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    Votre parent atteint de la maladie d’Alzheimer nie ses pertes de mémoire et sa confusion ? Un proche atteint de schizophrénie affirme que tout va bien et qu’il n’a plus besoin de traitement ? Loin d’être du déni ou de la mauvaise foi, cette absence de conscience, appelée anosognosie, est un symptôme du trouble dont il est atteint. Au-delà de la frustration ressentie face à une personne qui ne reconnaît pas ses difficultés, ce phénomène a un impact négatif sur sa prise en charge. Dans ces conditions, écoute et empathie sont souvent les meilleurs alliés des aidants. 

    Qu’est-ce que l’anosognosie ? 

    L’anosognosie est un trouble neuropsychologique se traduisant par le manque de reconnaissance, partiel ou total, d’une maladie ou d’un déficit. Le terme vient du grec : a — sans, nosos — maladie, gnosis — connaissance.

    Cette absence de conscience des troubles et de leurs conséquences peut se manifester à plusieurs niveaux :

    • La personne ne perçoit pas qu’elle présente des symptômes et déficits, liés à une maladie ou à un traumatisme. 
    • Elle ne mesure pas l’impact de ces troubles sur sa vie quotidienne : accomplir certaines tâches, travailler, conduire ou vivre de manière autonome.
    • Elle ne comprend pas la gravité de sa situation et ne reconnaît pas la nécessité d’un traitement. 
    • Elle ne parvient pas à anticiper l’évolution de sa condition ni les difficultés à venir.

    Il arrive aussi qu’une personne soit consciente de certains aspects de sa condition tout en en ignorant d’autres. Ce phénomène est appelé anosognosie spécifique à un domaine.

    Le neurologue français Joseph Babinski fut le premier à faire la description de l’anosognosie en 1914, en observant l’absence totale de conscience chez certains patients atteints d’hémiplégie gauche.

    Quels sont les symptômes de l’anosognosie ?

    Les principaux symptômes de l’anosognosie sont les suivants : 

    • Absence de conscience du trouble : la personne ne comprend pas, ne perçoit pas ou ne reconnaît pas qu’elle est atteinte d’une maladie ou présente certains déficits. Ce manque de conscience s’accompagne souvent d’un refus catégorique de consulter un médecin ou de suivre un traitement, même lorsque des preuves médicales objectives contredisent clairement sa perception. Un patient affirmera avec assurance qu’il n’a rien, un autre fera tout pour éviter le sujet. Ce décalage entre sa perception et celle de l’entourage engendre souvent confusion et frustration chez le patient, comme chez ses aidants.
    • Incohérence dans la reconnaissance des déficits : chez certaines personnes, la conscience du trouble fluctue. Elles peuvent reconnaître leur problème, consulter un médecin et suivre un traitement… Puis soudainement, elles manquent un rendez-vous ou oublient leur traitement, parce qu’elles cessent de croire qu’elles sont malades. 
    • Reconnaissance sélective des difficultés : il arrive que la personne reconnaisse certains symptômes, mais en nie d’autres ou donne des explications qui contredisent les éléments médicaux. Par exemple, une personne atteinte de trouble bipolaire peut nier avoir des sautes d’humeur, tout en reconnaissant qu’elle traverse parfois des périodes de grande euphorie ou de profonde tristesse.

    Le saviez-vous?

    Les «confabulations» sont des récits fabriqués inconsciemment par certaines personnes atteintes d’anosognosie. Elles leur permettent d’expliquer leurs difficultés sans admettre qu’elles sont liées à une maladie ou un trouble. 

    Par exemple, une personne atteinte de cécité corticale expliquera ses erreurs en affirmant qu’il n’y a pas assez de lumière ou qu’elle a oublié ses lunettes. 

    Quelles sont les conséquences de l’anosognosie ? 

    L’anosognosie peut avoir des conséquences négatives sur la sécurité et la qualité de vie du patient

    Lorsqu’une personne n’a pas conscience d’avoir un déficit, elle peut : 

    • mettre sa vie ou celle des autres en danger, en essayant d’accomplir certaines activités qu’elle n’a plus la capacité d’effectuer (par exemple, conduire une voiture malgré une perte de vision ou une paralysie partielle) ;
    • s’abstenir de solliciter l’aide médicale dont elle a besoin (par exemple, refuser de consulter un médecin en cas de troubles cognitifs croissants, ne pas aller à l’hôpital malgré une urgence, comme un AVC) ; 
    • refuser de suivre un traitement médicamenteux ou un programme de réadaptation, attendu qu’elle estime que tout va bien ;
    • perdre ses capacités à rester intégrée dans le monde du travail, en raison d’un décalage entre ce qu’elle pense encore pouvoir faire et la réalité ;
    • voir ses relations sociales se dégrader, à cause des tensions existant entre sa perception de sa situation et celle de son entourage ;
    • devenir un fardeau pour ses aidants, souvent frustrés de ne pas pouvoir l’aider, alors qu’ils s’investissent dans son accompagnement…  
    LIRE AUSSI:  Tout sur la sarcopénie : définition, diagnostic et traitement 

    Quelles sont les causes de l’anosognosie ?

