L’aphasie de Broca : définition, symptômes et traitement

L’aphasie de Broca est un trouble du langage pouvant apparaître après un AVC ou un traumatisme crânien. Elle entraîne des difficultés d’expression très handicapantes dans la vie quotidienne. La personne a du mal à parler, lire et écrire. Pourtant, elle comprend relativement bien le langage, ce qui provoque une frustration pouvant aller jusqu’à la dépression. Fort heureusement, l’aphasie peut évoluer positivement avec des exercices d’orthophonie et le soutien des proches. 

Qu’est-ce que l’aphasie de Broca ? Définition

L’aphasie de Broca est un type d’aphasie, c’est-à-dire un trouble du langage intervenant lorsqu’une zone du cerveau responsable du langage est endommagée. Elle se manifeste par des troubles de l’expression, tandis que la compréhension du langage est généralement préservée.

Aire de Broca et aire de Wernicke

Dans cette aphasie, la région cérébrale touchée est l’aire de Broca, l’une des deux zones responsables du langage, avec l’aire de Wernicke. 

  • L’aire de Broca est localisée dans le cortex cérébral, généralement dans l’hémisphère gauche (ou droit, chez environ 2 à 4 % des individus). Cette partie du lobe frontal gauche coordonne les mouvements du larynx et de la bouche. Elle est donc associée à la production du langage. L’aire de Broca est également responsable de la motricité de la partie droite du corps. On l’appelle aussi l’aire motrice du langage.
  • L’autre zone impliquée dans le langage est l’aire de Wernicke. Située dans le lobe temporal gauche, celle-ci est responsable de la compréhension du langage, à la fois oral et écrit. Si elle est lésée, on peut observer une aphasie de Wernicke.

Schéma du cerveau dans l’aphasie de Broca

Une difficulté d’expression du langage

L’aphasie de Broca porte différents noms : 

  • Aphasie expressive : le trouble affecte surtout la parole et l’écriture, c’est-à-dire les deux principales façons de s’exprimer ;
  • Aphasie non fluente : le discours de la personne atteinte perd sa fluence, il est laborieux et fragmenté. Le débit est plus lent ;
  • Aphasie motrice : elle résulte de dommages dans la région du cerveau liée aux muscles permettant de former et articuler les paroles.

Ce trouble a été découvert et décrit par un chirurgien et anthropologue français, Paul Broca, en 1861. Son attention est captée par le cas d’un patient nommé Louis Victor Leborgne, mais surnommé « Tan », car il est capable de prononcer uniquement ce mot. Bien que Leborgne comprenne le langage et que ses facultés cognitives soient préservées, il est incapable de produire un discours cohérent.

Après le décès du patient, Broca effectue une autopsie de son cerveau et identifie une lésion dans une région spécifique du lobe frontal gauche. Celle-ci a pris son nom : l’aire de Broca. 

Quelles sont les causes de l’aphasie de Broca ?

L’aphasie expressive est due à une lésion de l’aire de Broca ou des régions voisines. 

Les causes de l’aphasie de Broca sont les suivantes : 

  • accident vasculaire cérébral (AVC) dans le gyrus frontal inférieur gauche ou l’aire de Broca. Il s’agit généralement d’un AVC ischémique, c’est-à-dire d’un caillot sanguin obstruant l’artère cérébrale moyenne (artère sylvienne). Les cellules de cette région meurent en raison de l’interruption de la circulation sanguine et de l’approvisionnement en oxygène. C’est la principale cause de l’aphasie de Broca ;
  • traumatisme crânien, dû à un violent coup à la tête ou à une blessure par balle ;
  • infection cérébrale (encéphalite) ;
  • tumeur au cerveau.

L’aphasie de Broca est aussi un symptôme des pathologies neurodégénératives, telles que la maladie d’Alzheimer. En cas de démence, les troubles du langage se développent progressivement, par opposition à l’apparition soudaine de ces difficultés lorsque l’aphasie est due à un AVC.

Plus rarement, une chirurgie du cerveau peut avoir pour complication une aphasie de Broca. Dans ce cas, celle-ci se résout généralement en 1 mois.

Quels sont les symptômes de l’aphasie de Broca ?

