Quand un parent âgé doit entrer en EHPAD[1], la question du financement devient vite centrale pour toute la famille. Face aux tarifs souvent élevés de ces établissements, la vente du domicile familial apparaît comme une solution évidente. Mais cette décision soulève immédiatement une inquiétude : cette vente va-t-elle priver votre parent des aides financières auxquelles il pourrait prétendre ? Entre l’APA, l’APL et l’aide sociale[2] à l’hébergement, le système d’allocations français reste complexe et souvent mal compris. Pourtant, ces aides peuvent représenter plusieurs centaines d’euros mensuels, une somme non négligeable quand on connaît le coût d’un EHPAD.

Combien coûte réellement un séjour en EHPAD ?

Avant d’aborder la question des aides, il est essentiel de comprendre l’ampleur des dépenses qu’implique l’entrée en EHPAD. En 2025, le coût moyen d’un hébergement en établissement pour personnes âgées dépendantes s’élève à environ 2 000-2 500€ par mois, avec des variations importantes selon les régions et le type d’établissement.

Ce montant se décompose généralement en trois parties :

  • Le tarif hébergement (entre 1600 et 2200€ mensuels) qui couvre le logement, les repas et les services de base
  • Le tarif dépendance[3] (de 150 à 700€ selon le niveau de dépendance) qui finance l’aide quotidienne à la personne
  • Le tarif soins (généralement pris en charge par l’Assurance Maladie)

Les écarts de prix peuvent être considérables entre les établissements. 

  • Les EHPAD publics affichent généralement les tarifs les plus accessibles (1 800-2 200€/mois), suivis par les structures associatives (2 000-2 500€/mois). 
  • Quant aux établissements privés commerciaux, ils peuvent atteindre 3 000€ et bien au-delà dans certaines zones urbaines prisées.
coûts des EHPAD en 2025

Les principales aides financières pour l’hébergement en EHPAD

L’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA) : un soutien essentiel

L’APA constitue souvent la première aide à laquelle on pense pour financer un EHPAD. Cette allocation, versée par le conseil départemental, est destinée à couvrir une partie du tarif dépendance.

Contrairement à certaines idées reçues, la vente d’une maison n’affecte pas l’éligibilité à l’APA. Cette aide n’est pas soumise à conditions de ressources dans son attribution, mais son montant varie selon les revenus du bénéficiaire. Plus les revenus sont élevés, plus la participation financière du bénéficiaire augmente.

Pour être éligible à l’APA, votre mère doit :

  • Être âgée d’au moins 60 ans
  • Résider régulièrement en France
  • Présenter une perte d’autonomie évaluée entre les niveaux 1 et 4 de la grille AGGIR[5][4] (qui mesure le degré de dépendance sur une échelle de 1 à 6, 1 étant le niveau de dépendance le plus élevé)

Le montant de l’APA en établissement est calculé en fonction du degré de dépendance et des ressources. Pour une personne classée en GIR[6] 1 (forte dépendance), l’aide peut atteindre 600-700€ mensuels, tandis qu’en GIR 4 (dépendance modérée), elle se limitera à environ 150-200€.

L’Aide Personnalisée au Logement (APL) et l’Allocation de Logement Social (ALS)

Ces deux aides au logement peuvent contribuer à alléger le coût de l’hébergement en EHPAD. Votre mère ne pourra bénéficier que de l’une des deux, selon que l’établissement est conventionné (APL) ou non (ALS).

À la différence de l’APA, ces aides sont soumises à conditions de ressources. La vente de la maison peut donc avoir un impact sur leur attribution si le produit de cette vente augmente significativement les ressources de votre mère.

Cependant, une nuance importante : seuls les revenus et intérêts générés par ce capital sont pris en compte, pas le capital lui-même. Si l’argent de la vente est placé sur un compte courant non rémunéré, il n’aura pas d’incidence sur ces allocations.

Le montant de ces aides varie généralement entre 50 et 300€ par mois selon les ressources, la situation familiale et le montant du loyer.

L’Aide Sociale à l’Hébergement (ASH) : attention au recours sur succession

L’ASH représente une aide substantielle pour les personnes aux revenus modestes. Elle peut prendre en charge tout ou partie des frais d’hébergement non couverts par les ressources du résident.

Toutefois, cette aide comporte plusieurs particularités importantes :

  • Elle est soumise à des conditions de ressources strictes
  • Elle n’est disponible que dans les établissements habilités à l’aide sociale (principalement les EHPAD publics et certains établissements associatifs)
  • Elle implique la récupération des sommes versées sur la succession après le décès du bénéficiaire
  • Elle peut entraîner la mise en œuvre de l’obligation alimentaire[7] auprès des enfants et petits-enfants

Dans le cas de votre mère qui a vendu sa maison, l’ASH sera probablement inaccessible tant que le produit de cette vente n’aura pas été entièrement utilisé pour payer l’EHPAD. Le conseil départemental considère en effet que ces ressources doivent d’abord être épuisées avant que l’aide sociale n’intervienne.

L’obligation alimentaire : quand la famille doit contribuer

Face aux coûts élevés des EHPAD, le principe de solidarité familiale s’applique à travers l’obligation alimentaire. Cette obligation légale, inscrite dans le Code civil, impose aux enfants et petits-enfants de participer aux frais d’hébergement de leurs parents ou grands-parents lorsque ceux-ci ne peuvent plus y faire face seuls.

Qui est concerné par cette obligation ?

