Une mesure de protection juridique est un dispositif chargé de protéger les personnes vulnérables devant la loi. Lorsqu’une personne voit ses facultés cognitives s’altérer (maladie d’Alzheimer[1] ou pathologies apparentées), ses proches peuvent craindre pour son quotidien. Le senior peut être victime d’escroqueries, effectuer des achats inconsidérés… Il s’agit alors de protéger la personne en perte d’autonomie, mais également son patrimoine.

Quatre dispositifs de protection juridique sont prévus lorsque la personne ne peut plus s’occuper seule de la gestion de ses biens (du plus “léger” au plus engageant) : 

  • le mandat de protection future
  • la sauvegarde de justice[2]
  • la curatelle[3]
  • la tutelle[4]

Le mandat de protection future pour un malade d’Alzheimer 

Le mandat de protection future n’est pas exactement une mesure judirique, mais une option permettant d’anticiper la dépendance[5]. C’est le dispositif le plus facile à utiliser, sans intervention d’un juge. En tant voulu, il servira de procuration à la personne désignée en amont.

La désignation du mandataire

Le patient souffrant d’Alzheimer (à un stade suffisamment léger pour rester capable juridiquement) désigne une personne en qu’il a confiance pour être son futur “mandataire”. Ce dernier peut être un proche (conjoint, enfant, ami…) ou un professionnel choisi dans la liste des mandataires agréés. Cette liste est disponible au tribunal d’instance du domicile. Ce professionnel est appelé un “mandataire judiciaire à la protection des majeurs”. 

Une personne présentant des facteurs de risques de la maladie ou des troubles de la mémoire peut désigner son mandataire librement. Faire ce choix à un stade précoce d’Alzheimer permet d’avoir une assurance de protection juridique et de simplifier les démarches. 

Ce mandat peut être notarié ou réalisé sous-seing privé (ou sous signature privée). Le champ d’action du mandataire est plus vaste, si l’acte est enregistré devant un notaire. Il peut effectuer des “actes de disposition”, selon le vocabulaire juridique. Par exemple, le mandataire peut vendre un bien de la personne protégée. Les actes de dispositions à titre gratuit (donation) nécessitent toutefois l’autorisation du juge des contentieux à la protection…. 

Toutes ces actions doivent être enregistrées et transmises au notaire par un compte de gestion chaque année.  

Les pouvoirs du mandant sont encadrés, afin d’éviter tout débordement. Le notaire exerce un contrôle sur la bonne exécution du mandat et doit signaler au juge tout acte qui lui semble abusif. 

Alzheimer avancé : en cas de perte d’autonomie

Cette mesure n’a pas de valeur immédiate. Elle sera appliquée lorsque la personne ne sera plus capable de discernement, car trop dépendante. Pour demander à exercer ses compétences, le mandataire devra alors apporter au tribunal judiciaire (ancien tribunal d’instance) les preuves d’une dépendance avancée :

  • certificat médical de moins d’un mois, 
  • papiers d’identité des personnes concernées, 
  • justificatif de domicile.

Il remplacera ensuite le senior pour veiller à ses intérêts dans les actes de la vie civile. Cette protection permettra d’éviter les actes d’abus de faiblesse, arnaques et cas de litiges liés. 

C’est pourquoi, de nombreux proches de personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer à un stade précoce optent pour cette option. Car elle est peu contraignante et facile à mettre en place. 

La sauvegarde de justice : une mesure temporaire

La sauvegarde de justice est toujours limitée dans le temps et ne peut avoir une durée supérieure à deux années (un an renouvelable).  

La sauvegarde se prononce soit pour une durée limitée soit pour la réalisation d’un acte spécifique. 

Cette mesure ne s’avère pas un bon choix au long terme pour protéger les actes d’une personne souffrant d’Alzheimer. En effet, son caractère temporaire se concilie difficilement avec une personne dont les facultés cognitives s’altèrent.

En revanche, cette mesure de protection judiciaire est excellente dans l’urgence. Elle est souvent mise en place plus rapidement que la curatelle et la tutelle. Même un médecin peut la demander, en passant par le procureur de la République, lorsqu’il constate l’altération des facultés du senior.

