Alzheimer à la maison, souvent un choix guidé par l’affection, la volonté de préserver le quotidien, un repère, une habitude. Le domicile rassure, même si la maladie avance, grignote peu à peu l’autonomie. Mais que se passe-t-il lorsque la famille, volontaire ou non, ne répond plus à l’appel ? Quand l’entourage se désengage, s’épuise ou simplement ne voit pas l’ampleur du danger ? La question, brûlante, ne relève pas seulement de l’éthique. Elle touche au droit, met en jeu la sécurité de la personne malade et la responsabilité collective. Comment signaler une situation à risque ? Où s’arrête la mission des proches, où commence celle des institutions ? Tour d’horizon précis des démarches, des recours possibles, des dispositifs d’accompagnement et de protection.

Quand le domicile devient un piège : signes d’alerte et risques concrets

Le maintien à domicile[3], pour une personne atteinte d’Alzheimer[1], fonctionne tant que la perte d’autonomie reste partielle et que les proches tiennent le cap. Mais la maladie progresse, les repères s’effacent. Rapidement, les dangers se multiplient : oublis de médicaments, alimentation défaillante, portes laissées ouvertes, errances nocturnes, chutes, brûlures, même des accidents domestiques graves. Parfois, la personne vit seule, sans aide véritablement présente. Les interventions ponctuelles ne suffisent plus, le risque s’installe.

  • Aggravation des troubles cognitifs : confusion, désorientation, comportements imprévisibles.
  • Solitude ou absence d’aidant régulier : pas de surveillance continue, isolement accru.
  • Domicile inadapté : aménagements impossibles ou trop coûteux, équipements manquants.
  • Refus de soins ou d’aide : résistance à la prise de médicaments, méfiance envers les intervenants.
  • Épuisement ou retrait familial : proches dépassés, mal informés, distants ou tout simplement absents.
seniors aménageant leur domicile contre la perte d'autonomie

Dans ces situations, la frontière entre autonomie préservée et mise en danger devient ténue. Les professionnels de santé, les voisins, parfois même les commerçants du quartier, sont souvent les premiers à remarquer un basculement.

La responsabilité des proches : entre engagement moral, devoir légal et réalité du terrain

Traditionnellement, la famille, qu’il s’agisse du conjoint, d’un enfant, d’une sœur, s’impose comme la première ligne d’aide. L’engagement des aidants familiaux, largement reconnu, s’appuie sur des dispositifs de soutien, des droits spécifiques, parfois même des compensations financières. Mais la réalité, souvent plus rude que prévue, met les familles à l’épreuve.

  • Obligation morale : veiller à la sécurité, au bien-être, accompagner au quotidien.
  • Responsabilité légale : la non-assistance à personne en danger peut engager la responsabilité civile, voire pénale, des proches, s’ils sont informés du risque et n’agissent pas.
  • Aides disponibles : possibilité de congés spécifiques (proche aidant, solidarité familiale), adaptation des horaires de travail, affiliation à l’assurance vieillesse, aides financières (APA, PCH, AAH, crédit d’impôt[4] pour l’emploi à domicile), possibilités de dédommagement ou de salariat, avantages fiscaux.
  • Prévention de l’épuisement de l’aidant : consultation médicale annuelle recommandée, dispositifs de répit (accueil de jour, hébergement temporaire), plateformes d’accompagnement, associations (France Alzheimer, Association française des aidants).

Pourtant, même avec ces moyens, l’épuisement guette. Fatigue chronique, troubles du sommeil, sentiment d’isolement ou de culpabilité, dépression[5]. Parfois, la famille s’efface, la charge devient insurmontable. La vigilance collective doit alors prendre le relais.

Que faire si la famille ne réagit pas ? Signalement et démarches concrètes

Face à une situation de retrait, de négligence ou de mise en danger, agir sans délai. Tout témoin – professionnel de santé, voisin, ami, même un simple passant alerté par une situation inhabituelle – peut, et doit, signaler la situation. Plusieurs recours existent :

  • Contacter les services sociaux : Centre Communal d’Action Sociale (CCAS), Conseil départemental, Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH).
  • Solliciter le médecin traitant : un relais essentiel pour alerter, évaluer, orienter.
  • Faire un signalement au procureur de la République : en cas de danger grave, la justice peut être saisie directement.
  • Prévenir les associations spécialisées ou plates-formes d’accompagnement : elles peuvent intervenir en urgence, proposer des solutions ou orienter vers les bons interlocuteurs.
aménagement du plan d'APA pour un senior Alzheimer

Les services sociaux évaluent alors la situation à domicile, mesurent les dangers, rencontrent la personne, vérifient les éléments d’alerte. Si besoin, ils enclenchent un plan d’aide ou une mesure de protection juridique : curatelle[7], tutelle[8], placement temporaire ou définitif en établissement spécialisé.