L’obligation alimentaire concerne :

  • Les enfants envers leurs parents et beaux-parents
  • Les gendres et belles-filles envers leurs beaux-parents (cette obligation cesse en cas de divorce ou de décès de l’époux qui produisait l’alliance)
  • Les petits-enfants envers leurs grands-parents (mais uniquement si leurs parents sont décédés ou dans l’incapacité de contribuer)
personne concernée par l'obligation alimentaire

Le montant de la contribution est déterminé en fonction des ressources de chaque obligé alimentaire et de ses charges familiales. Cette participation peut être déduite des impôts dans la limite de 5 888€ pour l’année fiscale 2025.

Les cas de dispense de l’obligation alimentaire

Dans certaines situations, les enfants peuvent être dispensés de cette obligation :

  • En cas de manquement grave du parent à ses obligations parentales (abandon, maltraitance…)
  • Si le parent a lui-même été déchu de son autorité parentale
  • Dans certains départements, pour les petits-enfants et arrière-petits-enfants (selon les politiques locales)

Pour obtenir une dispense, il faut généralement saisir le juge aux affaires familiales qui statuera sur la demande.

Conséquences financières de la vente d’un bien immobilier

Impact sur l’éligibilité aux aides sociales

La vente de la maison de votre mère aura des répercussions variables selon les aides :

  • Pour l’APA : aucun impact sur l’éligibilité, mais le montant peut être réduit si les revenus générés par le capital augmentent
  • Pour l’APL/ALS : prise en compte des revenus du capital (intérêts) mais pas du capital lui-même
  • Pour l’ASH : impossibilité d’y accéder tant que le produit de la vente n’est pas épuisé

Récupération des aides et recours sur succession

Certaines aides peuvent faire l’objet d’une récupération après le décès du bénéficiaire :

  • L’APA n’est jamais récupérable sur succession
  • L’APL et l’ALS ne sont pas récupérables
  • L’ASH est systématiquement récupérable sur succession, dès le premier euro et sans seuil de patrimoine

Si votre mère bénéficie de l’ASH, le département pourra donc récupérer les sommes versées sur l’éventuel reliquat du produit de la vente de sa maison, ainsi que sur ses autres biens.

Stratégies patrimoniales : optimiser sans frauder

Face à ces enjeux, certaines stratégies patrimoniales peuvent être envisagées, mais toujours dans le respect de la légalité :

  • La donation avec réserve d’usufruit : elle doit être réalisée suffisamment tôt avant l’entrée en EHPAD (idéalement plus de 10 ans) pour ne pas être considérée comme une donation déguisée
  • L’assurance-vie : souscrite de préférence avant 70 ans pour bénéficier d’un régime fiscal avantageux
  • Le viager : peut constituer une alternative à la vente classique, avec l’avantage de générer des revenus réguliers

Attention toutefois : toute opération visant uniquement à organiser son insolvabilité pour bénéficier des aides sociales peut être requalifiée en fraude. Les donations effectuées dans les 10 années précédant la demande d’aide sociale sont notamment prises en compte par les départements.

Solutions alternatives et recours possibles

Quand le financement devient problématique

Si malgré la vente de sa maison et les aides disponibles, votre mère rencontre des difficultés pour financer son EHPAD, plusieurs options peuvent être envisagées :

  • Rechercher un établissement moins onéreux, éventuellement dans un autre département
  • Explorer les formules d’accueil alternatives : résidences autonomie, accueil familial, colocation entre seniors…
  • Négocier un étalement des paiements avec l’établissement
  • Solliciter des aides ponctuelles auprès de caisses de retraite complémentaire ou de mutuelles

En cas de désaccord sur l’obligation alimentaire

Les conflits autour de l’obligation alimentaire sont fréquents. En cas de désaccord entre obligés alimentaires sur la répartition de la charge ou de contestation du principe même de cette obligation, le recours au juge aux affaires familiales est possible.

La procédure peut être initiée par :

  • La personne âgée elle-même
  • Le conseil départemental
  • L’EHPAD
  • Un des obligés alimentaires qui estimerait supporter une charge disproportionnée

Où trouver conseil et assistance ?

Pour vous accompagner dans ces démarches souvent complexes, plusieurs ressources sont à votre disposition :

  • Les Centres Communaux d’Action Sociale (CCAS[8]) de votre commune
  • Les Centres Locaux d’Information et de Coordination (CLIC[9]) spécialisés dans l’aide aux personnes âgées
  • Les services sociaux du conseil départemental
  • Les Points d’Information Locaux pour les Personnes Âgées
  • Les associations de défense des personnes âgées et de leurs familles

Ces organismes pourront vous orienter gratuitement et vous aider à constituer les dossiers de demande d’aides.

Faire valoir ses droits : démarches et conseils pratiques

Pour maximiser les chances d’obtenir toutes les aides auxquelles votre mère peut prétendre, quelques conseils pratiques :

  • Anticipez les démarches administratives qui peuvent prendre plusieurs mois
  • Constituez un dossier complet avec tous les justificatifs de ressources et de charges
  • N’hésitez pas à solliciter une réévaluation du GIR si l’état de santé de votre mère se dégrade
  • Conservez tous les justificatifs des frais engagés pour l’EHPAD pour les déductions fiscales
  • Consultez un notaire ou un conseiller en gestion de patrimoine pour optimiser la situation financière

La vente de la maison familiale pour financer l’EHPAD représente souvent un choix difficile, chargé d’émotion. Mais cette décision n’entraîne pas nécessairement la perte de toutes les aides. L’APA reste accessible quelles que soient les ressources, et l’APL ou l’ALS peuvent continuer à être versées sous certaines conditions. Seule l’aide sociale à l’hébergement sera temporairement inaccessible jusqu’à épuisement du capital. L’essentiel est de s’informer précisément sur ses droits et de se faire accompagner dans les démarches. Malgré la complexité du système, des solutions existent pour alléger le coût d’un séjour en EHPAD et préserver la dignité de nos aînés sans mettre en péril l’équilibre financier des familles.

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