Un pilulier bien rempli, des ordonnances qui s’accumulent. Pour 14 millions de Français, vivre avec une affection longue durée (ALD) rime avec une routine médicale soutenue. Jusqu’ici, l’Assurance maladie prenait en charge 100 % des frais, médicaments compris. Mais dès le 1er février 2026, la réforme des médicaments à service médical rendu faible (SMR faible) change la donne : Spasfon, Gaviscon – des noms familiers des malades chroniques – ne seront remboursés qu’à 15 %, laissant le reste à leur charge.
Derrière cette mesure, un impératif budgétaire, mais aussi un débat de société sur la solidarité et l’accès aux soins. Cet article fait le point sur la réforme et les solutions pour continuer à se soigner sans se ruiner.
Affection longue durée : une protection historique sous tension
Depuis 1945, le statut ALD incarne le pacte fondateur de la Sécurité sociale. Un bouclier pour ceux frappés par des maladies graves (diabète, cancer, maladies cardiovasculaires, troubles psychiatriques, pathologies rares). Le principe : exonération du ticket modérateur, autrement dit, le patient ne paie rien ou presque pour ses traitements et soins liés à sa pathologie reconnue.
En 2021, près de 13,7 millions de Français en bénéficiaient. La barre des 16 millions pourrait être franchie d’ici 2030, signe d’un vieillissement de la population et de la progression des maladies chroniques.
Mais la facture ne cesse d’enfler. Plus de 12 milliards d’euros en 2021, probablement 15 ou 16 milliards d’ici la fin de la décennie. Les arrêts maladie explosent (+50 % en huit ans), les soins de ville et à l’hôpital suivent la même trajectoire. L’équation budgétaire se complique, d’autant que l’Assurance maladie doit trouver 5,5 milliards d’euros d’économies pour son budget 2026.

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Une réforme ciblée sur les médicaments à SMR faible
Le décret en attente d’application cible précisément les médicaments à service médical rendu faible. Derrière ce sigle, une idée simple : certains traitements, jugés peu efficaces ou dont l’utilité clinique pour la pathologie n’est pas démontrée, ne justifient plus un remboursement intégral. Jusqu’à présent, même ces médicaments étaient pris en charge à 100 % pour les patients en ALD. À partir du 1er février 2026, l’Assurance maladie les remboursera à 15 %, alignant le traitement des patients en ALD sur celui des autres assurés sociaux.
Exemples concrets ? Le Spasfon (antispasmodique), le Gaviscon (antiacide) – des médicaments du quotidien pour de nombreux patients mais considérés comme à faible impact médical par les autorités. Leur coût sera désormais en grande partie à la charge du malade.
Quels médicaments sont touchés ? Comment le SMR est-il évalué ?
Le Service médical rendu (SMR) classe les médicaments selon leur efficacité, leur intérêt pour la santé publique, la gravité des pathologies concernées et la place du traitement dans la stratégie thérapeutique. Les niveaux se déclinent ainsi :
- SMR majeur ou important : médicaments indispensables, remboursement de 65 % ou plus.
- SMR modéré : utilité reconnue, prise en charge à 30 %.
- SMR faible : efficacité limitée, remboursement à 15 %.
- SMR insuffisant : non remboursés.
La liste précise évolue au fil des évaluations de la Haute Autorité de santé (HAS). En 2025, environ 350 spécialités figurent dans la catégorie SMR faible, dont des traitements pour les troubles digestifs, la douleur légère ou l’anxiété modérée. Beaucoup de patients les considèrent pourtant comme essentiels à leur confort quotidien.
Objectifs et logiques de la réforme
L’objectif affiché est clair : réaliser 90 millions d’euros d’économies chaque année sur le seul poste des médicaments à SMR faible, selon les dernières estimations IGAS et IGF. C’est une goutte d’eau au regard des 27 milliards d’euros d’économies potentielles identifiées dans le système de santé, mais la mesure s’inscrit dans une politique de maîtrise des dépenses bien plus large. Contrôle des prescriptions, restriction sur les arrêts maladie, limitation du remboursement intégral pour d’autres actes (cures thermales, bilans non essentiels) : l’exonération ALD n’échappe pas à la révision générale.
Côté politique, le message renvoie à la « responsabilité » collective : évincer du remboursement intégral les produits sans lien direct avec la maladie reconnue ou dont l’efficacité n’est pas prouvée. Un argument qui divise, car la frontière entre confort et nécessité n’est pas toujours claire.

Conséquences pour les patients : de nouveaux restes à charge
Pour les patients, le changement s’annonce net. Fin du remboursement à 100 % pour ces médicaments : la différence, souvent modeste à l’unité mais élevée sur l’année, devra être réglée de leur poche. Les complémentaires santé ? Dans la plupart des cas, elles ne prennent pas en charge ce « ticket modérateur » sur les médicaments à SMR faible, sauf souscription à des garanties spécifiques (forfait pharmacie, surcomplémentaire). Résultat : des dépenses supplémentaires pour des millions de malades chroniques, voire des renoncements pour les plus modestes.
