Le corps change, parfois subtilement, parfois brutalement : la sarcopénie commence dès la trentaine et s’accélère après 50 ans. Passé 80 ans, jusqu’à la moitié des seniors sont touchés. Moins de force, moins d’équilibre, se lever, marcher ou ouvrir un bocal devient un défi. Le risque de chute double, les fractures se multiplient, et la santé des personnes fragiles est menacée.
En Europe, jusqu’à 30 % des plus de 60 ans sont concernés, 50 % des plus de 80 ans, et 40 % des résidents en EHPAD[1] souffrent de formes sévères. Une étude récente apporte enfin des solutions concrètes pour préserver la masse musculaire et ralentir cette perte.
Nouvelle étude japonaise : ce qui marche vraiment pour prévenir la perte musculaire
Une équipe de chercheurs japonais, dont les travaux paraissent dans Osteoporosis and Sarcopenia (2025), a passé au crible les stratégies de prévention de perte musculaire. Trois axes se démarquent, validés par la science : l’exercice régulier, l’alimentation ciblée, et, moins connu, la stimulation électrique musculaire.
1. Bouger, mais pas n’importe comment : la musculation en tête
Marche, natation, vélo, gestes du quotidien (monter les escaliers, se lever d’une chaise) : tout compte. Mais pour freiner, voire inverser la sarcopénie, les exercices contre résistance s’imposent. Haltères, bandes élastiques, poids du corps, machines de musculation : deux à trois séances par semaine, en cycles de 23 semaines en moyenne, permettent d’augmenter la force, même après 70 ans. La revue cite des études effectuées sur 10 à 48 semaines, avec des séances de renforcement musculaire deux à trois fois par semaine, qui ont permis d’améliorer significativement à la fois la force, la vitesse de marche et la performance fonctionnelle chez les seniors.
L’entraînement à domicile avec bandes élastiques s’avère sûr et efficace, bien que les progrès soient plus modestes qu’en salle.
La clé ? La régularité. Mieux vaut des efforts modérés mais constants, adaptés à ses capacités, plutôt qu’une intensité extrême. L’accompagnement par un professionnel (kinésithérapeute[2], enseignant en activité physique adaptée) évite les blessures et maximise les progrès.

2. Manger pour ses muscles : les bonnes protéines, au bon moment
Avec l’âge, le corps assimile moins bien les protéines. Les besoins augmentent : 1,2 à 2 g par kilo de poids corporel chaque jour pour les seniors actifs ou à risque. Fractionner les apports – 25 à 30 g de protéines par repas – optimise la synthèse musculaire. Viandes blanches, poissons, œufs, laitages, légumineuses, tofu : la diversité prime.
Attention aux régimes restrictifs après 70 ans : mieux vaut rééquilibrer l’alimentation que supprimer des groupes entiers d’aliments.
À retenir : une alimentation riche en protéines est essentielle. Toutefois, les chercheurs rappellent qu’à elle seule, elle ne suffit pas à renforcer les muscles : sans activité physique ou vitamine D, les gains de force sont minimes. L’étude souligne que les progrès les plus nets apparaissent lorsque l’alimentation riche en protéines et en micronutriments est associée à un entraînement régulier.
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3. Nutriments essentiels : combler les manques
- Vitamine D : indispensable à la contraction musculaire, se trouve dans les poissons gras, les œufs, l’exposition solaire – supplémentation souvent nécessaire. L’association d’acides aminés comme la leucine et de vitamine D montre les meilleurs résultats : les deux nutriments agissent en synergie pour stimuler la production de nouvelles fibres musculaires. Les compléments protéiques enrichis en vitamine D augmentent significativement la masse musculaire et la force, surtout chez les seniors peu actifs
- Créatine : améliore la force et la récupération, naturellement présente dans la viande rouge, supplémentation envisageable sous contrôle médical
- Oméga-3 : limite l’inflammation, présent dans les poissons gras, l’huile de lin, les noix. Les oméga-3 pourraient aussi contribuer à préserver les muscles en réduisant l’inflammation chronique, mais les études restent contradictoires
- Magnésium : essentiel à la contraction musculaire, se trouve dans les fruits à coque, le chocolat noir, les légumes verts
Un simple bilan sanguin permet d’identifier les carences et d’ajuster la supplémentation.
Bon à savoir : la leucine, l’acide aminé qui nourrit vos muscles
Souvent méconnue, la leucine est un acide aminé essentiel, c’est-à-dire que l’organisme ne peut pas la fabriquer lui-même.
Elle joue pourtant un rôle clé : c’est le signal qui déclenche la construction des fibres musculaires après un repas ou un effort.
On la trouve dans les aliments riches en protéines :
- viandes blanches, poissons, œufs,
- produits laitiers comme le yaourt grec ou le fromage blanc,
- soja, lentilles ou pois chiches.
Une portion de 100 g de poulet ou 150 g de tofu suffit déjà à apporter la quantité nécessaire pour stimuler la fabrication de nouvelles fibres musculaires.
Associer ces aliments à une activité physique régulière reste la meilleure manière d’en tirer pleinement les bénéfices.
4. Stimulation électrique musculaire : l’option complémentaire
Particulièrement utile chez les personnes très sédentaires ou immobilisées, la stimulation électrique des muscles aide à limiter la fonte musculaire. Cette technique, validée par l’étude japonaise, ne remplace pas l’exercice volontaire, mais peut soutenir le maintien musculaire dans les situations de handicap ou de rééducation.
