Dans les couloirs feutrés des laboratoires du MIT, une équipe de biologistes vient de lever le voile sur un mécanisme cellulaire dont l’élégance ne laisse personne indifférent. L’alimentation, souvent reléguée au rang de variable d’ajustement chez les patients sous chimiothérapie ou radiothérapie, retrouve ici toute sa puissance. Une découverte publiée dans Nature, le 1er octobre 2025, révèle qu’un apport élevé en cystéine, un acide aminé présent dans de nombreux aliments courants, favorise une régénération rapide et ciblée de la muqueuse intestinale chez la souris. Un effet que la médecine moderne, soucieuse de limiter les séquelles digestives des traitements anticancéreux, ne peut plus ignorer.
Pourquoi l’intestin souffre-t-il autant pendant les traitements ?
La paroi intestinale, rempart fragile, subit de plein fouet les effets secondaires des chimiothérapies et radiothérapies. Notamment lorsqu’il s’agit de molécules comme le 5-fluorouracile, largement utilisées contre les cancers digestifs. Ces traitements, s’ils détruisent efficacement les cellules tumorales, n’épargnent pas les tissus sains. Résultat : des lésions, parfois sévères, de la muqueuse intestinale, générant douleurs, troubles de l’absorption, fatigue, infections opportunistes. Jusqu’ici, les solutions restaient limitées. Les approches nutritionnelles, souvent peu spécifiques, peinaient à convaincre.
Ce qui change la donne, c’est la précision de la nouvelle piste mise en lumière par les chercheurs américains. Ils ne parlent pas d’un régime global, ni de jeûne ni de diète restrictive, mais d’un nutriment isolé, la cystéine.

Cystéine : un acide aminé au centre du jeu
L’expérience, menée sur des souris, a consisté à comparer l’impact de 20 acides aminés différents sur la capacité de régénération des cellules souches intestinales.
La cystéine, seul acide aminé à stimuler la régénération intestinale
Dans ce panel, un seul s’est détaché nettement : la cystéine. Sa consommation, en quantité élevée, relance la production de cellules souches et de cellules progénitrices au sein de l’intestin grêle, là où l’absorption des protéines alimentaires est la plus intense.
Mais pourquoi la cystéine, précisément ? Parce que cet acide aminé, une fois absorbé par les cellules de la paroi intestinale, entre dans une cascade métabolique singulière. Transformée en coenzyme A (CoA), la cystéine voit son pouvoir démultiplié. Le CoA n’agit pas seul. Il va doper localement une population de cellules immunitaires spécifiques, les lymphocytes T CD8.
Un mécanisme immunitaire inédit
Dans la muqueuse, ces cellules T CD8, sous l’influence du CoA, prolifèrent et se mettent à sécréter une molécule appelée IL-22. Cette cytokine, déjà connue pour ses effets sur l’inflammation, s’avère ici indispensable à la relance de la division des cellules souches intestinales.
Ce qui frappe, dans ces résultats, c’est que l’effet semble localisé : la cystéine issue de l’alimentation agit directement là où elle est absorbée, alors que la cystéine fabriquée par le foie (à partir de la méthionine) se dilue dans l’ensemble de l’organisme. L’intestin grêle concentre ainsi l’essentiel de cette activité régénératrice.
Des applications concrètes : la piste de la nutrition ciblée
Si la translation à l’humain reste à valider, les perspectives sont concrètes. Offrir aux patients sous traitement anticancéreux une alimentation enrichie en cystéine, ou une supplémentation adaptée, pourrait permettre de limiter la gravité des lésions digestives.
Les équipes du MIT insistent : il ne s’agit pas d’une molécule de synthèse, mais d’un composant présent naturellement dans de nombreux aliments. De quoi séduire patients et cliniciens, à la recherche de solutions simples et peu invasives.
Quels aliments privilégier ?
- Poisson : hareng, thon, morue, saumon
- Viandes : bœuf, porc
- Œufs : entiers ou blancs
- Produits laitiers : fromage à pâte dure, yaourt nature allégé
- Légumineuses : lentilles, pois chiches
- Céréales : avoine, blé complet
- Graines : tournesol, sésame

La cystéine se trouve donc dans une grande variété d’aliments. Les personnes végétariennes ne sont pas oubliées : avec les lentilles, les céréales complètes et les oléagineux, l’apport demeure accessible.
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Comparatif : cystéine alimentaire vs cystéine de synthèse corporelle
| Source | Voie métabolique | Efficacité sur l’intestin |
|---|---|---|
| Alimentation (viandes, œufs, légumineuses…) | Absorption directe par l’intestin, conversion rapide en CoA | Effet localisé et marqué sur la régénération |
| Synthèse hépatique (à partir de la méthionine) | Production dans le foie, distribution systémique | Effet diffus, moins intense sur la muqueuse intestinale |
Des perspectives en cascade pour la régénération cellulaire
Ce travail pionnier pourrait dépasser le seul cadre intestinal. Les chercheurs évoquent déjà l’idée de tester d’autres tissus, d’autres types de cellules souches, pour voir si la cystéine déclenche des réponses similaires. Follicules pileux, muqueuses, autres organes à renouvellement rapide : le champ des possibles s’élargit.
La découverte rappelle surtout que la nutrition va bien au-delà de l’apport calorique ou protéique global. Chaque acide aminé, chaque nutriment, possède des fonctions spécifiques, souvent insoupçonnées. Ici, la cystéine, déjà appréciée pour ses propriétés antioxydantes, prend un nouveau statut de régénérateur tissulaire.
FAQ – Régime riche en cystéine et régénération intestinale
Peut-on appliquer ces résultats chez l’humain dès aujourd’hui ?
Non, les données restent pour l’instant limitées à l’expérimentation animale. Les essais cliniques sur l’homme manquent. Il est donc prématuré de recommander une supplémentation systématique sans suivi médical.
Quels patients pourraient être concernés ?
En priorité, ceux qui subissent des traitements anticancéreux agressifs pour l’intestin : radiothérapie abdominale, chimiothérapies à base de 5-fluorouracile ou analogues. Mais d’autres situations, comme certaines maladies inflammatoires chroniques, pourraient à l’avenir bénéficier de ces avancées.
Y a-t-il des risques à consommer trop de cystéine ?
À fortes doses, la cystéine sous forme de supplément peut provoquer des troubles digestifs ou, plus rarement, des déséquilibres métaboliques. Dans le cadre d’une alimentation normale, le risque reste négligeable. En cas de doute, un avis médical recommandé.
Existe-t-il des alternatives végétales efficaces ?
Oui. Lentilles, pois chiches, avoine, graines de tournesol fournissent des quantités appréciables de cystéine, même si la biodisponibilité peut varier selon la matrice alimentaire.
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