Un corps qui s’affaiblit sans bruit, des vêtements qui flottent, une fatigue qui s’installe sans raison évidente : derrière ces indices parfois banals, la dénutrition progresse souvent sans être repérée. Longtemps, le mot évoquait la misère lointaine ou des cas extrêmes. Aujourd’hui, il s’impose dans tous les milieux, tous les âges, y compris chez des personnes en surpoids. En France, deux millions de personnes vivent avec ce déficit nutritionnel.

La dénutrition[1] ne choisit pas, elle frappe là où la vigilance faiblit. Découvrez si vous êtes un profil à risque et repérez les signes avant-coureurs pour prévenir ce déficit nutritionnel avant qu’il n’affaiblisse votre corps et votre quotidien. 

Comprendre la dénutrition : bien plus qu’un simple manque de nourriture

Ce n’est pas seulement une question de quantité. La dénutrition traduit un déséquilibre entre ce que l’organisme reçoit et ce dont il a besoin réellement. Les apports nutritionnels deviennent insuffisants. Résultat : perte de poids, fonte musculaire, baisse des défenses immunitaires, troubles physiques et psychiques. 

Les causes se mêlent : diminution de l’appétit, difficultés à mastiquer, maladie chronique, isolement, dépression, chirurgie lourde, effets secondaires de médicaments. Chez certains, l’effondrement des réserves se fait sur quelques mois, parfois à bas bruit, masqué par la routine ou des habitudes alimentaires perturbées.

l'alimentation n'est pas seulement responsable de la dénutrition

Qui sont les personnes à risque ? Un spectre bien plus large qu’on ne l’imagine

Le cliché du vieillard émacié ne suffit plus. En réalité, la dénutrition concerne :

  • Les seniors : après 60 ans, la fonte musculaire s’accélère, la sensation de faim s’émousse, la solitude s’installe. Entre 5 et 10 % des plus de 65 ans à domicile sont concernés.
  • Les personnes atteintes de maladies chroniques : cancer, diabète, insuffisance cardiaque, maladies inflammatoires, troubles digestifs, maladie d’Alzheimer[3] ou de Parkinson.
  • Enfants et adolescents : stagnation de la courbe de croissance, troubles du comportement alimentaire, maladies aiguës ou chroniques, hospitalisation.
  • Patients hospitalisés : 40 % des malades âgés sont hospitalisés à cause de la dénutrition, parfois non détectée à temps.
  • Personnes en surpoids ou obèses : la masse graisseuse masque la fonte musculaire, le déficit protéique s’installe en silence.
  • Toute personne isolée ou en perte d’autonomie : deuil, dépression[2], difficultés financières, problèmes bucco-dentaires ou troubles de la déglutition.

Les 12 signes d’alerte à ne pas ignorer 

Difficile de parler de « symptômes » francs : la dénutrition avance par petites touches. Certains signaux devraient pourtant alerter.

  1. Perte de poids involontaire : soit environ 5 % du poids en 1 mois soit 10 % du poids en 6 mois, vêtements devenus trop larges, ceinture à resserrer. Chez l’enfant : cassure de la courbe de croissance.
  2. Diminution de l’appétit : repas sautés, portions réduites, désintérêt pour la nourriture, satiété rapide.
  3. Fatigue inhabituelle : besoin accru de sommeil, baisse de l’énergie, difficultés à terminer ses activités habituelles.
  4. Fonte musculaire, faiblesse : bras, cuisses, fesses qui s’amincissent, difficulté à monter les escaliers ou à porter des objets.
  5. Troubles digestifs : ballonnements, diarrhées, constipation, nausées, douleurs abdominales. Ces troubles aggravent le déficit en nutriments.
  6. Peau sèche, cheveux cassants : peau fine, perte d’élasticité, cheveux ternes, ongles fragiles.
  7. Cicatrisation ralentie : plaies qui tardent à guérir, bleus persistants, infections cutanées à répétition.
  8. Baisse de la concentration, troubles de la mémoire : ralentissement intellectuel, irritabilité, difficultés à suivre une conversation.
  9. Sensibilité accrue au froid : frissons, mains et pieds froids même en ambiance tempérée, métabolisme au ralenti.
  10. Troubles de l’humeur : anxiété, dépression, repli sur soi, sautes d’humeur.
  11. Diminution des défenses immunitaires : infections fréquentes, rhumes à répétition, guérison prolongée d’affections bénignes.
  12. Modification du goût : perte de goût, goût métallique, dégoût pour certains aliments.
perte de cheveux est un signe de dénutrition