Des études montrent qu’après quelques semaines d’utilisation, la stimulation électrique peut accroître la force musculaire de 10 à 15 %, même sans mouvement actif. Les gains sont inférieurs à ceux obtenus par la musculation classique, mais l’EMS peut être une solution alternative pour les personnes incapables de s’entraîner.
Reconnaître la sarcopénie : diagnostic et signaux d’alerte
- Diminution de la force (poignée de main faible, difficulté à porter ou soulever)
- Marche ralentie, montée d’escaliers laborieuse
- Perte de masse musculaire visible (bras, cuisses aminci(e)s)
- Fatigue à l’effort, équilibre instable

Des tests simples existent : vitesse de marche, force de préhension, répétitions assis-debout. En cas de doute, le médecin ou le kinésithérapeute évalue la situation et oriente vers un dépistage plus poussé.
Recommandations clés pour prévenir la sarcopénie
| Objectif | Ce que recommande la science | Pourquoi c’est utile | Fréquence / conseils pratiques |
| Bouger régulièrement | Privilégier les exercices de résistance (haltères, élastiques, poids du corps) | Augmente la force, la masse musculaire et l’équilibre | 2 à 3 séances par semaine, sur 10 à 24 semaines minimum |
| Combiner plusieurs types d’exercices | Alterner renforcement musculaire et activités d’endurance douce (marche, vélo, natation) | Maintient la capacité cardio-respiratoire et complète le travail musculaire | 30 à 45 min d’activité la plupart des jours |
| S’entraîner à domicile si besoin | Utiliser des bandes élastiques, des poids légers, ou des exercices assis-debout | Améliore la mobilité et réduit le risque de chute, même sans matériel | Exercices simples à répéter chaque jour |
| Manger suffisamment de protéines | Inclure des sources variées (viandes blanches, poissons, œufs, tofu, légumineuses) | Fournit les acides aminés nécessaires à la reconstruction musculaire | 1 aliment protéiné à chaque repas |
| Associer protéines et vitamine D | Consommer des produits enrichis en vitamine D ou s’exposer au soleil | La vitamine D renforce l’action des protéines sur les muscles | 15 à 20 min d’exposition au soleil par jour, ou compléments sur avis médical |
| Penser aux oméga-3 | Manger régulièrement poissons gras, noix, huile de colza ou de lin | Réduit l’inflammation et soutient la santé musculaire | 2 portions de poisson gras par semaine |
| Surveiller sa santé bucco-dentaire | Entretenir ses dents et gencives, consulter régulièrement | Une mauvaise santé orale favorise l’inflammation et aggrave la fonte musculaire | Brossage 2×/jour + suivi dentaire 1 à 2 fois/an |
| Limiter l’inflammation chronique | Adopter une alimentation équilibrée, riche en végétaux et fibres | L’inflammation accélère la perte de muscle avec l’âge | Fruits, légumes, épices anti-inflammatoires (curcuma, gingembre…) |
| Recourir à la stimulation électrique (EMS) | Envisager en cas de sédentarité ou de rééducation, sous encadrement médical | Maintient la force musculaire chez les personnes peu mobiles | Séances courtes, encadrées par un professionnel |
| Associer nutrition et activité physique | Combiner les deux approches pour des résultats optimaux | Les effets sont supérieurs à ceux d’une seule intervention | Mode de vie global : bouger, bien manger, bien récupérer |
FAQ pratique : préserver ses muscles après 60 ans
À quel âge faut-il s’inquiéter ?
Dès 50 ans, surtout si l’activité physique diminue ou en cas de maladie chronique.
La marche suffit-elle ?
Non. Elle entretient l’endurance, mais la force nécessite des exercices contre résistance.
Et si je n’ai jamais fait de sport ?
Il n’est jamais trop tard. L’amélioration reste possible, même après 70 ans.
Quels sont les signes qui doivent alerter ?
Perte de force, difficultés à se lever, chutes répétées, fonte visible des muscles.
Dois-je prendre des compléments alimentaires ?
Uniquement sur avis médical, après bilan sanguin. Mieux vaut privilégier une alimentation variée.
La sarcopénie, longtemps vue comme une fatalité, recule devant la preuve. Renforcement musculaire régulier, alimentation adaptée, correction des carences : des leviers simples, à portée de main. La préservation de la masse musculaire n’est plus un rêve inaccessible après 60 ans. Un vrai enjeu, concret, pour l’autonomie et la vitalité au quotidien.
Sources :
Kim, D., Morikawa, S., Miyawaki, M., Nakagawa, T., Ogawa, S. et Kase, Y. (2025). Sarcopenia prevention in older adults: Effectiveness and limitations of non-pharmacological interventions. Osteoporosis and sarcopenia, 11(2 Suppl), 65–72. https://doi.org/10.1016/j.afos.2025.05.005
Recommandations européennes EWGSOP.
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[1] EHPAD
Les EHPAD sont des établissements médicalisés qui accueillent des personnes âgées qui ont besoin de soins médicaux réguliers et d’une aide dans leur vie quotidienne.
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[2] Kinésithérapeute
Le kinésithérapeute est un spécialiste qui aide les gens à récupérer leur mobilité et à soulager leurs douleurs à travers des exercices et des massages.
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J’ai 63 ans et j’applique la plupart de ces conseils depuis 5 ans, je ne fais pas de sport mais je profite de la queue dans un magasin pour me mettre sur une jambe le temps que la personne paye, idem quand j’attends que la machine à café ait fini ! donc plusieurs fois par jour en équilibre…et je vois la différence par rapport aux collegues, meme plus jeunes !