Jours étouffants, rideaux tirés, silence dans les couloirs d’un immeuble ou d’une maison de ville. La canicule[1] ne frappe pas seulement les thermomètres. Elle s’infiltre dans les failles du lien social, expose les plus âgés à des dangers majeurs, parfois dans l’indifférence ou l’ignorance. Lorsqu’une personne âgée se retrouve isolée, sans assistance, les conséquences peuvent s’avérer dramatiques : déshydratation, malaise, aggravation de maladies chroniques. Mais au-delà de la prévention, quels sont véritablement les droits de ces personnes si la solidarité fait défaut ? Sur quels dispositifs s’appuyer ? Et comment agir concrètement en cas de négligence ou de manquement ?
Chaleur extrême : une vulnérabilité physiologique et sociale
La réalité physiologique s’impose : avec l’âge, la capacité à réguler la température du corps se dégrade. Moins de transpiration, soif atténuée, réponses comportementales moins adaptées. Certains traitements aggravent encore le risque de déshydratation. L’isolement amplifie tout : oubli de boire, absence de repère, signe d’alerte qui passe inaperçu.
Sans vigilance, la canicule peut devenir fatale. L’été 2024 l’a rappelé avec force : plus de 3 700 décès attribués à la chaleur, dont trois quarts parmi les 75 ans et plus.
Ce sont souvent les premiers jours de chaleur qui surprennent. Les personnes âgées, surtout celles en perte d’autonomie ou dépendantes, paient le prix fort. Les crampes, la confusion, la fièvre, la fatigue inexpliquée, les troubles du comportement sont autant de signaux qui doivent alerter l’entourage ou les professionnels.

Obligations légales et dispositifs d’assistance : un filet de sécurité parfois fragile
Face à la chaleur extrême, la loi et les dispositifs d’assistance visent à protéger les personnes vulnérables, mais leur efficacité dépend autant de la vigilance des institutions que de la mobilisation de l’entourage.
Obligation légale de vigilance : non-assistance à personne en danger
Le cadre juridique est clair. Le Code pénal (article 223-6) sanctionne la non-assistance à personne en danger. Cette obligation ne concerne pas uniquement la famille ou les voisins : professionnels de santé, services à domicile, collectivités locales, établissements médico-sociaux, tous sont tenus à une vigilance active.
Registre des personnes vulnérables : outil de prévention et de suivi
La loi impose aux communes la tenue d’un registre nominatif des personnes vulnérables. Ce registre recense les personnes âgées ou handicapées isolées à domicile et facilite leur suivi lors des alertes canicule. L’inscription peut se faire directement ou via un proche, avec l’accord de la personne concernée. En théorie, ce dispositif permet d’organiser des appels de veille, des visites de contrôle, d’orienter rapidement vers des lieux climatisés si besoin. En pratique, tout dépend de l’anticipation, du sérieux de la mise à jour du registre et de la mobilisation réelle du réseau local.
Solidarité de proximité et vigilance collective
Les obligations ne se limitent pas aux institutions. Familles, voisins, amis, associations, chacun a un rôle à jouer dans la prévention du risque d’isolement. Prendre des nouvelles, organiser un planning de contacts quotidiens, vérifier l’état du logement, rappeler les bons gestes (boire, rester au frais, éviter les sorties aux heures chaudes), tout cela peut sauver des vies. Les dispositifs de téléassistance (bracelet d’alerte, bouton d’urgence) et certains capteurs connectés offrent une sécurité supplémentaire, surtout pour les personnes seules ou présentant des troubles cognitifs.
LIRE AUSSI : Canicule et personnes âgées : que peuvent faire les proches à distance ?
Quels recours en cas de défaut d’assistance ?
Quand la mécanique de solidarité ou la chaîne d’alerte se grippe, la loi prévoit des recours. Si une personne âgée a été laissée sans aide durant une vague de chaleur, plusieurs démarches sont possibles :
- Signaler la situation auprès du maire ou du Centre communal d’action sociale (CCAS) pour intervention ou enquête sociale.
- Saisir les services sociaux départementaux, qui peuvent diligenter un suivi ou une aide d’urgence.
- Solliciter le Défenseur des droits en cas de discrimination, de défaillance d’un service public ou de non-respect des droits fondamentaux.
- Si la négligence est grave, déposer plainte pour non-assistance à personne en danger auprès du procureur de la République.
- En cas de préjudice important (déshydratation sévère, hospitalisation, décès), engager une action en responsabilité civile ou pénale contre les personnes ou structures en cause (famille, voisin, service d’aide à domicile[4], établissement d’hébergement).

L’article 223-6 du Code pénal prévoit jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende en cas de non-assistance à personne en danger. La jurisprudence examine la connaissance du danger, la capacité d’agir, et la gravité du manquement.
Défaillance d’un établissement ou d’un service d’aide : quels droits ?
