Comprendre une facture d’EHPAD[1], c’est souvent un casse-tête. Entre tarif dépendance[2], GIR, aides APA et participation résiduelle, les familles peinent à savoir ce qu’elles paient… et pourquoi. Ce constat, partagé de longue date par les aidants comme par les professionnels du secteur, a poussé le gouvernement à agir.

Depuis le 1er juillet 2025, une expérimentation d’envergure est lancée dans 23 départements volontaires. Objectif : simplifier le modèle de tarification en fusionnant les sections « soins » et « autonomie » et en introduisant une participation journalière unique, claire et identique pour tous les résidents concernés. Fini les calculs incompréhensibles, place à un tarif lisible et prévisible; du moins en théorie.

Mais que recouvre vraiment cette réforme ? Quels changements concrets pour les familles ? Quels montants seront désormais facturés ? Et surtout, cette mesure est-elle avantageuse pour votre proche ? Cet article vous donne toutes les clés pour comprendre ce qui s’applique déjà dans plusieurs établissements et ce que vous devez surveiller de près.

Une facturation plus lisible pour les familles

Avant de comprendre ce que la réforme modifie, il est utile de rappeler qu’une facture d’EHPAD repose sur trois tarifs distincts, chacun ayant son mode de calcul et ses financeurs.

Tarifs en EHPAD : hébergement, dépendance et soins expliqués
Type de tarif
Ce qu’il couvre
Qui le fixe
Qui paie
Hébergement
Chambre, repas, entretien, animation, services hôteliers
  • Conseil départemental pour les places habilitées à l’aide sociale[5]
  • Établissement pour les autres places
Famille (avec possibles aides : ASH, allocations logement)
Dépendance
Aide pour les actes de la vie quotidienne (toilette, habillage, déplacements…)
Conseil départemental, selon le GIR[4]
Famille (partiellement financé par l’APA)
Soins
Soins médicaux et paramédicaux assurés dans l’EHPAD
Assurance maladie
Pris en charge intégralement par l’Assurance maladie (non facturé à la famille)

Le nouveau système tarifaire remplace le calcul personnalisé du tarif dépendance par une participation journalière fixe, identique pour tous les résidents.

Fin du tarif dépendance variable selon le GIR

Avant la réforme, la participation financière d’un résident dépendait de plusieurs facteurs : son GIR (niveau de dépendance), ses ressources et les aides comme l’APA. Cela créait des factures complexes et peu lisibles, souvent difficiles à anticiper pour les aidants.

Une participation unique expérimentée à 6,10 € par jour

Désormais, dans les départements concernés, une participation journalière fixe de 6,10 € est appliquée pour les dépenses d’autonomie. Ce montant est identique pour tous, quelle que soit la situation du résident. Il remplace la participation APA, la tarification liée au GIR et d’autres contributions auparavant calculées au cas par cas.

Ce nouveau modèle vise une meilleure prévisibilité des frais, une transparence accrue et une simplification administrative bienvenue. Il reste cependant en phase d’expérimentation, sans application nationale à ce stade.

Une garantie pour les résidents déjà présents

Un mécanisme de plafonnement protège les résidents qui payaient moins que le nouveau tarif au 30 juin 2025 : ils conservent leur ancien montant.

Plancher garanti : pas de hausse pour les personnes déjà en établissement

Pour éviter tout effet de seuil défavorable, une clause de maintien du tarif antérieur a été mise en place. Concrètement, si un résident payait moins de 6,10 € par jour au 30 juin 2025, il continuera à payer ce même montant, sans hausse automatique.

Une mesure de transition rassurante

Cette mesure permet aux familles de ne pas subir de changement brutal, en particulier pour les résidents en GIR 5-6, qui payaient déjà une faible participation. Ce plancher tarifaire est perçu comme une garantie de stabilité pendant la période de test.

Fille d'un résident d'EHPAd prennant connaissance du nouveau tarif dépendance

Une absence ne sera plus facturée

Le nouveau modèle ne prévoit plus de facturation des jours d’absence : seuls les jours de présence dans l’établissement déclenchent le paiement.

Seuls les jours de présence sont désormais payants

Autre évolution importante : la participation journalière n’est due que pour les jours où le résident est physiquement présent dans l’établissement.

Hospitalisation ou congé familial = aucune facturation

En cas d’hospitalisation, de séjour temporaire à domicile, ou d’absence autorisée, aucun frais d’autonomie n’est facturé. Cette mesure répond à une injustice souvent dénoncée par les familles, notamment pour les personnes âgées ayant des passages réguliers en milieu hospitalier.

Un pilotage centralisé par les ARS

Le financement des soins et de l’autonomie est désormais regroupé sous l’autorité des ARS, ce qui vise une meilleure coordination et une plus grande équité territoriale.

Une nouvelle gouvernance pour les soins et l’autonomie

La réforme confie le financement des soins et de la dépendance aux agences régionales de santé (ARS), qui versent un forfait global unique aux établissements. Les familles n’ont désormais plus à gérer les aides départementales pour l’autonomie (comme l’APA), ce qui allège les démarches.

Une gestion plus homogène d’un territoire à l’autre

Cette recentralisation vise à réduire les inégalités territoriales et à clarifier les responsabilités financières. Le tarif hébergement reste à part, inchangé et à la charge des familles.

Où la réforme est-elle appliquée ?

L’expérimentation est limitée à 23 départements répartis sur le territoire métropolitain et en Outre-mer, jusqu’au 31 décembre 2026.