    L’anosognosie survient souvent après un traumatisme ou une maladie dégénérative causant des lésions cérébrales. Plusieurs zones du cerveau peuvent être touchées : 

    • lobe pariétal droit ; 
    • lobe frontal ;
    • thalamus ; 
    • ganglions de la base (noyaux gris centraux)…
    infographie du cerveau

    Les causes exactes de l’anosognosie restent mal comprises. Toutefois, ce trouble semble résulter d’un dysfonctionnement des régions cérébrales impliquées dans la conscience de soi. Les zones concernées seraient notamment :

    • le cortex préfrontal, impliqué dans des fonctions cognitives, telles que la mémoire de travail, l’organisation des pensées et l’auto-évaluation ;
    • le cortex insulaire, qui joue un rôle dans le traitement des émotions et la perception de soi ;
    • le réseau du mode par défaut, un ensemble de zones du cerveau actives au repos, liées à l’introspection et à la représentation de soi.

    Qui peut être touché par l’anosognosie ? 

    L’anosognosie peut se manifester dans de nombreuses conditions touchant le cerveau : 

    • lésions cérébrales liées à un traumatisme ou à un accident :
      • accident vasculaire cérébral (AVC). L’anosognosie concerne entre 10 et 18 % des personnes présentant une hémiparésie (faiblesse d’un côté du corps) après un AVC. Elle peut aussi apparaître en cas d’hémiplégie (paralysie totale), comme l’avait déjà observé le neurologue Joseph Babinski en 1914 ;
      • traumatisme crânien. Certains patients touchés perdent la capacité de reconnaître leurs troubles cognitifs, émotionnels ou moteurs ;
    • troubles psychiatriques :
      • schizophrénie — entre 50 et 90 % des patients sont concernés. Ils peuvent reconnaître une partie de leurs troubles, mais nier les hallucinations et délires ;
      • trouble bipolaire — entre 40 et 50 % des personnes atteintes ;
    • maladies neurodégénératives :
      • trouble cognitif léger — environ 60 % des personnes n’ont pas conscience de leurs difficultés ;
      • maladie d’Alzheimer — l’anosognosie toucherait jusqu’à 80 % des malades ;
      • Maladie de Huntington, dégénérescence fronto-temporale (DFT), syndrome de Korsakoff : l’anosognosie est fréquente, avec une conscience altérée des troubles de la mémoire, du comportement ou du langage ;
    • autres troubles neurologiques associés :
      • Syndrome d’Anton : les personnes atteintes d’une cécité corticale affirment voir, malgré la perte totale de vision ;
      • Aphasie réceptive (Wernicke) : absence de conscience des troubles du langage ;
      • Négligence spatiale unilatérale : le patient ignore un côté de son corps ou de l’espace ;
      • Sclérose en plaques, épilepsie du lobe temporal ou encore certaines formes de tumeurs cérébrales peuvent également s’accompagner d’anosognosie.

    Quelle est la différence entre l’anosognosie et le déni ?

    L’anosognosie ressemble au déni, mais elle ne doit pas être confondue avec celui-ci. 

    La personne atteinte d’anosognosie n’a pas conscience de son trouble en raison d’une lésion cérébrale. En effet, son cerveau ne parvient pas à ajuster sa perception de soi. 

    Le déni, de son côté, est un mécanisme psychologique de protection. Il revient à rejeter ou éviter de reconnaître la réalité parce qu’elle est émotionnellement difficile à accepter. 

    Comment diagnostiquer l’anosognosie ? 

    L’anosognosie est le plus souvent mise en évidence lors du diagnostic ou au cours du suivi médical de la pathologie en cause.