Une mesure perçue comme une incitation à souscrire des assurances privées plus couvrantes, ce qui pourrait renforcer les inégalités d’accès aux soins. Selon la Drees, déjà un Français sur dix renonce à des soins pour raisons financières ; la réforme pourrait aggraver la tendance, avec un effet ciseau sur les personnes âgées, les chômeurs, les travailleurs précaires – ceux qui cumulent maladie chronique et fragilité sociale.
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Un débat vif sur la justice sociale et l’efficacité
Derrière la réforme, un débat de fond. D’un côté, la nécessité de garantir la viabilité du système : sans maîtrise des dépenses, la hausse des cotisations ou le rationnement des soins menacent. De l’autre, les associations de patients dénoncent un manque de concertation et le risque de pénaliser les plus vulnérables. Certaines pathologies, bien que classées à SMR faible, relèvent du quotidien pour les malades chroniques. Les critères d’évaluation du SMR, parfois jugés trop stricts ou déconnectés de la réalité clinique, sont aussi contestés par une partie du corps médical.
Les professionnels de santé pointent les effets collatéraux : automédication accrue, rupture de suivi thérapeutique, marginalisation des patients déjà fragilisés. Pour certains, la mesure ne rapporte que des « économies de bouts de ficelle » et rate l’essentiel : accompagner les malades dans leur parcours, au lieu de rogner sur des postes périphériques.
ALD : une réforme qui s’inscrit dans un vaste mouvement de transformation
La réforme du remboursement des médicaments à SMR faible n’est qu’une pièce du puzzle. Les rapports IGAS-IGF et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2025 prévoient d’autres leviers :
- Recentrage de l’ALD sur les maladies les plus graves ou coûteuses.
- Deux niveaux d’ALD, avec exonération totale réservée aux cas les plus sévères.
- Suppression de l’exonération pour certains actes jugés non essentiels.
- Fiscalisation des indemnités journalières d’arrêt maladie pour les patients en ALD.
- Harmonisation et automatisation des contrôles d’accès au dispositif.
- Expérimentation de forfaits de reste à charge plafonnés.
Des mesures qui, selon les projections, permettraient à terme plusieurs centaines de millions d’euros d’économies annuelles. Mais elles touchent au cœur du pacte social français : la garantie d’accès aux soins pour les plus fragiles.
Tableau récapitulatif : impacts de la réforme sur le remboursement
| Médicaments concernés | Remboursement ALDavant réforme | Remboursement ALDaprès réforme | Reste à charge patient |
|---|---|---|---|
| SMR faible (ex : Spasfon, Gaviscon) | 100 % | 15 % | 85 % (sauf complémentaire spécifique) |
| SMR important/modéré | 100 % | 100 % | 0 % |
Questions fréquentes sur la réforme ALD et le remboursement
Quels médicaments ne seront plus remboursés à 100 % en ALD ?
Tous les médicaments classés à SMR faible : principalement des traitements de confort ou de symptômes légers, dont la liste est actualisée par la Haute Autorité de santé. Exemples : Spasfon, Gaviscon, certains anti-inflammatoires, sirops pour la toux.
Quand la mesure s’appliquera-t-elle ?
Le décret prévoit une entrée en vigueur au 1er février 2026.
Ma complémentaire santé va-t-elle compenser la différence ?
La plupart des contrats ne couvrent pas ce reste à charge, sauf souscription à un forfait pharmacie ou à une surcomplémentaire spécialisée.
Quels patients sont concernés ?
Tous les patients en affection longue durée, soit environ 14 millions de personnes, quel que soit le type de pathologie reconnue.
La réforme est-elle définitive ?
Le décret est en attente de signature (automne 2025), mais l’orientation générale ne fait plus débat au sein de l’Assurance maladie. Des ajustements restent possibles dans les modalités d’application.
La prise en charge à 100 % disparaît-elle pour tous les médicaments ?
Non. Les médicaments à SMR important ou modéré (traitements de fond, insuline, anticancéreux…) restent remboursés à 100 % en ALD.
✅ Article relu par l’équipe éditoriale avec le concours d’un contributeur expert médico-social chez Cap Retraite. Son expérience de terrain et sa connaissance des dispositifs d’aide et d’accompagnement permettant d’apporter un regard fiable et pertinent aux lecteurs.
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Pourquoi la lingeries soutien gorge et prothèse post opératoire après u.e mastectomie ne sont pas prises en charge au titre de l’ALD ?
Bonjour
Je vous remercie pour votre commentaire.
La lingerie post-opératoire, comme les soutien-gorge ou coques, n’est généralement pas remboursée par l’ALD, seuls certains dispositifs médicaux spécifiques pouvant l’être ; le reste reste à la charge du patient, éventuellement couvert par une mutuelle.
Bonne journée.
Amandine
Merci de nous informer.Votre article est très important pour les personnes concernées.On était dans l’attente avec une appréhension. Maintenant c’est plus clair merci infiniment.