C’est le cas par exemple pour un patient atteint de la maladie d’Alzheimer et hospitalisé à la suite d’une chute ou d’une maladie. À la sortie d’hôpital, sa prise en charge peut nécessiter des décisions que le senior ne peut prendre seul. Dans ce cas, le médecin peut faire un signalement au procureur de la République, qui devra faire une demande devant le tribunal judiciaire. Un mandataire peut alors être nommé pour veiller aux intérêts du majeur. Si le juge l’y autorise spécifiquement, en prononçant une représentation relative à la personne, il peut même autoriser un placement en Ehpad[6].  

Pour mieux comprendre la maladie d’Alzheimer, la définition, causes et traitement.   

Personne atteinte d'Alzheimer assistée par sa fille

La mise sous curatelle d’un patient Alzheimer

La curatelle correspond à un système d’assistance auprès de la personne protégée. Le Code civil définit cette mesure dans l’article 440.  

Il existe trois formes de curatelle, selon le degré de soutien auprès de la personne atteinte de la maladie d’Alzheimer :

  • la curatelle simple,
  • la curatelle aménagée,
  • la curatelle renforcée.

Une demande de mise sous curatelle doit être envoyée au tribunal judiciaire. Le juge des contentieux de la protection (anciennement juge des tutelles[7]) étudie la demande, instruit et rend son jugement dans un délai d’un an maximum dès réception. Les décisions du juge peuvent être contestées en appel. 

La personne à protéger peut donner son avis sur son curateur, même si la décision appartient au juge en charge. Le juge peut décider de diviser en deux la curatelle : une pour la protection de la personne, une autre pour la gestion de son patrimoine. Le curateur peut être une personne étrangère au majeur à protéger.  

Alzheimer : comment la curatelle s’applique-t-elle ?

Dans l’adoption d’une curatelle, le juge estime le patient suffisamment autonome pour réaliser tous les actes du quotidien. Par exemple, une personne sous curatelle simple gère ses comptes bancaires sans aide. 

Le curateur assiste le majeur pour des actes qui engagent davantage le patrimoine. Par exemple,il devra approuver la vente ou l’achat de biens immobiliers. 

Le curateur ne peut pas du tout ouvrir de compte bancaire au nom de la personne diagnostiquée Alzheimer. Rappelons qu’il assiste la personne en perte d’autonomie. 

De même, le curateur rend également des comptes annuels au juge des contentieux de la protection .   

La loi souligne que le majeur protégé a besoin d’être assisté ou contrôlé d’une manière continue dans les actes importants de la vie civile. Le curateur ne se substitue pas à la personne en perte d’autonomie. 

La curatelle aménagée

Le curateur assiste davantage l’adulte souffrant d’Alzheimer dans ce cadre de protection. Le juge des contentieux de la protection détermine le champ d’action du curateur. Il s’agit d’une réelle prise en compte de la situation patrimoniale du senior placé sous curatelle, au cas par cas. 

La curatelle renforcée

Enfin, la curatelle renforcée apparaît comme un système de protection à caractère hybride, entre curatelle et tutelle. Les textes de loi font aussi référence à une curatelle aggravée. 

Elle s’adresse aux personnes qui ont perdu leur autonomie dans la gestion des actes de leur vie courante.  Par exemple, la personne sous curatelle renforcée peut choisir son lieu de résidence, mais ne peut pas signer seule de contrat de location. Un autre exemple est l’apparition du nom du curateur sur les carnets de chèque. 

Le malade d’Alzheimer, même à un stade avancé de la pathologie, peut bénéficier de ce régime. Le curateur demeure présent si un acte déraisonnable est réalisé. 

La tutelle adaptée à un patient Alzheimer dépendant

La tutelle demeure la mesure de protection la plus lourde car est une atteinte à la liberté d’une personne. Elle fait même l’objet d’un chapitre entier du Code civil sur les majeurs en tutelle (articles 492 à 507 du Code civil). 