    Le professionnel de santé, souvent un psychiatre ou un neurologue, évalue le degré de conscience des troubles démontré par le patient. Plusieurs outils lui permettent d’identifier et de mesurer l’anosognosie (Bastin et Salmon, 2020) : 

    • l’observation clinique des réactions de la personne face à ses difficultés ou à ses erreurs lors d’une tâche spécifique ;
    • un entretien semi-structuré (c’est-à-dire incluant une série de questions ou de sujets prédéterminés) avec le patient ;
    • la comparaison de questionnaires d’évaluation des fonctions cognitives et comportementales, remplis à la fois par le patient et par une personne de son entourage (aidant, soignant…). Plus le patient minimise ses difficultés, alors que son proche fait état de déficits, plus l’anosognosie est grave. Les résultats doivent toutefois être relativisés, car l’aidant peut être subjectif s’il souffre du fardeau lié à la prise en charge du patient ;
    • des tests neuropsychologiques (tests de mémoire, par exemple) comparés à l’évaluation que fait le sujet de ses propres capacités.    
    LIRE AUSSI:  La maladie de Horton : symptômes, diagnostic et traitement
    Infographie sur l'anosognosie : causes, conséquences et prise en charge

    Quelles sont les méthodes de traitement et de prise en charge de l’anosognosie ? 

    Il n’existe pas de traitement permettant de guérir l’anosognosie et de restaurer complètement la conscience des troubles. 

    La prise en charge vise surtout à améliorer l’autonomie de la personne dans les activités de la vie quotidienne. Le but : aider le patient à surmonter ses difficultés et accepter les soins recommandés, pour limiter les conséquences de l’anosognosie.

    Différentes approches peuvent être proposées pour l’amener progressivement à prendre conscience de ses troubles.

    • Le feedback direct ou vidéo : certains thérapeutes utilisent des techniques permettant d’améliorer l’auto-évaluation du patient. Il doit par exemple effectuer une tâche familière, puis voir une vidéo de sa performance pour repérer ses erreurs. Le thérapeute peut également lui fournir un retour direct sur ses réussites et ses échecs.
    • La réhabilitation cognitive : elle est utile lorsque l’anosognosie est liée à un problème de mémoire, notamment chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Elle permet d’entraîner certaines fonctions cognitives et de renforcer la conscience des difficultés.
    • La prise en charge psychologique : dans certains cas, elle permet d’améliorer, au moins partiellement, la conscience des troubles ou l’adhésion au traitement. La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) peut notamment aider la personne à mieux comprendre ses déficits, à apprendre à les compenser et à se fixer des objectifs réalistes.

    Comment aider un proche atteint d’anosognosie ?

    Pour de nombreux aidants, les symptômes de l’anosognosie sont parfois plus déstabilisants que ceux de la maladie elle-même. Il est frustrant, voire décourageant, de s’occuper d’un parent atteint de la maladie d’Alzheimer ou présentant des difficultés après un AVC, lorsque celui-ci ne sait même pas qu’il est malade. Pourtant, apprendre à accompagner une personne atteinte d’anosognosie est important tant pour l’aidant que pour la personne aidée.

    L’une des approches les plus efficaces est la «méthode LEAP», ou EEAP en français, mise au point par le Dr Xavier Amador pour la schizophrénie et les troubles bipolaires. Cette technique comporte 4 étapes :

    • Écoute réflexive : montrez à votre proche que vous l’écoutez sans jugement et que vous comprenez ce qu’il exprime. Reformulez ses paroles sans les déformer ni chercher à les corriger.
    • Empathie : mettez-vous à sa place pour qu’il se sente compris et respecté. Cela peut désamorcer la méfiance et l’aider à être plus réceptif à votre point de vue.
    • Accord : identifiez un point sur lequel vous pouvez vous mettre d’accord, même partiellement, et concentrez-vous dessus. Évitez de donner votre avis, sauf s’il vous le demande.
    • Partenariat : établissez une relation de confiance pour favoriser la coopération. Même si vous n’êtes pas d’accord sur le diagnostic ou le problème, vous pouvez avancer ensemble vers une solution. Dans ce contexte, la relation compte souvent plus que la logique. 

    En suivant cette méthode, vous pouvez devenir un véritable allié de votre proche malade et l’aider à trouver une raison de suivre son traitement. 

    Pour en savoir plus, lisez nos conseils sur les stratégies pour faire face à l’anosognosie et aider un proche atteint d’Alzheimer qui l’ignore.

    Sources : 

    Acharya, A. B. et Sánchez-Manso, J. C. (2023). Anosognosia. StatPearls Publishing.

    Bastin, C. et Salmon, E. (2020). Anosognosie : modèles théoriques et pistes de prise en charge. Revue de neuropsychologie, (1), 26-34.

    Derouesné, C. (2009). La méconnaissance de la maladie ou de ses conséquences dans les affections cérébrales : un phénomène complexe et multidimensionnel. Gériatrie et psychologie neuropsychiatrie du vieillissement7(4), 243-251.

    Amador, X. F. et Johanson, A. L. (2000). I am not sick, I don’t need help!. New York: Vida Press.

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    Avatar auteur, Yaël Ankri
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