Trop souvent présentés sous un aspect négatif, entre épidémie de Covid-19 et faits divers malheureux, les Ehpad sont avant tout un véritable lieu de vie pour de nombreuses personnes âgées en perte d’autonomie. Toute une vie sociale s’y tisse entre résidents venus de divers horizons. C’est cet univers que nous fait découvrir l’auteur Séverine Vidal dans la bande dessinée Le Plongeon, illustrée par Victor Lorenzo Pinel. Jérémie Levy, en charge de la communication chez Cap Retraite, a eu l’honneur d’interviewer pour vous l’auteur qui ouvre une fenêtre sur un monde gagnant à être mieux connu.

JL : Séverine bonjour. En ce début d’année 2021, vous publiez, avec le dessinateur Victor Lorenzo Pinel, une bande dessinée nommée Le Plongeon aux Éditions Grand Angle. Pouvez-vous nous raconter un peu ce Plongeon ?

SV : Ce plongeon c’est celui d’Yvonne, qui a un peu plus de 80 ans et ne peut plus vivre chez elle, dans a grande maison où elle a vécu toute sa vie. C’est devenu un peu trop dangereux pour elle.

Elle est placée dans un Ehpad. Ce plongeon est celui de la découverte de ce monde. On la voit quitter sa maison d’abord et puis entrer dans l’établissement. Au départ, elle est accompagnée par une partie de sa famille, mais, elle est assez vite seule dans sa chambre. Là, elle découvre les lieux : un endroit où elle va passer, très certainement, le reste de sa vie et où elle n’a pas de souvenirs. Un endroit qu’elle n’a pas décoré et qui ne représente rien pour elle.

On va suivre le parcours de sa nouvelle vie.

Yvonne est une personne qui a eu une vie bien remplie, qui a encore toute sa tête et est encore assez rebelle, assez indépendante en tout cas. Elle va apporter dans cet Ehpad une petite note de légère rébellion.

Je ne raconte pas tout, mais, elle méritait une dernière fugue, une parenthèse enchantée. Je lui fais vivre cela, avec les autres résidents, parmi lesquels elle va se faire des copains.

JL : D’après mes recherches, vous avez commencé votre carrière en écrivant des livres pour enfants. Qu’est-ce qui vous a donné envie de passer de l’autre côté et de raconter cette histoire à propos d’une personne âgée ?

SV : C’est une suite assez logique. J’ai toujours écrit pour tous les âges : des romans, des albums et des BD, pour enfants et pour adolescents.

Dans le cadre de cette activité, je fais beaucoup d’ateliers d’écriture. Essentiellement dans le milieu scolaire, mais aussi, quand j’en ai l’occasion, dans des Ehpad, dans des foyers pour adultes en situation de handicap ou dans des foyers pour les migrants. J’aime beaucoup faire écrire les autres et je recherche différents types de publics. Cette histoire est née au cours de ces ateliers.

Je n’ai pas fait ces ateliers dans le but d’écrire une BD qui s’y passerait. Cela s’est fait comme cela, au fil des rencontres que j’ai pu y faire. La BD est née dans les Ehpad à partir de l’émotion de ces rencontres.

Lorsqu’on fait des ateliers dans les Ehpad il y a beaucoup de surprises : ce que j’avais prévu n’arrive pas.

Habituellement, je connais bien les ateliers en milieu scolaire et en général, j’ai un canevas fixé et c’est ce que se passe à peu près. J’ai de belles surprises, évidemment, sur les textes qui sont écrits. Je ne peux pas les deviner à l’avance, mais en tout cas, le canevas que je me fixe est respecté.

Dans les Ehpad ce n’est pas du tout le cas. Les résidents font exploser cela assez rapidement. En cinq minutes, il y en a deux qui se lèvent et qui commencent à raconter tout à fait autre chose. En fait, on rit beaucoup, on pleure aussi, parce que chacun raconte un passage de sa vie et cela fait échos chez les autres à d’autres souvenirs. Cela devient alors une grande discussion plus qu’un atelier d’écriture.

Des personnalités émergent très rapidement. On n’a plus une masse indistincte de petits vieux. On a vraiment des personnalités. Celui qui était timide l’est resté, celui qui était rebelle aussi. On a ces gens qui sont la somme de tout ce qu’ils ont été par le passé et très vite, cela m’a donné envie de créer une petite galerie de personnages.

Page de la BD le Plongeon

JL : Est-ce que lors de ces ateliers justement, il y a une personne ou une histoire qui vous a marquée particulièrement ?