Encadrée par d’autres articles 440 à 476 du Code Civil, elle peut être simplifée, avec un seul tuteur, ou complète (avec plusieurs intervenants comme le conseil de famille, le subrogé tuteur, le tuteur ad hoc…). Elle est aussi proportionnée selon le degré d’autonomie du senior et l’altération de ses capacités physiques et cognitives. 

Quel est le champ d’action du tuteur?

Le tuteur représente le majeur, c’est-à-dire qu’il agit à la place de la personne protégée dans les actes courants et la gestion du patrimoine. Comme le curateur, le tuteur peut être une personne externe à l’entourage. Certains recommandent même une personne sans lien avec la famille, pour respecter davantage d’objectivité pour les décisions à prendre. 

La demande est réalisée auprès du juge des contentieux de protection. Les proches (ou le procureur de la République) doivent alors constituer un dossier pour mettre en place la tutelle. Elle ne peut excéder une durée de vingt ans de façon exceptionnelle (généralement cinq années avec prolongation de même durée). 

Senior avec son tuteur

Le statut du tuteur 

Dans tous les actes, le tuteur remplace la personne placée sous tutelle. 

A ce titre, il peut annuler les contrats et transactions conclus par le senior pendant la tutelle. 

Le tuteur n’a cependant pas un contrôle absolu sur sa gestion. Ce rôle appartient au subrogé tuteur, nommé par la famille ou le juge. Il surveille les actes du tuteur et peut saisir le juge s’il estime une mauvaise action allant contre les intérêts du pris en charge. Les actes de disposition nécessitent l’autorisation du juge ou du conseil de famille.

Comme il s’agit d’une mesure lourde, les juges demeurent très prudents sur sa mise en place. La tutelle ne sera probablement pas la première mesure mise en place par exemple à un stade précoce de la maladie d’Alzheimer. Elle pourrait être accordée lorsque la personne ne peut plus effectuer ses activités quotidiennes comme se laver ou s’habiller convenablement. Cela correspond à un déclin cognitif relativement grave (stade 5 selon l’échelle de Reisberg).  

Infographie présentant les différentes mesures de protection juridique pour un majeur atteint de la maladie d'Alzheimer

L’habilitation familiale pour simplifier les démarches

L’habilitation familiale permet à un membre de la famille de prendre des décisions au nom d’un proche atteint de démence, lorsque celui-ci n’est plus en mesure de le faire. Elle est plus facile à mettre en place qu’une mesure de protection juridique.

Une mesure privilégiant les proches

L’habilitation familiale peut être demandée par des membres de la famille tels que les descendants, ascendants, frères, sœurs, conjoint ou partenaire de PACS. Depuis la loi Justice du 23 mars 2019, la personne à protéger peut également initier cette demande.

Il convient de s’adresser au juge des contentieux de la protection. Pour déposer la requête, deux options sont possibles : directement auprès du juge ou via le procureur de la République. Un certificat médical circonstancié, établi par un médecin figurant sur la liste du procureur, doit accompagner la demande.

Une mesure plus souple

L’instruction de la demande d’habilitation familiale par le juge comprend l’audition des parties concernées et la vérification de l’accord familial.

Le juge peut choisir entre une habilitation générale, qui donne des pouvoirs étendus, ou une habilitation limitée, plus ciblée. Il peut aussi opter pour d’autres mesures de protection si cette solution n’est pas adéquate.

Le juge peut aussi prévoir une assistance plutôt qu’une représentation totale, permettant à la personne protégée d’agir avec une certaine liberté tout en étant assistée. Ce cadre limite les risques d’abus tout en respectant l’autonomie de l’individu.

La personne habilitée peut effectuer des actes de disposition des biens (vente, etc.) [s’ils sont prévus par l’habilitation], sans demander l’autorisation au juge. En cas de tutelle, elle aurait eu besoin d’une telle autorisation. En cela, l’habilitation familiale simplifie la protection de la personne démente. Ainsi, après l’entrée en vigueur de cette mesure, le juge n’intervient plus.

Autre avantage : la famille n’a pas besoin de préparer d’inventaire ni de comptes de gestion.

Qu’en est-t-il pour un majeur protégé à son entrée en EHPAD ?

