La fatigue. L’angoisse de ne jamais dormir d’un œil tranquille. Ce sentiment de ne plus appartenir qu’à la routine des soins. Pour des milliers d’aidants, accompagner un parent âgé au quotidien finit par ressembler à une course d’endurance sans ligne d’arrivée. Face à l’épuisement, 6 régions (Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val de Loire, Corse, Normandie, Occitanie et Pays de la Loire) expérimentent depuis juin 2025 un dispositif jusque-là rare en France : l’accueil de nuit en EHPAD. Un sas de respiration, pensé pour retarder l’épuisement et offrir une alternative à l’hébergement permanent.
Un contexte marqué par le burn-out des aidants
Veiller sur un proche en perte d’autonomie ne s’improvise pas. Les aidants passent souvent plusieurs heures chaque semaine, parfois chaque jour, auprès de leur parent. Beaucoup se retrouvent seuls face à la charge, oscillant entre culpabilité et sentiment d’impuissance. Les nuits blanches, les alertes médicales, les troubles cognitifs – autant de facteurs qui usent, parfois jusqu’à briser la santé de l’aidant.
Les pouvoirs publics le constatent : soutenir les aidants, c’est maintenir le plus longtemps possible les personnes âgées à domicile. D’où l’essor des solutions d’aide au répit, à l’image de l’accueil de jour ou du relais à domicile. Mais la nuit restait, jusqu’ici, une zone grise. Avec la loi « Bien-vieillir » (avril 2024) et le décret de mars 2025, le test de l’accueil de nuit en EHPAD[1] change la donne, du moins pour quelques territoires pilotes.

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Accueil de nuit en EHPAD : mode d’emploi
Le principe ? Offrir la possibilité à une personne âgée de passer la nuit dans une chambre médicalisée, puis de regagner son domicile dès le matin. Pas question d’hébergement définitif, ni d’une rupture brutale avec la maison.
Le senior arrive en fin de journée, prend part aux repas, bénéficie d’une surveillance soignante. Le lendemain, petit-déjeuner, puis retour chez soi. Un service de transport peut faciliter ce va-et-vient.
- La durée maximale : 90 nuits par an, consécutives ou non. Une souplesse bienvenue pour organiser des semaines de répit, mais aussi des nuits isolées lors de situations difficiles (hospitalisation de l’aidant, absence ponctuelle).
- Le public cible : toute personne de plus de 60 ans, vivant à domicile, dont la dépendance[2] nécessite une aide nocturne – typiquement, troubles cognitifs, Alzheimer, mobilité réduite.
Ce qui change pour l’aidant et le senior
- Un répit réel : l’aidant peut, enfin, dormir d’un sommeil complet. Les nuits deviennent moins anxiogènes, la vigilance permanente s’allège.
- Une sécurité renforcée : en EHPAD, la personne âgée bénéficie d’une surveillance médicale continue, adaptée à ses troubles. Les chutes, errances nocturnes ou angoisses sont prises en charge sur place.
- Un maintien du lien familial : pas de rupture. Le senior retourne chez lui chaque matin, préservant son cadre de vie et ses habitudes. L’EHPAD devient un partenaire, pas un substitut.
- Des routines adaptées : prise en charge des troubles du sommeil, accompagnement au lever, aide à la toilette, repas sur place. L’environnement est pensé pour rassurer, pas pour bousculer.
- Une transition douce : pour certains, l’accueil de nuit sert d’étape avant un éventuel placement définitif. La structure devient familière, la peur de l’inconnu s’estompe.
Comparatif : accueil de jour, accueil de nuit
| Critère | Accueil de jour | Accueil de nuit |
|---|---|---|
| Public ciblé | Seniors nécessitant stimulation sociale, assistance diurne | Seniors ayant besoin d’aide ou de surveillance nocturne |
| Horaires | Matin à fin d’après-midi | Fin d’après-midi à matin |
| Objectifs | Préserver l’autonomie, rompre l’isolement, stimuler | Soulager l’aidant, sécuriser les nuits, prévenir les accidents |
| Services | Activités, repas, soins, ateliers | Hébergement, soins nocturnes, repas, surveillance |
| Durée annuelle | 90 jours | 90 nuits |
Admission : critères et parcours
Pour accéder à l’accueil de nuit, plusieurs conditions :
- être âgé d’au moins 60 ans (sauf dérogation),
- vivre à domicile,
- justifier d’une perte d’autonomie nécessitant une présence nocturne (GIR 1 à 4).
Le dossier comprend : informations administratives, volet médical à remplir par le médecin, autorisations diverses (médicaments, hospitalisation), accord de paiement, attestation d’assurance.
La décision revient à l’équipe pluridisciplinaire de l’EHPAD, en lien avec le médecin coordonnateur[3]. L’admission se veut rapide, sans lourdeur excessive, afin de répondre à l’urgence ressentie par l’aidant.

Coût et aides financières : comment s’y retrouver ?
L’accueil de nuit, comme l’hébergement temporaire, ouvre droit à plusieurs aides.
APA et droit au répit : des dispositifs clés pour alléger la facture
L’APA (Allocation personnalisée d’autonomie) permet une prise en charge partielle des frais, après évaluation à domicile par une équipe médico-sociale.