Critères de diagnostic : quand la vigilance médicale devient essentielle

Les médecins ne se fient pas qu’au poids : l’IMC, la perte de force musculaire, l’évolution de l’appétit et la situation médicale globale entrent en jeu. Les seuils varient avec l’âge :

PopulationPerte de poidsIMC seuil
Enfants / adolescents≥5 % en 1 mois ou ≥10 % en 6 mois<18,5
Adultes <70 ans≥5 % en 1 mois ou ≥10 % en 6 mois<18,5
Personnes >70 ans≥5 % en 1 mois ou ≥10 % en 6 mois<22

Les professionnels évaluent aussi la prise alimentaire (réduction de moitié ou plus en une semaine), les troubles de l’absorption digestive, l’existence d’une pathologie associée. Un bilan biologique et un examen clinique approfondi s’imposent dès qu’un doute existe, surtout chez les personnes âgées ou fragiles.

Dénutrition silencieuse : attention aux situations à risque

Dans la vraie vie, la dénutrition surgit parfois là où on ne l’attend pas :

  • Après une chirurgie lourde : sleeve gastrectomie, chirurgie digestive, traumatismes.
  • En cas de maladie chronique : polyarthrite, cancer, insuffisance cardiaque, maladies pulmonaires.
  • Chez les personnes avec un bon appétit : malabsorption ou besoins accrus liés à la maladie, fonte musculaire masquée par la graisse.
  • Après un deuil, une hospitalisation, ou lors d’un isolement social : perte de repères alimentaires, difficultés pour faire les courses ou préparer les repas.
  • Chez les personnes âgées dépendantes : oubli de manger, troubles de la mémoire, difficultés à utiliser les couverts, réfrigérateur vide ou aliments périmés.

Prévenir la dénutrition : repères pratiques et conseils

  • Surveiller son poids : une pesée mensuelle suffit souvent à détecter une évolution anormale, mais elle peut devenir hebdomadaire  si besoin.
  • Observer l’appétit : toute perte d’envie de manger, tout changement brutal doit attirer l’attention.
  • Maintenir la diversité alimentaire : privilégier les protéines (œufs, poissons, viandes, légumineuses), les fruits et légumes variés, les laitages.
  • Rester actif : même à domicile, préserver la mobilité, stimuler la force musculaire.
  • Demander de l’aide : solliciter l’entourage, les aides à domicile, les dispositifs de portage de repas.
  • Consulter un professionnel : médecin, diététicien, pharmacien, dès l’apparition de plusieurs signes d’alerte ou en cas de doute.

Chez les personnes âgées, un dépistage annuel par le médecin ou le pharmacien s’impose. Les compléments nutritionnels oraux, prescrits par le médecin, peuvent être nécessaires dans certaines situations. Prévenir la dénutrition, c’est aussi lutter contre les préjugés et l’isolement, réhabiliter le plaisir de manger, adapter les repas aux difficultés (textures modifiées, aliments enrichis, repas fractionnés).

La dénutrition n’est pas une fatalité du grand âge ou de la maladie. Elle se prévient, se repère, se traite. Vigilance sur la balance, écoute des signaux faibles, soutien de l’entourage : chaque détail compte. Les professionnels de santé restent vos meilleurs alliés. Face à la dénutrition, la précocité de l’action fait toute la différence.

