Une maison de retraite LGBT+ friendly ? C’est désormais possible ! Avec la certification GREY PRIDE bienvenue, Francis Carrier et son association brisent les tabous autour des seniors gays. Dans le viseur : les idées reçues sur l’identité des genres, les besoins affectifs et la sexualité des personnes âgées. Un combat que le fondateur de Grey Pride mène depuis 2017 jusqu’à lancer son label de la diversité en Ehpad ce septembre 2022. Il en dévoile les contours pour Cap Retraite.
Un collectif luttant contre la « désexualisation des vieux »
Bonjour Francis Carrier, pouvez-vous vous présenter ainsi que votre collectif et vos actions ?
Je suis le président d’honneur et le fondateur de Grey Pride. J’ai créé ce mouvement il y a 6-7 ans en raison de l’invisibilité des seniors LGBT + et des questions posées autour de ces minorités. C’est-à-dire la difficulté liée à la “désexualisation des vieux”. En effet, passé un certain âge dans notre société, un individu n’a plus de sexualité, d’orientation sexuelle, ni d’identité de genre…
Progressivement considéré comme un objet de soin. Nous avons donc décidé de réagir face à cette situation, que j’estime proche de la maltraitance. Car, réduire une personne à sa santé ou à son coût, c’est l’amputer d’une partie d’elle-même et donc lui enlever une partie du désir de vivre.
Vous lancez votre label « Grey Pride bienvenue » en maison de retraite, pourquoi et en quoi cela consiste?
Le label Grey pride bienvenue fait plus référence à une révolution culturelle. L’idée est d’imposer le respect de l’identité des vieux lorsque l’on parle de bientraitance. Si l’on cherche à maintenir le désir de vivre, on doit considérer tout individu dans son intégrité et dans ses différences. Quel que soit son âge, toute personne doit pouvoir raconter quelles sont ses aspirations, ses ardeurs, ses pulsions, son histoire… sans s’en cacher ou devoir les oublier. Après tout, ces besoins sont inscrits en nous, de notre naissance jusqu’à notre mort et n’ont pas de limite d’âge.
Quelqu’un d’âgé qui doit encore réinventer une histoire ou se cacher
d’avoir vécu avec un homme ou une femme, parce qu’il est homosexuel,
c’est intolérable.
Notre démarche est simple: pour retrouver l’intégrité des vieux et des vieilles, nous ne devons plus nous limiter aux besoins physiologiques (manger, dormir et soigner) pour affirmer une bonne prise en charge des seniors. Les aînés ont des aspirations et besoins d’appartenances qui maintiennent leurs désirs de vivre, de se projeter pour continuer à avoir une estime d’eux-mêmes positive.
Construire un environnement épanouissant
En 2022, la question de la sexualité des personnes âgées a-t-elle évolué ?
Lors des débuts de Grey Pride, les gens écarquillaient les yeux en se disant « mais qu’est-ce qu’il raconte ? « . Certes, il y a plus d’écoute en 2022. Les gens comprennent l’importance de la démarche, car mes paroles prêchent le respect des individus. Pour autant, l’évolution est encore très lente et les images négatives associées à la sexualité persistent. On vit dans une société de jeunisme où la libido appartient aux jeunes et aux beaux. Dès l’instant où l’on sort de ces catégories, les choses mettent du temps à changer : les représentations de corps vieillissants sont inexistantes. Sans parler du senior gay qui exprime un désir… Vite suspecté de “vieux libidineux” ou de “vieille folle”.
Si la société conçoit cette réalité, changer les mentalités demande d’intervenir à la fois sur la culture, le regard et l’acceptation de soi.
Aujourd’hui encore, le monde s’évertue à soumettre progressivement chaque aîné à ce diktat. Celui où l’on accepte de s’auto-exclure, renoncer à sa sexualité, à ses plaisirs, à ses besoins affectifs. Cette soumission est une stratégie commune à la plupart des personnes et l’accepter est inacceptable. On doit pouvoir dire à tout âge « j’ai envie d’aimer, j’ai envie de tendresse ou de caresser quelqu’un ».
Quels sont les facteurs d’épanouissement des seniors selon vous ?
L’épanouissement né du respect de soi-même et de son intégrité. Pour améliorer l’image de la vieillesse, les différents acteurs du secteur (politique, commercial et médical, ndlr) doivent intégrer cette globalité et les besoins primaires associés.
Un label pour initier de meilleures pratiques en Ehpad
Quelle application souhaitez-vous faire de ce label ? Quel problème va-t-il résoudre?
Notre label, aidé par l’organisme de formation TLC conseil, se compose en deux parties :
- Une dédiée à l’identité, la sexualité, l’orientation sexuelle des aînés.
- La seconde, proposée aux référents, pour appliquer cette démarche à travers des animations et des ateliers.
Ce label éduque à la fois :
- Les personnes âgées dans la lutte contre la vision dégradée qu’ils ont d’eux-mêmes.
- Les salariés du secteur qui ignorent le potentiel de leurs champs d’actions.
- Les familles aux idées préconçues sur la vision de leurs parents et grands-parents.
L’objectif est de réussir à faire vivre ces ateliers. Créer un mouvement entre les établissements qui auront choisi cette démarche afin d’échanger entre eux sur les bonnes pratiques, les difficultés ou programmer des rencontres annuelles.
À qui s’adresse le label et comment l’obtenir ?
Le label Grey Pride s’adresse aux maisons de retraite et Ehpad, comme aux structures d’aide à domicile. Présentée sous forme de charte, la formation de 2 à 3 jours engage les référents de chaque établissement.
Quels gestes ou façons de faire, recommandez-vous pour mettre à l’aise les aînés sur la question de leur sexualité ?
Toute communication passe par des signaux. Concernant la sexualité, les rencontres et tous les aspects affectifs, les établissements informent via des animations, films, discussions et affiches. Autant de supports qui ouvrent sur la normalité, la vraie vie et la diversité, sans contraindre les gens à rentrer dans un moule.
Qu’attendez-vous des maisons de retraite afin qu’elles soient plus accueillantes envers les personnes âgées LGBT+ ?
On attend des structures, un lieu où l’on puisse vivre comme chez soi. Un endroit semblable aux personnes qui y vivent. Loin de l’image des maisons hospitalières qui renvoient à la fragilité et aux soins. Ses établissements doivent, au contraire, permettre aux gens de vivre selon leurs rythmes, leurs envies et leurs rencontres. Actuellement, ces maisons de retraite standardisent le 3e âge alors qu’elles pourraient devenir des lieux personnalisés selon les résidents accueillis.
Par définition, le standard exclut.
Avec ce label, transformons ces lieux
« où l’on permet aux gens de survivre »
en de véritables lieux de vie où chacun est différent.
Lancé en septembre 2022, le label Grey Pride compte déjà 2 Ehpad parisiens certifiés. Cette démarche de sensibilisation à l’inclusion invite d’autres résidences et structures d’aide à domicile à suivre la révolution du respect de l’intégrité des personnes âgées. Grey pride c’est aussi le CNAV, le Conseil National Autoproclamé de la Vieillesse, pour défendre la place des seniors dans la société. Retrouvez toutes leurs actions d’empowerment des personnes âgées sur les réseaux avec l’hashtag #RienPourLesVieuxSansLesVieux.
Note de l’article (3 votes)
Cet article vous a-t-il été utile ?
Notez cet article afin de nous permettre d’améliorer nos contenus.
Réagissez, posez une question…