Derrière le mot « réversion », un filet de sécurité. Pour 4,4 millions de personnes en France, la pension de réversion représente bien plus qu’une simple aide : elle conditionne le quotidien, souvent le maintien à domicile[1], parfois l’accès aux soins. Pourtant, le système actuel, morcelé et complexe, attise les inquiétudes. Les discussions autour d’une réforme prévue pour le 1er janvier 2026 bousculent les repères. Perte de droits ? Baisse des montants ? Ouverture à de nouveaux bénéficiaires ? Les lignes pourraient bouger, et, parfois, pas dans le sens attendu.

Comment fonctionne la pension de réversion aujourd’hui ?

Chaque régime a sa logique, ses seuils, ses calculs. Dans le régime général (salariés du privé), le conjoint survivant perçoit 54 % de la retraite de base du défunt, mais seulement s’il a au moins 55 ans et que ses ressources ne dépassent pas 24 710,40 € par an (personne seule, données 2025). La pension complémentaire (Agirc-Arrco) accorde jusqu’à 60 % de la retraite du défunt, sans condition de ressources, ni âge minimum. Fonctionnaires : 50 % de la retraite, aucune condition de ressources, des règles héritées de la fonction publique.

À ces taux s’ajoutent des critères d’éligibilité. Mariage obligatoire, parfois remariage interdit, plafonds de ressources variables, âges minimums qui changent selon les caisses… Les disparités entre salariés du privé, fonctionnaires, agriculteurs, professions libérales ou marins créent des situations ubuesques. Certains veufs ou veuves touchent une pension dans un régime, rien dans un autre. Un système jugé inéquitable, d’où la volonté affichée du gouvernement : harmoniser.

seniors calculant le montant de leur pension de réversion

Ce que la réforme de 2026 envisage (et ce qui reste incertain)

La réforme des pensions de réversion prévue en 2026 pourrait transformer plusieurs règles clés, mais certains détails restent encore en discussion.

Vers un taux unique, mais lequel ?

Trois options sur la table : 50 %, 55 % ou 60 % pour tous. Rien n’a fuité sur l’arbitrage final. Un taux unique à 50 % signifierait une baisse nette pour les bénéficiaires Agirc-Arrco (perte de 10 % sur la part complémentaire), mais aucune incidence pour les fonctionnaires. À l’inverse, un taux à 60 % revaloriserait certains droits, mais alourdirait la facture globale – un dilemme budgétaire.

Plafond de ressources : uniformisation ou suppression ?

Aujourd’hui, seuls les bénéficiaires du régime général se voient appliquer un plafond de ressources. La réforme pourrait imposer un seuil unique à tous, ou au contraire supprimer toute condition de ressources. Hypothèse discutée : 2 059,20 € brut mensuel pour une personne seule. Pour certains veufs du public, ce serait une restriction inédite ; pour d’autres, la suppression ouvrirait enfin l’accès.

Éligibilité élargie aux pacsés et concubins ?

Jusqu’ici, seuls les couples mariés peuvent prétendre à la réversion. Le Conseil d’orientation des retraites planche sur une possible extension aux partenaires de PACS et aux concubins, sous réserve de vie commune durable. Le but : inclure des situations de vie désormais courantes. Reste la question du financement : plus de bénéficiaires, part du gâteau inchangée ?

Âge minimum : 55 ans pour tous ?

L’âge d’accès à la pension de réversion varie aujourd’hui selon les régimes. La réforme pourrait imposer un seuil unique (probablement 55 ans), ce qui pénaliserait les veufs les plus jeunes dans certains régimes jusque-là plus souples.

Nouveau calcul : davantage de variables

Plusieurs pistes circulent : calcul basé sur les revenus du couple (deux tiers de la pension du défunt, moins un tiers de celle du survivant), ou encore une double proratisation selon la durée de mariage et celle des cotisations du défunt. Deux logiques : protéger les plus modestes, mais réduire la pension pour les unions courtes ou tardives.

senior divorcé touchant une pension de réversion

Impacts concrets : qui gagne, qui perd ?

  • Baisse du taux : une retraite complémentaire reversée à 50 % au lieu de 60 % ferait mécaniquement baisser le montant pour des centaines de milliers de veufs/veuves du privé.
  • Plafond de ressources unifié : des ex-fonctionnaires pourraient être exclus pour la première fois, si leur pension personnelle dépasse le seuil retenu.
  • Suppression du plafond : certains veufs/veuves du privé, exclus aujourd’hui pour dépassement de ressources, pourraient redevenir éligibles.
  • Élargissement aux pacsés et concubins : une avancée sociale, mais risque de dilution du montant individuel si les enveloppes ne suivent pas.
  • Proratisation selon la durée du mariage : défavorable aux personnes mariées tardivement ou sur une courte période.

