, un billet pour un risque d’accident domestique. Parce que cette conséquence est encore trop sous-estimée, voici pourquoi les antidépresseurs font trébucher les aînés et les précautions pour esquiver le pire.
Étude de cas : pourquoi les antidépresseurs augmentent-ils le risque de chute ?
Les antidépresseurs, censés rétablir l’équilibre mental, fragilisent le corps des seniors.
Les mécanismes physiologiques
Tout commence dans le cerveau et le système nerveux.
- Les effets sédatifs de certains antidépresseurs, comme la mirtazapine ou les tricycliques, plongent les seniors dans une somnolence qui ralentit leurs réflexes… Transformant une chaise ou un tapis mal placé en vrai danger.
- L’hypotension orthostatique, courante avec les ISRS ou les tricycliques, fait baisser la tension et donne des vertiges risqués en se levant trop vite du lit ou d’un fauteuil.
- Les troubles de l’équilibre et de la coordination empêchent d’ajuster la posture et la réactivité, comme éviter une chute après un faux pas dans l’escalier.
Loin d’être de simples désagréments, ces effets secondaires préparent le terrain de chute du senior.
La fragilité des seniors
Avec le vieillissement des organes comme le foie et les reins, les antidépresseurs sont métabolisés plus lentement et s’accumulent dans l’organisme. Les effets indésirables comme la somnolence, la confusion ou les vertiges sont alors prolongés et amplifiés.
Ajoutez à cela la polymédication : 60 % des plus de 65 ans prennent au moins cinq médicaments par jour, selon Santé Publique France. En mélangeant des antidépresseurs avec des somnifères et des antihypertenseurs ou anxiolytiques, les interactions décuplent les risques de tomber.
Quels antidépresseurs sont les plus concernés par le risque de chute ?
Tous les antidépresseurs n’ont pas le même impact sur les chutes des seniors.
Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS)
Les ISRS, souvent présentés comme une option « douce », sont les plus prescrits. Parmi eux, la sertraline (Zoloft) et l’escitalopram (Seroplex) sont loin d’être inoffensifs puisqu’ils provoquent :
- Une somnolence qui suffit à désorienter un senior au lever ou lors d’un déplacement nocturne.
- Des vertiges fréquents en début de traitement.
- Le syndrome sérotoninergique guette en cas de surdosage ou d’interaction : agitation, tremblements, rigidité musculaire qui empêchent le senior de marcher.
Les antidépresseurs tricycliques (ATC)
Les antidépresseurs tricycliques, comme l’amitriptyline et la nortriptyline, utilisés pour les dépressions sévères ou les douleurs chroniques, présentent :
- Des effets anticholinergiques (confusion, vision floue, rétention urinaire) capables de désorienter un senior dans son propre salon.
- Des troubles cardiaques : ces molécules dérèglent le rythme du cœur et font chuter la tension.
À cause de leur fort impact, ces traitements sont rarement prescrits après 70 ans.
Les autres antidépresseurs
La mirtazapine (Norset), souvent prescrite pour stimuler l’appétit ou favoriser le sommeil en plus de traiter la dépression, est connue pour créer :
- Une sédation marquée, particulièrement intense dans les premières semaines.
- De l’hypotension : le sang ne monte pas assez vite au cerveau lors d’un changement de position.
Si la mirtazapine est utile pour certains, son démarrage demande une prudence extrême chez les plus âgés.
Les médicaments à éviter après 75 ans
Enfin, certains antidépresseurs sont à éviter après un certain âge. L’agomélatine (Valdoxan), utile pour réguler le sommeil, devient risquée. Le foie des seniors, souvent affaibli après 75 ans, la traite mal : elle s’accumule, boostant toxicité, vertiges et fatigue. La HAS et les critères de Beers la déconseillent pour eux, sauf cas rares et bien surveillés.
Antidépresseur | Effets indésirables fréquents chez les seniors | Risque de chute | Recommandations |
---|---|---|---|
ISRS (sertraline, escitalopram) |
| Modéré à élevé |
|
Tricycliques (amitriptyline) |
| Élevé | À éviter >70 ans |
Mirtazapine (Norset) |
| Élevé | Prise au coucher |
Agomélatine (Valdoxan) |
| Modéré à élevé | À éviter >75 ans |
Posologie des antidépresseurs : la solution pour éviter les chutes
Si les antidépresseurs restent nécessaires pour soigner les maladies psychologiques, veillez à respecter leur posologie pour aider une personne âgée en dépression, sans provoquer d’accident domestique.