Solutions de prise en charge quand le maintien à domicile n’est plus possible

Quand la prise en charge familiale s’effondre, le maintien à domicile peut devenir un leurre dangereux. Plusieurs solutions existent, à adapter selon le degré de dépendance[9] et l’urgence de la situation.

  • Aide à domicile[10] renforcée : extension des heures via l’APA ou la PCH, recours à des auxiliaires de vie, portage de repas, téléassistance, adaptation du logement (douche sécurisée, détecteurs de chute…).
  • Accueil de jour, hébergement temporaire : soulage l’aidant, permet une évaluation de la situation, retarde parfois l’entrée définitive en établissement.
  • Entrée en EHPAD[2] ou unité spécialisée Alzheimer : structure médicalisée, soins adaptés, sécurité 24h/24, activités sociales encadrées.
  • Protection juridique : sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle, à demander via le juge des tutelles[11], soit par la famille, soit par les services sociaux ou le procureur.
  • Soutien psychologique et accompagnement : associations, plateformes de répit, groupes de parole, formation des aidants.

La décision de quitter le domicile, souvent vécue comme un échec, doit être replacée dans une logique de sécurité et de dignité. Parfois, permettre à la personne malade de retrouver un environnement structurant, c’est aussi préserver ce qui reste de sa liberté.

Aides financières, droits sociaux et démarches administratives

L’accompagnement de la perte d’autonomie ne s’improvise pas. Les dispositifs sont nombreux, parfois complexes à activer, mais essentiels pour alléger la charge financière et faciliter la transition vers une prise en charge adaptée.

DispositifPublic concernéUtilisation
Allocation personnalisée d’autonomie (APA)60 ans et plus, perte d’autonomieFinancement de l’aide à domicile, accueil de jour, aides techniques
Prestation de compensation du handicap (PCH)Toute personne en situation de handicapFinancement aides humaines, adaptation logement, rémunération aidant
Crédit d’impôt services à la personneTous foyers fiscaux50% des dépenses liées à l’emploi d’un salarié à domicile
Congés spécifiques aidantsAidants salariés ou fonctionnairesCongé de proche aidant, solidarité familiale, présence parentale

Des démarches sont à engager auprès du Conseil départemental, de la caisse de retraite, de la mairie ou de la MDPH selon la situation. Certaines aides ne se cumulent pas, il faut donc s’informer localement, comparer les options avec l’aide d’un travailleur social ou d’une association.

FAQ pratique : agir sans attendre face à une situation à risque

Qui peut faire un signalement en cas de mise en danger ?

Tout témoin, membre de la famille, voisin, professionnel de santé ou intervenant à domicile. L’anonymat peut être respecté, si besoin.

Quels organismes contacter en priorité ?

Le CCAS[6] de la commune, le Conseil départemental, la MDPH, le médecin traitant, une association spécialisée (France Alzheimer, Association française des aidants).

Quels sont les recours si la famille refuse toute aide ?

Les services sociaux disposent de moyens d’évaluation. Si la personne est en danger, le juge des tutelles peut être saisi pour mettre en place une mesure de protection, voire ordonner un placement.

Comment accompagner la transition vers un établissement ?

Anticiper la démarche, rencontrer les équipes, visiter plusieurs établissements, préparer la personne malade en douceur, tester l’accueil de jour Alzheimer, dialoguer avec les professionnels et l’entourage.

Quels signes doivent alerter sur l’épuisement de l’aidant ?

Fatigue persistante, irritabilité, troubles du sommeil, sentiment d’isolement, dépression, repli sur soi, négligence involontaire de la personne aidée.

Article relu par l’équipe éditoriale avec le concours d’un contributeur expert médico-social chez Cap Retraite. Son expérience de terrain et sa connaissance des dispositifs d’aide et d’accompagnement permettant d’apporter un regard fiable et pertinent aux lecteurs.

Note de l’article (1 votes)

Cet article vous a-t-il été utile ?

Notez cet article afin de nous permettre d’améliorer nos contenus.

Commentaires (0)

Réagissez, posez une question…

Les derniers articles

Articles les plus recherchés

Nos dossiers sur ce thème

La santé du Grand-âge

L'accroissement de la longévité s'accompagne de la multiplication de pathologies propres aux personnes âgées. Nous abordons dans ce dossier intitulé "la santé au grand âge"…

En savoir plus

Face à la maladie d'Alzheimer

Nous avons consacré un dossier spécifique à la maladie d’Alzheimer, pour appréhender à sa mesure ce véritable fléau, qui touche en France 800 000 personnes,…

En savoir plus

Face à la maladie de Parkinson

Affection dégénérative du cerveau la plus courante après Alzheimer, la maladie de Parkinson touche plus de 2 % de la population française de plus de…

En savoir plus