Un point rassurant : les pensions de réversion déjà attribuées ne seraient pas recalculées. Seules les nouvelles demandes, après le 1er janvier 2026, seraient concernées par la réforme.

Ce qui ne changera pas (sauf surprise)

  • La pension de réversion ne sera pas supprimée. Les débats portent sur son mode de calcul, ses critères, pas sur son existence.
  • Les orphelins : leur situation reste inchangée. Enfants de fonctionnaires, agriculteurs ou marins continueront d’être protégés selon les règles actuelles.
  • Aucune rétroactivité : la réforme ne concernerait pas les pensions déjà versées.

Anticiper : comment préparer son dossier ?

  • Vérifier sa situation matrimoniale : le mariage reste, pour l’instant, la seule garantie d’accès.
  • Réunir les documents nécessaires (livret de famille, actes de naissance et de décès, justificatifs de ressources, relevé de carrière du défunt, attestation de non-remariage si besoin).
  • Simuler ses droits sur les portails officiels (service-public.fr).
  • Consulter la caisse de retraite du conjoint pour obtenir une estimation personnalisée.

Questions fréquentes sur la pension de réversion

Peut-on cumuler plusieurs pensions de réversion ? 

Oui, si l’on a été marié successivement à plusieurs conjoints. Le calcul se fait au prorata de la durée de chaque mariage.

La pension de réversion est-elle imposable ? 

Oui, elle l’est comme les autres retraites selon les indications usuelles des organismes d’information retraite, avec des modalités déclaratives propres à chaque caisse. 

Un remariage supprime-t-il toujours le droit ? 

Non, uniquement dans certains régimes complémentaires, et cette condition pourrait disparaître à l’avenir.

Les concubins et pacsés ont-ils droit à la réversion ? 

Pas à ce jour. La réforme pourrait changer la donne.

Le patrimoine commun doit-il être déclaré ? 

Non, seuls les revenus personnels sont pris en compte dans l’examen des ressources.

Entre harmonisation et économie budgétaire, la réforme à venir navigue sur une ligne de crête. Pour les futurs veufs et veuves, l’enjeu est de taille. Baisse du taux, durcissement des conditions ou ouverture à de nouveaux profils : tout dépendra des arbitrages finaux, encore en suspens. Les bénéficiaires actuels, eux, peuvent souffler : aucune réforme rétroactive, leur pension ne sera pas touchée. Les autres devront surveiller, dossier en main, l’avancée des débats – et ne pas se laisser piéger par les fausses annonces en ligne.

Pour rester informé, privilégier les sources officielles, contacter sa caisse, et surtout, ne pas attendre le dernier moment pour vérifier ses droits. La transparence concrète, dans ce dossier, reste le meilleur des boucliers.

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Commentaires (5)

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  1. Christine bergandi

    Retraitée du privé j’ai largement,lourdement cotisé comme mon défunt époux J’ai donc une retraite confortable vais je avoir une diminution ou suppression de ma pension de réversion je ne suis pas remariée

    Répondre
    1. Amandine

      Bonjour

      Je vous remercie pour votre commentaire.
      Il est conseillé de se renseigner directement auprès de sa caisse de retraite pour des informations précises.
      Bonne journée.
      Amandine

      Répondre
      1. Christine bergandi

        D’après les infos de votre site les pensions de réversion déjà attribuées pour moi depuis ➕️ de 15 ans ne seraient👣changées?

        Répondre
        1. Amandine

          Bonjour

          Je vous remercie pour votre commentaire.
          En général, les pensions de réversion déjà attribuées depuis longtemps restent inchangées, mais cela peut varier selon le régime de retraite et les éventuelles modifications légales, donc il est conseillé de vérifier directement auprès de votre caisse de retraite.
          Bonne journée.
          Amandine

          Répondre
  2. Maud

    Moi j’ai été en concubinage pendant 13 années et avec deux enfants de ce concubinage et marié que 4ans et j’ai que 149€ de pension de réversion, je trouve que sais pas juste on devrait avoir un peu plus surtout si on gagne pas beaucoup smic

    Répondre

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