Des doses adaptées aux seniors
Les seniors ne réagissent pas comme les jeunes adultes. C’est pourquoi les médecins recommandent de :
- Démarrer à la moitié de la posologie habituelle. Ensuite, augmenter progressivement en ajustant la dose sur plusieurs semaines, jusqu’à obtenir la dose minimale efficace – celle qui soulage sans surcharger.
- Ne jamais consommer au-delà des limites de l’AMM (Autorisation de Mise sur le Marché), sauf exception validée par un spécialiste.
Le moment de prise
Les antidépresseurs ne se prennent pas n’importe quand, surtout chez les seniors où l’horloge biologique est sensible.
- Les sédatifs, comme la mirtazapine, s’avalent le soir. Pris plus tôt, leur effet assommant est un risque de trébucher sur le moindre obstacle.
- Les non-sédatifs, comme la sertraline ou l’escitalopram, se prennent le matin. Leur léger coup de fouet soutient l’énergie sans perturber le sommeil.
Respecter la durée
Dernière recommandation : ne jamais arrêter un antidépresseur du jour au lendemain.
- Pour un premier épisode dépressif, les guidelines recommandent un minimum de 12 mois après rémission, le temps pour le cerveau de se stabiliser pour ne pas replonger.
- Au troisième épisode, on prolonge à 24 mois, car le risque de rechute est plus fréquent avec l’historique.
- L’arrêt doit également être progressif – réduire la dose de 25 % toutes les deux à quatre semaines, par exemple évite un effet rebond : anxiété, insomnie ou vertiges, responsables de chute.
Avec un suivi rigoureux, les antidépresseurs peuvent soulager les seniors sans nécessairement les faire tomber. En connaissant les risques et en écoutant votre médecin, vous gardez le contrôle sur les effets secondaires et éviter une perte d’autonomie irréversible.
⚠️ Conseils pour prévenir les chutes sous antidépresseurs
🏠 Sécuriser l’environnement
- Retirer les tapis glissants, caler les meubles instables.
- Installer des barres d’appui dans la salle de bain et les toilettes.
- Utiliser des veilleuses la nuit et un bon éclairage dans les couloirs.
💊 Adapter le traitement
- Ne jamais modifier ou arrêter le traitement sans avis médical.
- Vérifier régulièrement la liste des médicaments avec le médecin ou le pharmacien pour éviter les interactions.
- Respecter scrupuleusement les horaires et les doses.
🧘♀️ Renforcer l’équilibre et la vigilance
- Pratiquer des exercices physiques doux (tai-chi, gym adaptée, marche) pour améliorer la coordination et la tonicité musculaire.
- Faire évaluer l’équilibre et la vision par un professionnel.
- Favoriser un bon sommeil naturel : limiter les écrans, repas légers le soir, horaires réguliers.
Sources :
The British Medical Journal (2019),
Une méta-analyse de 2021 (ScienceDirect)
Questions fréquentes
Existe-t-il des alternatives aux antidépresseurs chez les personnes âgées ?
Oui, des approches non médicamenteuses peuvent être envisagées selon l’état de santé et la situation du senior :
- Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) sont efficaces contre la dépression légère à modérée.
- L’activité physique adaptée (yoga doux, marche encadrée, tai-chi) agit aussi sur l’humeur et l’équilibre.
- Les groupes de parole ou l’accompagnement psychologique permettent de rompre l’isolement et de renforcer l’estime de soi.
Ces solutions peuvent compléter ou, dans certains cas, remplacer un traitement médicamenteux.
Quels sont les signes à surveiller après le début d’un traitement antidépresseur chez une personne âgée ?
Plusieurs symptômes doivent alerter dans les jours ou semaines suivant l’instauration d’un antidépresseur chez un senior :
- somnolence diurne excessive,
- pertes d’équilibre,
- étourdissements,
- ralentissement moteur,
- troubles de la vigilance,
- chutes inexpliquées.
L’apparition de confusion ou d’un changement brutal du comportement doit aussi faire l’objet d’un signalement rapide au médecin traitant. Un suivi attentif est essentiel pour ajuster le traitement et éviter les complications.
-
[1] Dépression
La dépression est un état de tristesse profonde et prolongée, où une personne perd l’intérêt pour les activités et se sent épuisée, qui est très fréquent chez les seniors.
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