SV : Il y a beaucoup d’histoires et de petits moments. Par exemple, ce monsieur (je l’ai remis dans la BD) qui était dans un fauteuil roulant. Je demandais aux participants de parler de leurs rêves. Cet homme a tout simplement dit : « Je voudrais courir encore une fois. » C’était simple, émouvant et poignant.

Ce sont des personnalités qui vous touchent forcément. Elles m’émeuvent et me font rire, à la fois, c’est tout ce que je recherche dans la vie.

On a aussi des émotions, parce que dans les Ehpad se trouvent souvent des frères, des sœurs, des cousins et des cousines… J’ai fait beaucoup d’ateliers à la campagne. Dans les Ehpad ruraux, certains résidents se suivent depuis l’école, ils se connaissent par cœur. Je viens deux ou trois heures et assez vite, finalement, on assiste à des « scènes de famille ». L’atmosphère dans ces Ehpad est très particulière.

Une dame de 98 ans qui assistait à un autre atelier était très en forme, tandis qu’une autre, beaucoup plus jeune, mais moins en forme, a quitté l’atelier parce qu’elle était fatiguée. Marie-Noël, 98 ans, l’a regardée et a dit : « Oui, oui, va-t’en ! On fera dire une messe ! » Je trouve ce genre de petites vannes entre personnes de plus de 95 ans très drôles. Cette dame va très bien. J’ai eu de ses nouvelles : elle a fêté ses 101 ans.

Ce sont des personnalités qui vous touchent forcément. Elles m’émeuvent et me font rire, à la fois, c’est tout ce que je recherche dans la vie.

JL : Chez Cap Retraite, notre quotidien consiste à accompagner des familles qui se préparent à l’entrée en EHPAD de leur proche. Conseilleriez-vous la lecture de cette BD à ces gens qui ont parfois assez peur de ce qui va se passer ? Est-ce que cette BD peut être un moyen de se préparer à ce que sera la vie en EHPAD pour leur proche ?

SV : Je ne sais pas, je ne l’ai pas écrite pour cela. J’ai juste voulu suivre mon personnage. Je suis partie d’Yvonne et je l’ai suivie où elle a voulu m’emmener.

Mais, nous avons beaucoup de retours de personnes qui travaillent dans les Ehpad et d’enfants ou de petits-enfants de personnes qui ont été placées cette année notamment et cela leur a fait du bien. Pourtant je n’édulcore pas grand-chose dans cette BD. Je décris vraiment le quotidien, avec les tentatives d’occuper les résidents avec des ateliers, qui sont plus ou moins bien vécus par eux.

Je ne cache rien non plus des corps, de ce qui peut se passer tout simplement entre des vieux qui peuvent s’aimer et se désirer. Il y a aussi cet aspect-là.

Je sais — on me l’a dit — que cette histoire d’Yvonne était assez touchante et pouvait donner une autre vision du grand âge. Peut-être que cela donnera envie à ces gens de venir voir leurs aînés, car certains sont très délaissés et ne reçoivent quasiment jamais aucune visite.

JL : Sans raconter l’histoire, il a aussi une belle histoire d’amour qui se vit au sein de l’Ehpad. On en connaît aussi chez Cap Retraite. On a la chance d’en suivre et on a quelques d’histoires croustillantes et magnifiques. Pensez-vous que l’Ehpad puisse être justement un endroit où l’on peut trouver, et surtout retrouver l’amour ?

SV : Je crois que cette thématique est quand même encore assez tabou. Je ne sais pas. Je n’ai aucun chiffre et aucune référence à ce sujet.

J’ai inventé cette histoire. C’est une création de ma part. Lors de mes ateliers, on ne m’a pas raconté ce genre d’histoires. En fait, j’avais entendu une émission sur France Culture, je crois que c’était dans Les Pieds sur Terre. On entendait le témoignage d’un couple de personnes vraiment très âgées qui était tombé amoureux dans un Ehpad. En fait, la famille de la femme n’avait absolument pas supporté cette union et l’avait mise dans un autre établissement. Le monsieur était malheureux et exprimait un chagrin d’amour intense. Il comprenait qu’il ne l’a reverrait pas, tout simplement. Cela m’avait beaucoup bouleversée.

Pour Yvonne, j’ai inventé cette histoire d’amour. En même temps, je comprends que cela puisse être compliqué pour le personnel et que cela doit être quelque chose qu’il faut certainement encadrer, être vigilant pour voir s’il y a bien un consentement des deux côtés, pour certaines personnes âgées qui n’ont pas forcément toutes leurs capacités cognitives.