En maison de retraite, résidence autonomie ou services à domicile, un manquement à l’assistance lors d’une canicule engage la responsabilité des structures. Les familles ou les personnes concernées peuvent saisir l’Agence régionale de santé (ARS), demander un contrôle, voire porter plainte. L’obligation de moyens renforcée dans ces établissements s’impose. En cas de manquement avéré, des sanctions administratives, civiles ou pénales peuvent tomber.
Prévention : droits à l’information et à l’accompagnement
Tout commence par la prévention. Les personnes âgées ont droit à une information claire sur les risques, les gestes à adopter, les dispositifs d’assistance. Les collectivités doivent diffuser les coordonnées des lieux climatisés accessibles, organiser des campagnes d’information, proposer des visites ou des appels de veille. Les professionnels de santé doivent réévaluer les traitements médicamenteux, adapter les conseils, orienter si besoin vers la plateforme Canicule info service (0 800 06 66 66, appel gratuit).
Certaines collectivités aident à l’adaptation du logement : volets roulants, livraison de ventilateurs, organisation de transports vers des lieux frais, aide ponctuelle pour les courses ou les médicaments. Sur le terrain, ce sont souvent les réseaux de bénévoles, d’aidants, d’associations qui pallient les failles du dispositif légal.
Tableau pratique : que faire et à qui s’adresser ?
| Situation | Contact / Action |
|---|---|
| Personne âgée isolée sans assistance | Mairie, CCAS[3], inscription registre communal, demande d’intervention |
| Suspicion de danger grave (déshydratation, malaise) | Appel immédiat au 15 (SAMU) |
| Manquement d’un proche, voisin, professionnel | Signalement aux services sociaux, dépôt de plainte |
| Défaillance d’un établissement (EHPAD[2], aide à domicile) | Saisine ARS, Défenseur des droits, action en justice |
| Besoin de conseils ou d’informations | Canicule info service : 0 800 06 66 66 (gratuit) |
FAQ : questions fréquentes sur les droits et les démarches
Quels sont les signes d’alerte à surveiller chez une personne âgée en période de canicule ?
Grande fatigue, propos confus, fièvre, crampes, perte d’équilibre, troubles de conscience, nausées, vomissements. À la moindre suspicion, il faut agir : rafraîchir la personne, l’hydrater, contacter un professionnel, ou le 15 en cas de signes graves.
Comment inscrire une personne âgée sur le registre communal ?
Il suffit de contacter la mairie ou le CCAS. L’inscription peut être faite par la personne concernée ou par un proche avec son accord. Ce registre permet d’organiser des visites et des appels en cas d’alerte.
Peut-on engager la responsabilité de la mairie ou d’un service social ?
Si le registre n’a pas été mis à jour ou si les dispositifs d’assistance n’ont pas fonctionné, un recours est possible auprès du Défenseur des droits ou par une action administrative. La responsabilité civile ou pénale peut être recherchée en cas de préjudice grave.
Existe-t-il des aides pour adapter le logement à la chaleur ?
Aucune aide nationale spécifique pour l’achat d’un ventilateur ou d’une climatisation. Certaines collectivités proposent ponctuellement des aides ou des prêts de matériel, mais ce n’est pas systématique. Les aides type MaPrimeAdapt’ concernent surtout l’accessibilité et le maintien à domicile[5].
Personne âgée atteinte d’Alzheimer : quelles précautions en période de canicule ?
Un passage physique quotidien est indispensable. Les pictogrammes (verre d’eau, soleil barré) facilitent la compréhension des consignes. La téléassistance et l’implication des voisins ou familles sont essentielles.
La protection des personnes âgées face à la canicule repose sur l’anticipation, la solidarité, l’information et la capacité à réagir vite. Les droits existent, les recours aussi, mais la réalité du terrain dépend du maillage humain et institutionnel. Chacun peut, à son échelle, être le maillon qui évite le drame. La chaleur ne pardonne pas l’oubli.
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[1] Canicule
La canicule est une période où les températures sont très élevées pendant plusieurs jours, ce qui peut être dangereux pour la santé des personnes âgées.
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[2] EHPAD
Les EHPAD sont des établissements médicalisés qui accueillent des personnes âgées qui ont besoin de soins médicaux réguliers et d’une aide dans leur vie quotidienne.
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[3] CCAS
Le CCAS est un organisme local qui aide les habitants en difficulté, notamment les personnes âgées, en leur offrant des services sociaux et des aides financières.
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[4] Aide à domicile
L’aide à domicile est un service qui accompagne les personnes chez elles en leur apportant une assistance pour les tâches de la vie courante, comme le ménage, les courses, ou…
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Le maintien à domicile permet aux personnes âgées ou dépendantes de vivre chez elles en recevant l’aide nécessaire pour rester autonomes et en sécurité.
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Mon immeuble est orienté sud ouest et j ai note des températures proche de 30 degrés à 4h du matin
Comment puis je obliger les copropriétaires à accepter que j installé une climatisation ?
Bonjour
Je vous remercie pour votre commentaire.
Il n’est pas possible d’obliger les propriétaires, seule une discussion avec eux et le syndic peut permettre d’avancer.
Bonne fin de journée.
Amandine