Partout en France, la menace de fermeture des EHPAD publics inquiète. Les chiffres récents s’accumulent, les alertes se multiplient. Les familles, souvent prises de court, cherchent des repères : que faire lorsque l’établissement qui héberge un parent figure parmi ceux dont la pérennité est mise en question ? À travers les départements, la tension monte, portée par une crise financière structurelle, des choix politiques, un vieillissement accéléré de la population. Derrière les données, des vies, des habitudes, des angoisses. Naviguer dans ce contexte demande lucidité et anticipation. Cet article vous expliquera les démarches à suivre pour protéger vos proches, les aides et droits auxquels vous pouvez prétendre, et les solutions possibles si la fermeture de l’établissement devient inévitable.
Une vague de fermetures sans précédent en 2024-2025
La situation des EHPAD[1] publics s’est considérablement détériorée ces deux dernières années.
Une crise financière structurelle pour le secteur public
Plusieurs régions, des Hauts-de-France à la Vendée, subissent de plein fouet les fermetures, temporaires ou définitives, de structures jusque-là essentielles à l’accueil des personnes âgées dépendantes.
Dans les Hauts-de-France, dix établissements sont menacés, cinq sont déjà fermés depuis 2022. Même scénario dans le Lot-et-Garonne, la Lozère, l’Ille-et-Vilaine, le Val-de-Marne. La liste s’allonge, touchant autant les territoires ruraux que périurbains.

Un phénomène national aux conséquences durables
Le phénomène n’est pas ponctuel. Il s’inscrit dans une dynamique nationale : selon la Fédération hospitalière de France (FHF), près de la moitié des 7 500 EHPAD français relèvent du secteur public.
En 2024, environ sept EHPAD publics sur dix affichent un déficit, malgré des aides d’urgence renforcées. Sans ces dispositifs exceptionnels, le taux grimperait à huit sur dix. Le déficit moyen approche 3 000 euros par place, soit 300 000 euros pour un établissement de 100 lits. En cumulé, la dette des EHPAD publics hospitaliers atteint deux milliards d’euros entre 2022 et 2024.
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Pourquoi les EHPAD publics vacillent
Les établissements publics paient le prix de distorsions socio-fiscales persistantes : non-éligibilité à certains allègements de charges, absence d’exonération sur les taxes salariales accordées au privé, couverture directe du risque maladie, cotisations retraites en progression.
À cela s’ajoutent des dépenses sous tension : hausse du coût de l’énergie, de l’alimentation, du matériel. Les difficultés de recrutement aggravent encore la situation, forçant à recourir à l’intérim, dont les tarifs explosent. Résultat, les sections “hébergement” et “dépendance[2]”, qui sont les piliers du financement, plient, les déficits s’accumulent.
L’offre publique, historiquement plus accessible, se trouve asphyxiée. Les établissements privés, eux aussi sous pression, ne compensent pas cette perte : plus de la moitié des EHPAD privés non lucratifs étaient en déficit en 2022, et près d’un tiers dépassaient 5% de déficit sur leur budget. Le secteur de l’aide à domicile[3], pourtant essentiel pour retarder ou éviter l’institutionnalisation, manque cruellement de personnel formé.
Des conséquences concrètes pour les résidents et leurs familles
Lorsqu’une fermeture est décidée, la vie des résidents bascule. Déménagement forcé, perte de repères, parfois relogement dans des conditions moins favorables : chambres doubles au lieu d’une chambre individuelle, équipements absents, éloignement géographique de la famille. Les frais peuvent aussi s’envoler.
Certains établissements imposent des hausses de tarifs substantielles pour tenter de retrouver l’équilibre (plus de 540 euros par mois en Vendée, par exemple). Le reste à charge moyen pour une famille frôle déjà 2 200 euros mensuels.
Les familles, souvent informées tardivement, vivent mal ces transitions. Mobilisées, elles interpellent élus et autorités, dénoncent la dégradation de l’accompagnement, parfois le sentiment de maltraitance institutionnelle. Les directeurs d’établissements eux-mêmes parlent d’une pression inédite, d’une impossibilité à “baisser le rideau” malgré l’épuisement des équipes et des budgets.

Que faire si l’EHPAD de votre parent est concerné ?
Face à une menace de fermeture, le premier réflexe : s’informer, sans attendre. Les directions d’établissements, les conseils départementaux, les Agences régionales de santé (ARS) sont les interlocuteurs clés.
- Demander des précisions sur la situation, les délais, les options envisagées. Certains établissements organisent des réunions d’information, souvent en lien avec les autorités ; la présence des familles y est essentielle.