Dans ce cas-là, on peut dire qu’Yvonne est tout à fait consentante.

JL : Avec cette BD, êtes-vous consciente que vous allez redonner de l’espoir à des familles qui doivent placer leur proche âgé, et qui parfois sont terriblement perturbées par ce qui se dit dans la presse sur les EHPAD ?

SV : C’est gentil. Je ne m’en étais pas forcément rendu compte en écrivant, ce n’était pas mon but et tant mieux, si cela a cette vertu-là.

Je pense que je suis bien tombée quand je suis allée dans les ateliers. Il faut dire qu’à partir du moment que l’équipe décide de proposer des ateliers d’écriture, c’est qu’il a là une volonté de faire parler les résidents, de leur apporter quelques heures de réconfort et d’échanges.

J’ai vu des équipes hyper bienveillantes, qui sont aux petits soins, qui assistent à l’atelier d’ailleurs, ils ne me les laissent pas comme si c’était une « garderie ». Ils restent avec moi, ils sont assis avec les résidents. Je n’en prends pas plus de douze pour que cela reste intime. Ce que j’ai vu c’est cela. Je sais qu’il y a d’autres réalités. Mais c’est possible et cela arrive souvent, puisque j’en ai fait beaucoup.  

Après, la meilleure solution pour être rassuré, c’est de venir souvent, pour voir la personne et vérifier que cela va et qu’on s’occupe bien d’elle.

Page de la BD Le Plongeon

JL : Vous avez raison. On ne redit jamais assez souvent que c’est l’un des éléments essentiels dans la bonne intégration de la personne âgée. Les familles doivent aller rendre visite à leur proche et aussi s’assurer qu’il est vraiment au bon endroit et vit bien ces moments.

SV : Exactement !

JL : En tout cas, chez Cap Retraite, nous avons adoré cette BD. Cela fait 25 ans que nous aidons des gens à entrer en Ehpad et cela nous a fait rire, cela nous a fait pleurer. À travers cette histoire d’Yvonne, on a vu des dizaines de milliers de mamies qu’on a pu aider à intégrer un Ehpad. Il y a des critiques qui sont excellentes, vous pouvez les voir partout sur Internet.

Je suis certain que toutes les familles Cap Retraite seront ravies de lire cette BD. D’ailleurs avec le lien ci-dessous, vous pourrez acquérir la BD et vous la faire livrer rapidement :

Séverine Vidal : Le Plongeon

Pour les familles qui se posent encore des questions sur l’entrée en Ehpad de leur proche âgé, cette BD vous permettra de mieux comprendre la réalité dans ces résidences. Vous allez rire, vous allez pleurer, vous allez adorer Yvonne qui peut être votre maman ou votre grand-mère.

J’ai vu des équipes hyper bienveillantes, qui sont aux petits soins

Merci à vous, Séverine, de nous avoir consacré du temps en pleine promotion de la BD. J’ai vu le tome 1 et je me suis demandé si vous aimeriez justement écrire d’autres histoires de personnes âgées comme Yvonne ?

Séverine Vidal : Normalement, c’était un one shot. Ce n’est pas une série qui démarre, mais une histoire complète. Je suis en train d’écrire d’autres histoires.

J’ai très souvent écrit sur les personnes âgées. J’ai écrit des romans : Quelqu’un qu’on aime, qui aborde la question de la maladie d’Alzheimer, avec un grand-père qui a une relation assez intense avec son petit fils.

J’ai écrit des albums pour les tout-petits sur les mamies :

  • J’attends Mamy, qui aborde plus précisément la question de la mort, et
  • un autre beaucoup plus rigolo qui s’appelle Mamythologie et qui met en scène un petit garçon qui est tellement fan de sa grand-mère qu’il donne des explications complètement farfelues aux petits défauts qu’elle commence à avoir en vieillissant. Il en fait une espionne.

C’est une thématique que je creuse beaucoup. Ce n’est pas nouveau chez moi.

J’ai aussi écrit un petit album qui s’appelle L’attrape Lune, c’est un grand père qui adore raconter des histoires à son petit-fils, mais en se donnant un peu le beau rôle et c’est un papi un peu mythomane, et finalement ce qu’il imagine arrive et il se retrouve sur la lune avec son petit-fils. C’est illustré par Baroux.

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Yaël A.,Rédactrice chez Cap Retraite

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