Les principaux symptômes de l’aphasie de Broca sont les suivants : 

  • difficulté à s’exprimer : le malade atteint d’aphasie de Broca sait ce qu’il souhaite dire, mais il éprouve des difficultés à traduire ses images mentales en paroles. La production du langage perd sa fluence : le débit est plus lent que la normale ;
  • difficulté à trouver ses mots. Le sujet peine à nommer un objet, même s’il le reconnaît ;
  • production de phrases courtes, en fragments de moins de quatre mots à la fois. La personne emploie surtout les verbes et les noms (parfois incorrectement), et omet généralement les mots courts, les articles et les prépositions. Par exemple, elle dira : « Assiettes deux tables » plutôt que « Il y a deux assiettes sur la table » ;
  • vocabulaire limité et grammaire souvent réduite (agrammatisme) ;
  • utilisation de mots à la signification proche de ce que le sujet veut de dire au lieu du terme exact : comme « voiture » au lieu de « camion » ;
  • problème d’articulation des mots : le malade ne contrôle pas les muscles permettant de produire des sons (lèvres, langue, pharynx, cordes vocales) ;
  • difficultés à répéter ce que disent les autres ;
  • trouble de l’écriture (agraphie), sans problème de compréhension de la lecture ou de la parole. Le patient peut néanmoins avoir du mal à saisir les phrases complexes (notamment avec une tournure passive). Le problème existe aussi si l’interlocuteur s’exprime vite, si plusieurs personnes parlent en même temps ou lorsqu’il y a beaucoup de bruit.

La sévérité des symptômes et leur présence varient d’une personne à l’autre, en fonction de la gravité des lésions et de leur emplacement exact.

Un malade atteint d’aphasie de Broca peut également présenter d’autres symptômes neurologiques, notamment :

  • faiblesse du côté droit du visage ;
  • hémiparésie ou hémiplégie, c’est-à-dire une faiblesse ou un manque de contrôle d’un côté du corps. Il s’agit en général d’une paralysie de la moitié droite du corps, dont le bras droit ;
  • apraxie : perte de la capacité d’effectuer certains mouvements intentionnels.

Les sujets présentant une aphasie expressive souffrent aussi souvent de dépression. Celle-ci est généralement due au fait qu’ils ont conscience de leur situation. 

Comment l’aphasie de Broca est-elle diagnostiquée ?

L’aphasie est généralement d’abord identifiée par le médecin traitant un patient après un AVC ou une autre lésion cérébrale. 

Le diagnostic de l’aphasie de Broca comprend les examens suivants : 

  • examen clinique et questions sur les symptômes posées au patient et à ses proches ;
  • examens pour vérifier les aptitudes du sujet en matière de production et compréhension du langage :
    • fluence,
    • dénomination des objets,
    • répétition de phrases courtes,
    • suivi d’instructions simples et complexes,
    • lecture et écriture ;
  • tests neuropsychologiques pour préciser les dysfonctionnements et le potentiel de récupération ;
  • tests spécifiques pour diagnostiquer l’aphasie : examen diagnostique d’aphasie de Boston (BDAE), par exemple ;
  • examens d’imagerie cérébrale pour confirmer la présence de lésions cérébrales, les caractériser et identifier leur localisation :
    • tomodensitométrie (TDM),
    • imagerie à résonance magnétique (IRM).

Quels sont les traitements de l’aphasie de Broca ?

La prise en charge de l’aphasie de Broca passe avant tout par le traitement de la cause des troubles. Certaines lésions peuvent en effet être traitées à l’aide de corticostéroïdes. 

L’orthophonie

L’orthophonie est le principal traitement de l’aphasie expressive. Un orthophoniste préparera avec le sujet aphasique et ses proches un programme de rééducation adapté. Il définira des objectifs à atteindre au fil des séances. 

Le traitement de l’aphasie vise à améliorer l’aptitude de l’individu à communiquer en :

  • utilisant ses capacités restantes en matière de langage,
  • restaurant certaines facultés,
  • apprenant d’autres moyens de communication, comme les gestes, les photos ou des appareils électroniques.

Le thérapeute peut avoir recours à différents types de techniques :

  • Thérapie par intonation musicale (TIM) : l’individu apprend à s’exprimer en chantant au lieu de parler. La TIM utilise une variété d’éléments musicaux, tels que la mélodie et le rythme, pour la réhabilitation du langage. En effet, les régions impliquées dans le traitement de la musique sont différentes de celles du langage. Parfois, un rythme effectué avec la main gauche, connu sous le nom de « hand-tapping », est intégré pour stimuler davantage ces zones du cerveau situées dans l’hémisphère droit ;
  • Thérapie du langage par contrainte induite (TLCI) : un petit groupe de patients aphasiques participe à des activités langagières au cours desquelles ils sont « contraints » de donner des réponses verbales. En imposant l’usage exclusif de la parole et en interdisant d’autres moyens de communication comme les gestes, la TLCI encourage l’expression orale. Les séances se déroulent à haute intensité, cinq jours par semaine, avec des tâches dont la complexité augmente progressivement.
  • Cette approche provoque une stimulation des zones cérébrales liées au langage.
  • Applications d’orthophonie pouvant être utilisées pendant les séances et à domicile pour accélérer la rééducation.