- Envisager dès que possible les alternatives : autres EHPAD publics, structures privées non lucratives, établissements commerciaux, mais aussi solutions comme l’accueil familial ou le maintien à domicile[4] renforcé.
- Les services sociaux du département disposent de listes d’établissements disponibles dans la région, ainsi que des modalités d’accès.
- Vérifier l’accès aux aides financières et dispositifs d’urgence : elles peuvent différer selon le statut de l’établissement, il convient donc de vérifier l’éligibilité à l’APA (allocation personnalisée d’autonomie), aux aides sociales départementales, voire à des dispositifs spécifiques en cas d’urgence ou de vulnérabilité accrue.
Les démarches administratives prennent du temps : constituer un dossier d’admission, organiser le transfert médicalisé, prévoir le déménagement des effets personnels. Mieux vaut s’y préparer tôt, même si la fermeture n’est encore qu’une hypothèse.
Bon à savoir : Se mobiliser collectivement a montré son efficacité dans certains territoires. Les associations de familles de résidents, la Fédération hospitalière de France, les collectifs citoyens peuvent soutenir les démarches, interpeller les élus locaux et nationaux, obtenir parfois un moratoire ou une révision de la décision. L’arrêt du Conseil d’État du 13 avril 2023 a rappelé que toute fermeture fondée sur des erreurs factuelles peut être suspendue : contester, demander un réexamen, appuyer sur les points faibles de la procédure administrative reste possible.
FAQ : les réponses aux questions les plus fréquentes
Quels sont les signes avant-coureurs d’une fermeture ?
Des difficultés financières persistantes, une baisse de qualité des services, des alertes de la direction, des visites d’inspection répétées avec injonctions non suivies d’effet — tous ces éléments doivent alerter. Les médias locaux relayent les menaces de fermeture.
Peut-on refuser le transfert de son parent ?
Si la fermeture est prononcée pour des raisons de sécurité ou de santé publique, le transfert devient obligatoire. Il reste possible de solliciter un délai, de négocier avec les autorités pour un relogement adapté, voire de contester la procédure si elle vous semble irrégulière.
Comment défendre le maintien de l’établissement ?
La mobilisation collective, le relais par la presse, l’intervention d’élus, le recours à des associations nationales — ces leviers pèsent dans la balance. Les familles peuvent demander un audit externe, proposer des solutions alternatives, demander un moratoire.
Quelles aides pour financer un nouveau placement ?
L’APA, les aides sociales départementales, les exonérations fiscales sur les frais de dépendance. Les équipes sociales du département ou de la caisse de retraite accompagnent les démarches.
Les EHPAD publics, près de la moitié du parc français, accueillent une population souvent plus modeste que le secteur privé. Leur disparition, dans certains bassins de vie, signifierait la fin d’une offre financièrement accessible, un risque d’exclusion pour les familles les moins favorisées. Le débat de fond, aujourd’hui, porte sur la capacité de la France à garantir un droit à la dignité pour ses aînés, dans un contexte de vieillissement accéléré et d’explosion des besoins. Les mois à venir seront déterminants. La question, désormais, n’est plus de savoir si la crise va s’aggraver, mais comment y répondre. Les familles, en première ligne, n’ont pas d’autre choix que de s’adapter — et, parfois, de lutter pour que la solidarité publique ne devienne pas un souvenir.
Sources :
Fédération hospitalière de France (FHF). Enquête nationale sur la situation des EHPAD publics en 2024 – Présentation des résultats (mai 2025).
FHF. « Depuis 2022, un déficit cumulé de près de 2 milliards d’euros… » Communiqué de presse. 13 mai 2025.
Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES). Fiche « Le coût de la prise en charge de la perte d’autonomie » (déc. 2024).
DREES. Fiche « Les établissements d’hébergement pour personnes âgées (EHPAD) » – édition 2024 (déc. 2024).
Sénat. Rapport d’information « Situation des EHPAD » (r23-778) juillet 2023.
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[1] EHPAD
Les EHPAD sont des établissements médicalisés qui accueillent des personnes âgées qui ont besoin de soins médicaux réguliers et d’une aide dans leur vie quotidienne.
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[2] Dépendance
La dépendance de la personne âgée désigne le besoin d’aide pour réaliser les tâches de la vie quotidienne en raison de problèmes physiques ou mentaux.
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[3] Aide à domicile
L’aide à domicile est un service qui accompagne les personnes chez elles en leur apportant une assistance pour les tâches de la vie courante, comme le ménage, les courses, ou…
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Le maintien à domicile permet aux personnes âgées ou dépendantes de vivre chez elles en recevant l’aide nécessaire pour rester autonomes et en sécurité.
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