La loi du 28 décembre 2015 encadre les entrées en établissement médicalisé. Une personne en perte d’autonomie à cause de la maladie d’Alzheimer a droit à des aides adaptées à ses besoins et ses ressources, dans le respect de son projet de vie. 

Il s’agit principalement de l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA), accordée à la personne pour son maintien à domicile[8]. L’entrée en EHPAD ne modifie pas le versement de cette allocation. Comme l’entrée correspond à un changement de vie majeur, la personne âgée est consultée, de façon systématique. 

Le directeur de la maison de retraite s’efforce toujours de demander le consentement du senior. Cela peut être difficile pour un patient Alzheimer : les proches doivent justifier l’urgence d’entrée auprès du juge des contentieux de protection, notamment avec un certificat médical. Après décision favorable des tribunaux, cette entrée peut alors avoir lieu, dans le souci de protection. 

Les différents dispositifs de protection juridique en cas de maladie d’Alzheimer
Dispositif
Description
Public concerné
Durée maximale
Mandat de protection future
Désignation d’un mandataire pour une représentation en cas de perte des capacités
Personnes anticipant une future dépendance
À compter de l’incapacité, sans limite
Sauvegarde de justice
Mesure temporaire et d’urgence
Personnes avec altération passagère des facultés ou nécessitant une protection immédiate
1 an (renouvelable 1 fois)
Curatelle
Assistance dans les actes de la vie civile, selon plusieurs niveaux
Personnes partiellement autonomes
5 ans (renouvelable)
Jusqu’à 20 si la situation n’est pas susceptible de s’améliorer
Tutelle
Représentation complète dans les actes de la vie civile
Personnes totalement dépendantes
5 ans
Jusqu’à 10 ans (dans les cas non susceptibles de s’améliorer – renouvelable jusqu’à 20 ans)
Habilitation familiale
Décisions prises par un proche au nom du majeur, avec intervention minimale du juge
Personnes dépendantes avec accord familial
Jusqu’à 10 ans, renouvelable

Quel régime de protection juridique favoriser pour un senior souffrant de démence ? 

Les hésitations sont nombreuses lorsque la maladie neuro-dégénérative est un stade assez précoce. La personne âgée oscille entre phases de lucidité et crises de démence. Les proches sont partagés entre l’amélioration de la protection de la personne et la volonté de maintenir une certaine autonomie. 

Pourtant, une fois le diagnostic posé, il convient d’agir vite.

Le choix de la mesure de de protection juridique n’appartient pas réellement à la famille. C’est en fait le juge des contentieux de la protection qui décide quelle mesure mettre en place. Les proches font la demande de mise sous protection, accompagnée du certificat circonstancié rédigé par un médecin.

Lorsque le juge instruit la requête, il favorise la mesure la moins contraignante adaptée à l’état du majeur et à ses besoins, en matière de protection de sa personne ou de son patrimoine. La tutelle est souvent privilégiée lorsque le patrimoine est conséquent et que l’état cognitif de l’individu est très altéré.

Quelle que soit la mesure de protection, la procédure d’entrée en établissement n’est pas automatique. Les délais entre le dépôt d’un dossier auprès des tribunaux et la reconnaissance de la mesure demeurent assez longs.

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Commentaires (8)

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  1. Liagre Véronique

    Bonjour,
    J’ai ma maman, qui est placé en EPHAD. Elle a de la démence, ne nous reconnaît plus.
    J’ai l’habilitation familial.
    Il lui donne des encyolitiques .
    Je ne suis pas d’accord , mais ils me disent que je n’ai rien à dire. Je souheterais savoir , si j’ai le droit de refuser les traitements.
    Cordialement.

    Répondre
    1. Amandine

      Bonjour

      Je vous remercie pour votre commentaire.
      Avec l’habilitation familiale, vous avez un rôle dans les décisions de santé, mais le refus de traitement dépend du contexte médical ; il est conseillé de discuter avec le médecin de l’EHPAD ou un juriste pour clarifier votre position.
      Bonne journée.
      Amandine

      Répondre
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