Des groupes de soutien pour les victimes d’AVC ou pour les patients aphasiques, des clubs de lecture et d’autres activités sociales peuvent être bénéfiques.

La recherche et les traitements médicamenteux

Les chercheurs étudient également l’efficacité des médicaments, notamment :

  • les agents catécholaminergiques, comme la bromocriptine, la lévodopa, l’amantadine et la dexamphétamine, qui agissent sur les neurotransmetteurs ;
  • le piracétam pour améliorer le fonctionnement du cerveau ;
  • les inhibiteurs de l’acétylcholinestérase, qui agissent également sur les neurotransmetteurs ;
  • les facteurs neurotrophiques, des substances contrôlant la reproduction cellulaire dans le système nerveux.

Le soutien de la famille

Pour prévenir la dépression et améliorer la qualité de vie de l’individu aphasique, la famille peut apprendre à mieux communiquer avec lui.

Les proches sont invités à :

  • Participer aux séances de thérapie,
  • Simplifier le langage en utilisant des phrases courtes et simples,
  • Maintenir une conversation naturelle appropriée à un adulte (ne pas « infantiliser »),
  • Réduire les distractions, comme une radio ou une télévision bruyante,
  • Inclure l’individu aphasique dans les conversations,
  • Demander et valoriser son opinion, surtout sur les questions familiales,
  • Encourager tout type de communication (parole, gestes, chant ou dessin),
  • Éviter de corriger le discours de leur proche,
  • Le laisser s’exprimer à son rythme,
  • L’aider à participer à des activités à l’extérieur.

Comment l’aphasie de Broca évolue-t-elle ?

Au début, l’aphasie de Broca peut se manifester par un mutisme et une compréhension altérée. Certains patients répètent ensuite involontairement des mots ou des syllabes, appelées « stéréotypies verbales ». 

Au fil du temps, une amélioration partielle de la fluence et de la structure des phrases peut être observée. La récupération varie d’un individu à l’autre et peut aussi inclure des formes agrammatiques d’aphasie. Divers niveaux de langage, comme la phonologie et la sémantique, se rétablissent à des rythmes différents.

Si l’aphasie est due à un AVC, la récupération du langage atteint son apogée généralement dans les 2 à 6 mois. Ensuite, les progrès sont moins probables, mais pas impossibles. Certaines personnes constatent une amélioration beaucoup plus longtemps après l’AVC, il est donc utile de persévérer dans le traitement.

Quelle est la différence entre l’aphasie de Broca et l’aphasie de Wernicke ?

L’aphasie de Broca se caractérise par des difficultés dans la production du langage. La parole est laborieuse et saccadée, mais la compréhension reste généralement intacte. 

En revanche, l’aphasie de Wernicke entraîne des problèmes de compréhension du langage. Bien que la production de la parole puisse être fluente, elle est souvent dépourvue de sens ou incohérente.

Différences entre l’aphasie de Broca et l’aphasie de Wernicke
Aphasie de Broca
Aphasie de Wernicke
Découverte par Paul Broca en 1861
Découverte par Carl Wernicke en 1874
Parole spontanée et fluence (débit)
Lente et laborieuse, avec un nombre limité de mots (style télégraphique)
Les mots et les phrases ont un sens : il y a des verbes (transitifs), des noms et des adjectifs importants.
Les mots de grammaire sont omis
Souvent rapide, volubile et sans effort
Le sujet parle clairement, mais les phrases n’ont pas de sens
Les mots sont altérés (paraphasie verbale), substitués, voire inventés
Articulation
Altérée
Préservée
Compréhension
Bonne (sauf pour la grammaire)
Altérée
Répétition
Très altérée
Altérée
Dénomination
Altérée, mais reconnaissance des objets
Altérée
Écriture
Altérée
Altérée
Conscience du trouble
Frustration, car la personne est consciente de son état
Le sujet n’est pas toujours conscient du problème
Localisation de la lésion
Lobe frontal inférieur postérieur gauche
Lobe temporal supérieur postérieur gauche

Sources : 

Acharya, A. B. et Wroten, M. (2017). Broca aphasia. 

Broca P. (1861). Bulletin de la société française d’anthropologie

Bauchot, R. (2009). L’aphasie de Broca. Découverte par Paul Broca de la zone cérébrale du langage articulé. Bibnum. Textes fondateurs de la science.

Yaël A.

Rédactrice chez Cap Retraite

Voir les commentaires

  • Étant atteinte d'aphasie de Broca j'ai trouvé beaucoup de réponses Merci beaucoup

    • Bonjour

      Je vous remercie pour votre commentaire.
      Pour obtenir un traitement rapide pour l'aphasie de Broca, il est crucial de consulter un professionnel de la santé, comme un orthophoniste, pour une évaluation précise et un plan de rééducation adapté.
      Bonne journée.
      Amandine

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