Questions fréquentes sur la dénutrition : repérer, agir, accompagner

Quels sont les premiers gestes à adopter si je suspecte une dénutrition chez moi ou chez un proche ?

Peser régulièrement la personne, noter tout changement d’appétit, observer la force musculaire et l’état général (peau, cheveux, énergie). Ne pas hésiter à consulter rapidement le médecin traitant.

La dénutrition peut-elle toucher une personne en surpoids ?

Oui. La masse graisseuse masque souvent la fonte musculaire. Le risque de déficit en protéines et en vitamines existe même sans maigreur apparente.

Quels aliments privilégier pour prévenir la dénutrition ?

Augmenter les apports en protéines (viandes, poissons, œufs, laitages, légumineuses), fractionner les repas si besoin, enrichir l’alimentation (beurre, crème, poudre de lait), sans négliger les fruits et légumes variés.

Dois-je réaliser un dépistage même en l’absence de maladie ?

Après 60 ans, toute perte de poids rapide, toute diminution de l’appétit ou de la force musculaire justifie une vigilance accrue. Un dépistage annuel est recommandé.

Quels sont les risques si la dénutrition n’est pas prise en charge ?

Risque accru d’infections, de chutes, de perte d’autonomie, d’allongement du séjour à l’hôpital, de complications médicales. Chez l’enfant, ralentissement de la croissance, troubles du développement.

Article relu par l’équipe éditoriale avec le concours d’un contributeur expert médico-social chez Cap Retraite. Son expérience de terrain et sa connaissance des dispositifs d’aide et d’accompagnement permettant d’apporter un regard fiable et pertinent aux lecteurs.

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Commentaires (6)

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  1. Djidjo Israél

    Comment peut on soigner ( sportif)? Quelles sont les rythmes a prendre pour une personne atteinte

    Répondre
    1. Amandine

      Bonjour

      Je vous remercie pour votre commentaire.
      Une prise en charge de la dénutrition repose en général sur un apport alimentaire adapté, parfois des compléments nutritionnels, et une activité physique douce et progressive, selon les conseils d’un professionnel de santé.
      Bonne journée.
      Amandine

      Répondre
  2. Djidjo Israél

    Quelles sont les causes de maladie rénale

    Répondre
    1. Amandine

      Bonjour

      Je vous remercie pour votre commentaire.
      Les principales causes reconnues d’atteinte rénale sont généralement le diabète, l’hypertension artérielle, certaines maladies auto-immunes, des maladies héréditaires, des infections urinaires répétées, des médicaments toxiques pour les reins, ou encore des obstructions urinaires.
      Pour un cas individuel, seul un médecin peut préciser l’origine.
      Bonne journée.
      Amandine

      Répondre
  3. Michele biojout

    Je perds énormément de poids pourtant je mange beaucoup de protéines. lentilles pois chiches lait poissons viande thon pain au graines . Fruits antioxydants .mais je suis atteinte de la maladie de Bernier. Beaucoup de problèmes d’estomac .mauvaises cicatrisations apres chirurgie.je suis toujours épuisée. Et pourtant suite au deces de mon mari j’ai signe un contrat avec la d.m.r du pays d’antain dans le 35 .et rien a ete fait.pourtant factures réglees par le département d’ile et vilaine .mais aucune aides ne m’a été donnée
    . Quand a la mdph rien non plus pour une personne invalide a 80% avec mobilite reduite .maintenant je me sens abandonnée .plus cas laisser le glissement se faire ?

    Répondre
    1. Amandine

      Bonjour

      Je vous remercie pour votre commentaire.
      Je comprends que la situation soit difficile. Il peut être utile de relancer la DMR et la MDPH, et de se renseigner auprès d’un travailleur social ou d’une association locale pour connaître les possibilités d’accompagnement.
      Bonne journée.
      Amandine

      Répondre

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