Les 23 départements concernés par la tarification expérimentale

Depuis le 1er juillet 2025, cette nouvelle tarification est testée dans 23 départements, répartis dans 9 régions métropolitaines et 2 territoires d’outre-mer. Elle couvre plusieurs régions métropolitaines (Occitanie, Bretagne, Nouvelle-Aquitaine, Auvergne-Rhône-Alpes, Pays de la Loire, Bourgogne-Franche-Comté, Grand Est, Hauts-de-France, Île-de-France), ainsi que deux territoires d’outre-mer : la Guyane et La Réunion.

Départements concernés : Aude, Cantal, Charente-Maritime, Corrèze, Côtes-d’Armor, Creuse, Finistère, Haute-Garonne, Haute-Marne, Landes, Lot, Lot-et-Garonne, Maine-et-Loire, Mayenne, Métropole de Lyon, Morbihan, Nièvre, Pas-de-Calais, Pyrénées-Orientales, Savoie, Seine-Saint-Denis, Guyane, La Réunion.

Bon à savoir: Métropole de Lyon n’est pas un département, mais une collectivité territoriale à statut particulier, distincte du département du Rhône depuis 2015. Elle exerce cependant les compétences départementales sur son territoire. Elle figure donc dans la liste au titre de cette compétence, mais ce n’est pas formellement un département.

Les familles ayant un proche dans l’un de ces départements sont directement concernées par ce nouveau mode de facturation.

Une réforme encore en phase de test

La réforme est encore évaluée à travers un suivi national : ses effets sur la qualité de prise en charge, les budgets et l’équité territoriale seront analysés avant toute généralisation.

Une période de test jusqu’à fin 2026

La réforme est mise à l’essai jusqu’au 31 décembre 2026. Elle fait l’objet d’un suivi national, notamment pour mesurer ses effets sur :

  • la qualité de l’accompagnement,
  • la viabilité des établissements, notamment en zone rurale,
  • les inégalités d’accès aux soins.

Des ajustements possibles selon les retours terrain

En fonction des résultats observés dans les territoires pilotes, des ajustements réglementaires pourront être mis en œuvre avant toute généralisation. Les familles peuvent ainsi suivre l’évolution du dispositif tout en restant vigilantes sur son application concrète.

Couple de senior participant à l'expérimentation

Ce que la réforme change : tableau comparatif

Avant la réforme (jusqu’au 30 juin 2025)Depuis le 1er juillet 2025
Participation variable selon le GIR et les ressourcesParticipation forfaitaire unique de 6,10 € / jour
Montant variable selon les départementsTarif uniforme dans les départements expérimentateurs
Facturation possible même en cas d’absenceAucune facturation en cas d’hospitalisation ou congé
Interlocuteurs multiples (département, ARS, APA…)Pilotage unique par l’ARS pour soins et autonomie
Facture difficilement lisibleStructure tarifaire simplifiée et transparente
Comparatif des changements avant et après l’expérimentation de ce nouveau dispositif

Et maintenant ? Ce que les familles peuvent faire

La réforme modifie profondément la gestion de l’autonomie en EHPAD, mais elle ne concerne pour l’instant qu’une partie du territoire, dans un cadre contrôlé.

Cette réforme marque un changement profond dans la prise en charge de l’autonomie en EHPAD. Elle simplifie la lecture des factures, renforce la transparence et protège les résidents déjà présents contre toute hausse soudaine. Mais comme toute expérimentation, elle doit encore faire ses preuves.

Si votre proche est concerné, prenez le temps de :

  • vérifier le montant actuellement facturé,
  • échanger avec l’établissement sur les nouvelles règles,
  • suivre l’évolution de la réforme dans votre département.

Mieux informée, chaque famille pourra aborder cette transition de manière plus sereine et anticiper ses impacts à long terme.

Questions fréquentes

Qu’est-ce que le « tarif dépendance » en EHPAD ?

Le tarif dépendance correspond à la part de la facture qui couvre l’aide nécessaire pour accomplir les actes de la vie quotidienne (toilette, habillage, déplacements, repas…).

Son montant varie selon le GIR (niveau de perte d’autonomie évalué par la grille AGGIR[6][3]) :

  • GIR 1-2 : dépendance lourde ;
  • GIR 3-4 : dépendance moyenne ;
  • GIR 5-6 : aucune ou faible dépendance.

Il est partiellement financé par l’APA (allocation personnalisée d’autonomie), versée par le département, le reste étant payé par la famille.

La réforme remplace ce tarif variable par une participation forfaitaire unique dans les départements pilotes.

Cette réforme change-t-elle le tarif hébergement ?

Non. Le tarif hébergement reste inchangé.

  • Pour les places habilitées à l’aide sociale, il est fixé par le président du conseil départemental.
  • Pour les autres places, il est déterminé par l’établissement.

Dans tous les cas, il reste à la charge des familles, avec possibilité d’aides distinctes :

  • aide sociale à l’hébergement (ASH),
  • allocations logement,
  • réduction d’impôt[7].

Sources :

APMnews/Gerontonews

www.cnsa.fr

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Commentaires (8)

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  1. Michèle PEYROUX

    Bonjour
    Je demeure dans le Cantal qui est un département test pour la suppression de la grille GIR. Je suis titulaire d’une assurance dépendance, si la grille est supprimée, éventuellement si je rentre en Ehpad et plus tard en dépendance GIR1 ou GIR 2, mon assurance dépendance sera t’ elle caduque et ne me servira à rien avec cette suppression? Merci

    Répondre
    1. Amandine

      Bonjour

      Je vous remercie pour votre commentaire.
      Votre assurance dépendance devrait continuer à s’appliquer selon les critères prévus dans votre contrat, mais seule votre assurance peut confirmer.
      Bonne journée.
      Amandine

      Répondre
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