Si le plan d’aide APA atteint son plafond, une majoration « droit au répit » jusqu’à 573,77 €/an (2025) peut financer ces nuits en EHPAD. Pour obtenir cette majoration, l’aidant doit être considéré comme indispensable à la vie à domicile du proche, et ne pas pouvoir être remplacé.
Aide exceptionnelle en cas d’hospitalisation de l’aidant
En cas d’hospitalisation de l’aidant, une aide exceptionnelle peut aller jusqu’à 1 089,81 € pour financer l’hébergement temporaire ou un relais à domicile.
ASH, caisses de retraite, mutuelles : des soutiens à ne pas négliger
Les personnes à faibles ressources peuvent solliciter l’ASH (Aide sociale[4] à l’hébergement), sous conditions. Certaines caisses de retraite ou mutuelles complètent ces dispositifs.
Trouver et demander un accueil de nuit en EHPAD
Voici comment identifier les établissements concernés par cette nouvelle initiative et effectuer la demande d’admission.
Comment trouver un EHPAD proposant l’accueil de nuit ?
L’accueil de nuit n’est proposé que par certains EHPAD. Pour identifier les établissements concernés, il est conseillé de contacter le conseil départemental, le CCAS[5], le CLIC[6] ou les services sociaux, qui peuvent orienter vers les structures locales adaptées.
Les EHPAD proposant déjà de l’hébergement temporaire ou de l’accueil de jour sont souvent les plus susceptibles d’offrir ce type de solution.
Comment faire une demande d’accueil de nuit ?
La demande d’admission s’effectue via un dossier administratif et médical, similaire à celui d’un hébergement temporaire. L’établissement étudie ensuite la demande selon les places disponibles et le profil de la personne âgée.
Un échange avec l’équipe permet de définir les modalités d’accueil (fréquence des nuits, organisation, financement).
Vers un nouveau modèle d’accompagnement ?
L’accueil de nuit en EHPAD s’impose comme une réponse pragmatique à une urgence silencieuse : l’épuisement des aidants familiaux. Entre maintien à domicile[7] et institutionnalisation, ce format hybride repense la frontière. Les premiers retours de terrain seront scrutés de près – gestion des admissions, adaptation des équipes, satisfaction des familles. Une certitude : si l’on veut que les aidants tiennent, il faudra multiplier ces sas de décompression, au plus près de la réalité de chaque foyer.
FAQ – Accueil de nuit en EHPAD : questions pratiques
Combien coûte une nuit en EHPAD ?
Le tarif dépend du statut de l’établissement, des services inclus, de la localisation. Compter en moyenne entre 40 € et 80 € la nuit, hors aides.
Quelles démarches pour bénéficier de l’APA ou du droit au répit ?
La demande se fait auprès du conseil départemental. Une évaluation médico-sociale à domicile permet d’identifier les besoins du senior et de l’aidant. L’aide au répit doit être inscrite dans le plan d’aide.
Peut-on fractionner les nuits ?
Oui. Le dispositif autorise jusqu’à 90 nuits par an, consécutives ou non. L’aidant peut adapter selon ses besoins (nuits isolées, semaines entières, etc.).
L’accueil de nuit existe-t-il partout en France ?
Non. Il s’agit, pour l’instant, d’une expérimentation limitée à 6 régions. Un déploiement national dépendra des premiers bilans.
Comment trouver un EHPAD proposant ce service ?
Consulter les annuaires spécialisés, contacter le CCAS ou le CLIC local, se rapprocher de la plateforme d’accompagnement et de répit du territoire.
✅ Article relu par l’équipe éditoriale avec le concours d’un contributeur expert médico-social chez Cap Retraite. Son expérience de terrain et sa connaissance des dispositifs d’aide et d’accompagnement permettant d’apporter un regard fiable et pertinent aux lecteurs.
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[1] EHPAD
Les EHPAD sont des établissements médicalisés qui accueillent des personnes âgées qui ont besoin de soins médicaux réguliers et d’une aide dans leur vie quotidienne.
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[2] Dépendance
La dépendance de la personne âgée désigne le besoin d’aide pour réaliser les tâches de la vie quotidienne en raison de problèmes physiques ou mentaux.
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Le médecin coordonnateur est un médecin qui organise et supervise les soins pour garantir qu’ils sont bien adaptés et efficaces pour chaque résident dans un établissement de soins.
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[4] Aide Sociale
L’aide sociale est une assistance financière fournie par l’État pour aider les personnes en difficulté à couvrir des besoins essentiels, comme le logement ou les soins en établissement.
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[5] CCAS
Le CCAS est un organisme local qui aide les habitants en difficulté, notamment les personnes âgées, en leur offrant des services sociaux et des aides financières.
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[6] CLIC
Le CLIC est un centre local qui aide les personnes âgées en fournissant des informations et des conseils sur les services et les aides financières disponibles, ainsi que les démarches…
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Le maintien à domicile permet aux personnes âgées ou dépendantes de vivre chez elles en recevant l’aide nécessaire pour rester autonomes et en sécurité.
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